AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué(Caen, 28 février 2002), que la société Amidis, propriétaire d'un fonds de commerce de supermarché situé à Langres, est entrée en relations avec la société Norminter Est (la société Norminter) laquelle était désireuse de se porter acquéreur de ce fonds, ainsi que d'un second situé à Baccarat ; qu'en réponse à une lettre du 21 janvier 1999, la société Norminter a adressé le 21 mai 1999 à la société Amidis un courrier rédigé dans les termes suivants : "Nous vous informons que nous acceptons votre offre et les conditions financières d'acquisition du fonds de commerce et du contrat de crédit-bail immobilier de votre supermarché de Langres pour 30 000 000 francs" ; que la société Amidis ayant refusé de donner suite à ce courrier, la société Norminter l'a assignée devant le tribunal de commerce à l'effet de voir juger que la vente était parfaite et de la voir condamner au paiement de dommages-ntérêts pour manquement à son obligation de délivrance ;
que devant cette juridiction, la société Amidis a d'abord fait valoir que le contenu de la lettre du 21 janvier 1999 ne constituait pas une offre ferme et définitive avant d'indiquer par de nouvelles conclusions du 10 octobre 2000 qu'elle acceptait de vendre le fonds de commerce de Langres selon les conditions prévues dans le courrier du 21 janvier 1999 et qu'elle demandait au tribunal de constater la réalité de cette vente ;
que le tribunal a dit n'y avoir lieu à valider la promesse de vente et a rejeté les demandes des parties ; que la société Amidis a relevé appel de cette décision ; qu'infirmant le jugement, la cour d'appel a constaté la vente par la société Amidis à la société Norminter du fonds de commerce exploité à Langres et du contrat de crédit-bail immobilier le concernant moyennant le prix de 4 573 470 euros ;
Attendu que la société Norminter fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que devant le tribunal de commerce, la procédure est orale ; que les prétentions des parties ainsi que l'acquiescement, formulés dans des conclusions écrites, doivent être réitérées à la barre ; que la cour d'appel, qui a jugé valable l'acquiescement formulé dans les conclusions de la société Amidis, sans relever, ni que les prétentions litigieuses, ni que l'acquiescement avaient été réitérées à la barre, a privé sa décision de base légale au regard des articles 871 et 408 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que la vente est parfaite lorsque la volonté de l'acquéreur et celle du vendeur se sont rencontrées sur une même offre ; que dans son exploit introductif d'instance, elle faisait valoir que la vente était parfaite dès lors que, par lettre du 21 mai 1999, elle avait accepté l'offre formulée par la société Amidis le 21 janvier 1999 ; qu'en revanche, la société Amidis, dans ses conclusions du 10 octobre 2000, avait précisé que sa lettre du 21 janvier 1999 ne constituait qu'une "manifestation d'intention" et non une offre définitive de vendre le bien concerné ; qu'elle ajoutait ainsi, "pour des raisons qui lui sont propres", renoncer à l'opération envisagée initialement, et déclarait dès lors "par les présentes conclusions", accepter de céder le supermarché selon les conditions prévues dans le courrier du 21 janvier 1999 ; qu'il en résultait que la société Amidis formulait ainsi une offre de vendre, distincte de l'offre dont s'était prévalue la société Norminter dans son assignation, et qu'il appartenait à cette dernière d'accepter formellement, peu important qu'elle ait été faite aux conditions envisagées initialement ; qu'en décidant que, par ses conclusions du 10 octobre 2000, la société Amidis avait accepté l'offre d'acheter de la société Norminter, telle que réitérée dans son assignation, ce qui rendait la vente parfaite, quand il s'agissait en réalité de deux offres distinctes, et que la société Norminter n'avait pas accepté l'offre de vente formulée pour la première fois, de son propre aveu, par la société Amidis dans ses conclusions du 10 octobre 2000, la cour d'appel a violé l'article 1583 du code civil ;
3 / que l'acquiescement emporte reconnaissance du bien fondé des prétentions de l'adversaire ; qu'en considérant que la société Amidis, par ses conclusions du 10 octobre 2000, qui formulaient une offre de céder le supermarché litigieux, en déniant à la lettre du 21 janvier 1999 le caractère d'une offre de vente, avait acquiescé au contenu de la demande de la société Norminter qui tendait à voir constater le caractère parfait de la vente à raison de l'acceptation, par lettre du 21 mai 999, de l'offre de vente du 21 janvier 1999, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis tant des conclusions du 10 octobre 2000 que de l'exploit introductif d'instance, et violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 408 du nouveau code de procédure civile ;
4 / que l'assignation délivrée par la société Norminter à la société Amidis tendait à voir juger la vente parfaite entre les parties, et à la condamnation de la société Amidis à payer à la société Norminter une somme de 1 000 000 francs à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de délivrance dans un délai raisonnable ;
qu'en décidant que la société Amidis avait acquiescé au contenu de la demande de la société Norminter en déclarant accepter de vendre le supermarché litigieux et que la vente était en conséquence parfaite, sans égard pour le fait que la société Norminter avait formulé une demande de dommages-intérêts à laquelle la société Amidis n'avait pas déclaré acquiescer, tandis que la société Norminter n'avait nullement déclaré abandonner cette prétention, au demeurant indivisible de sa demande relative à la constatation de la vente, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 408 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société Norminter s'étant bornée dans ses conclusions d'appel à invoquer la modification des facteurs locaux de commercialité pour s'opposer à la réalisation de la vente, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la volonté des parties, exclusif de toute dénaturation, que la cour d'appel, constatant, d'un côté, que l'offre d'acquérir le fonds de commerce présentée par la société Norminter dans l'acte introductif d'instance avait été acceptée expressément par la société Amidis dans ses conclusions du 10 octobre 2000, la société Norminter n'ayant ni modifié, ni rétracté ses demandes au moment de cette acceptation tandis que, de l'autre, le caractère oral de la procédure devant le tribunal de commerce n'empêchait pas la formulation par la société Norminter de conclusions de désistement de sa demande ou de modification de celle-ci, en a déduit que la vente était parfaite ;
Attendu, en second lieu, que la demande initiale en paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de délivrance formulée par la société Norminter étant distincte de celle tendant à voir reconnaître le caractère parfait de la vente, la cour d'appel, était seulement tenue, en l'état des demandes dont elle était saisie, de rechercher l'existence d'un accord des volontés relatif à la vente du fonds de commerce ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Norminter Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à la société Amidis la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille six.