AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre octobre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Jean-Luc,
- Y... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BOURGES, chambre correctionnelle, en date du 3 novembre 2005, qui, pour agressions sexuelles aggravées, les a condamnés chacun à 5 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jean-Luc X..., pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-30 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Luc X... coupable d'agressions sexuelles sur personnes vulnérables par ascendant ou personne ayant autorité, l'a condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que, sur les faits commis sur Mickaël Y..., celui-ci a expliqué avoir été à plusieurs reprises victime d'attouchements, notamment sous la douche, de la part de Jean-Luc X... ; qu'il sera rappelé que les déficiences psychiques qui sont celles de Mickaël ne lui permettent pas de travestir la réalité ; que Frédéric Y... a également confirmé les faits d'agression sexuelle commis sur Mickaël Y... par Jean-Luc X... ;
"alors que la violence, contrainte, menace ou surprise est un élément constitutif du délit d'agression sexuelle ; que la cour d'appel, qui retient le délit d'agressions sexuelles à l'encontre du prévenu sans caractériser, ni même rechercher, pour aucune des trois victimes et à aucun moment de leurs relations, en quoi les atteintes sexuelles auraient été commises avec violence, contrainte, menace ou surprise, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions précitées ;
"et aux motifs que s'agissant des faits commis sur Frédéric Y..., le prévenu reconnaît l'existence de relations sexuelles avec Frédéric Y... mais soutient que celui-ci était pleinement consentant ; que l'expertise psychologique de Frédéric Y... révèle en dehors du déficit intellectuel, une organisation de la personnalité déficitaire avec des troubles instrumentaux, cognitifs et affectifs ; qu'il apparaît très dépendant d'un cadre institutionnel protecteur et contenant ; que Frédéric ne s'avère pas être un sujet mythomane, affabulateur ou pervers ; que néanmoins, il reste difficile de connaître son degré d'implication dans la relation entretenue avec Jean-Luc X... ; qu'en effet, pour l'expert, Frédéric a pu participer par investissement paternel, respect et aussi crainte de son séducteur ; que sa pathologie ne lui permettait pas clairement de discerner les enjeux de cette relation, plus imposée que délibérément choisie, même s'il a pu y prendre plaisir ; qu'il est conscient du caractère "anormal" de cette relation d'autant que son orientation n'est pas homosexuelle ; qu'il n'est pas contesté en outre que Frédéric appelait fréquemment Jean-Luc X... "papa", le considérant comme son père adoptif ; que Frédéric pouvait effectivement être manipulé, cherchant avant tout de l'affection ; que Frédéric est apparu enfin aux termes de ladite expertise comme un sujet n'étant "ni mythomane, affabulateur ou pervers" ; qu'il n'a donc pu travestir la réalité ; que Jean-Luc X..., qui bénéficiait auprès de Frédéric Y... de l'autorité attachée à une figure paternelle, a pu ainsi user de cette image auprès d'un jeune majeur protégé dont l'âge mental est évalué à 6 ans par l'expert, pour satisfaire ses pulsions en les lui présentant comme un apprentissage de la sexualité ; que Jean-Luc X... avait, en outre, pleinement conscience du handicap de Frédéric Y... qu'il connaissait depuis longtemps et n'était donc pas pour lui une relation homosexuelle de rencontre ; qu'il se devait, dès lors, de se comporter envers lui autrement qu'avec un partenaire intellectuellement apte à appréhender le sens de la relation établie dont il avait de surcroît interdit à Frédéric Y... de révéler l'existence aux enquêteurs ; qu'en ayant ainsi recours à la surprise et à la menace pour commettre les faits qui lui sont reprochés sur la personne de Frédéric Y..., Jean-Luc X... s'est bien rendu coupable du délit visé à l'article 222-22 du code pénal pour lequel il est poursuivi ;
"alors que, l'absence totale de consentement de la victime doit être caractérisée pour que le délit d'agression sexuelle soit constitué ; que la cour d'appel qui a constaté la difficulté à établir le degré d'implication de la victime dans la relation entretenue avec le prévenu n'a nullement caractérisé l'absence totale de consentement de la victime et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions précitées" ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jacques Y..., pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-29, 222-30 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques Y... coupable d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans par ascendant ou personne ayant autorité et d'agression sexuelle sur personnes vulnérables par ascendant ou personne ayant autorité, l'a condamné à la peine de 5 ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que s'agissant des faits commis sur David Y..., celui-ci a plusieurs fois rapporté des faits d'agressions sexuelles commis sur sa personne par son oncle, Jacques Y... ; que ses propos ont été confirmés par ses frères, Frédéric et Mickaël, également à plusieurs reprises ; que Mickaël expliquant que son oncle, Jacques Y..., l'avait attiré dans sa chambre pour le sodomiser, a en effet indiqué que Jacques Y... avait ensuite "fait la même chose à David" ; que Bernadette X... a indiqué, quant à elle, qu'au retour de David de colonie de vacances, elle et son mari, avaient surpris des paroles de David désignant son oncle comme un "gros cochon", David ayant également employé les termes "chambre crac-crac" et "Jacky tout nu" ; que celle-ci a ajouté, par ailleurs, avoir constaté un net changement de comportement en 1999 chez David, qui était devenu nerveux et s'exhibait facilement ; que Jacques Y... est également prévenu d'avoir favorisé ou tenté de favoriser la corruption de son neveu David Y..., mineur de 15 ans à l'époque des faits, en lui projetant des films à caractère pornographique ; que des cassettes de ce type ont effectivement été retrouvées dans la chambre de Jacques Y... ; que Mickaël Y... a également évoqué plusieurs fois l'existence de ces cassettes, y compris lors de son expertise psychologique, et insisté sur le fait que Jacques Y... obligeait David à les visionner avec lui ; qu'il sera enfin rappelé que David Y..., comme ses frères Frédéric et Mickaël, souffre de déficiences psychiques importantes et qu'il lui est donc particulièrement difficile de travestir la réalité ; que, s'agissant des faits commis sur Mickaël Y..., celui-ci a, à plusieurs reprises expliqué que, sous prétexte de lui montrer un nouveau jeu sur son ordinateur, Jacques Y... l'avait attiré dans sa chambre, puis s'était déshabillé avant de lui ôter ses vêtements et de le sodomiser ;
que Damien Z..., à qui Mickaël Y... s'était confié, a confirmé la teneur des propos tenus alors par celui-ci ; que les responsables de l'établissement spécialisé qui accueillait Mickaël, ont mis en évidence la constance de son discours ; qu'il convient de rappeler que Mickaël fait l'objet d'une mesure de tutelle ; qu'il est ajouté, concernant les agressions sexuelles reprochées à son oncle, que Mickaël se montrait "visiblement sous le coup de l'émotion - chose qui ne s'invente pas" et qu'il a confirmé ses propos, montrant sans ambiguïté sur lui-même ce que lui avait fait Jacques Y... ;
qu'il est enfin précisé que Mickaël n'est pas de nature mythomane, affabulatrice ou perverse ; qu'il n'est donc pas en mesure de travestir les faits qu'il rapporte ; qu'il a d'ailleurs toujours fait preuve de constance dans sa version des faits malgré ses déficiences psychiques ; qu'en outre Frédéric Y..., le frère de Mickaël, a confirmé être présent au moment des faits et avoir entendu ce qui se passait dans la chambre de leur oncle ; que, s'agissant des faits commis sur Frédéric Y..., lors d'une rencontre avec le médecin psychiatre, Frédéric Y... a indiqué que son oncle, Jacques Y..., était venu un soir dans sa chambre, s'était masturbé et couché dans son lit ; que Frédéric a confirmé ses propos lorsqu'il a été entendu par le magistrat instructeur ; qu'il a expliqué avoir repoussé son oncle qui l'avait alors laissé tranquille ; que, malgré les dénégations du prévenu, Frédéric Y... qui n'est pas considéré par ailleurs comme un affabulateur, a toujours maintenu ses déclarations ; qu'en définitive, il apparaît que c'est à bon droit au vu de ce qui précède, les infractions qui lui sont reprochées étant établies, que Jacques Y... en a été déclaré coupable ;
"alors que la violence, contrainte, menace ou surprise est un élément constitutif du délit d'agression sexuelle ; que la cour d'appel qui retient le délit d'agression sexuelle à l'encontre du prévenu sans caractériser ni même rechercher, pour aucune des trois victimes et à aucun moment de leurs relations, en quoi les atteintes sexuelles auraient été commises avec violence, contrainte, menace ou surprise a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions précitées" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Le Gall conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Chanet conseiller rapporteur, Mme Koering-Joulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;