AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Reçoit la Fédération des banques françaises en son intervention ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 décembre 2004), que par acte du 5 octobre 1991, M. X... et Mme Y... se sont rendus cautions solidaires du prêt consenti par la caisse régionale de crédit mutuel agricole de l'Oise (la caisse) à la SCI des Pelletiers dont ils étaient les seuls associés et que dirigeait M. X... ; qu'après défaillance de la SCI, ils ont recherché la responsabilité de la caisse et soutenu, sur le fondement de l'article L. 341-4 du code de la consommation, que cette dernière ne pouvait se prévaloir de leurs engagements de caution en raison de leur caractère disproportionné à leurs biens et revenus au jour de la conclusion du contrat ;
Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande alors, selon le moyen, que l'article L. 341-4 du code de la consommation est applicable aux contrats de cautionnement conclus antérieurement à la date de son entrée en vigueur, le 7 août 2003 ; qu'en considérant que tel n'était pas le cas la cour d'appel l'a violé par refus d'application ;
Mais attendu que l'article L. 341-4 du code de la consommation issu de la loi du 1er août 2003 n'est pas applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'ayant constaté que les engagements des cautions avaient été souscrits le 5 octobre 1991, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'article précité ne leur était pas applicable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande formée par M. X... et Mme Y... et celle formée par la CRCAM de l'Oise ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille six.
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme Y....
Moyen annexé à l'arrêt n° 244 P+B+R+I (Chambre mixte)
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... et Madame Y... de leur demande tendant à voir juger que la CRCAM DE L'OISE, venant aux droits de la CRCAM DE BEAUVAIS, avait commis des fautes à l'égard de la SCI DES PELLETIERS, débitrice principale, de nature à engager sa responsabilité, et, par voie de conséquence, décharger Monsieur X... et Madame Y... de leur obligation de caution,
aux motifs, sur les moyens tirés des manquements de l'organisme prêteur à ses obligations d'information, de renseignement et de conseil dans le cadre de l'octroi du prêt consenti à la SCI DES PELLETIERS,
1 ) que Monsieur X... et Madame Y..., qui ont déposé, soit eux-mêmes soit par l'intermédiaire de Madame Z..., une demande de prêt à réaliser au profit d'une SCI DES PELLETIERS qu'ils ont constituée ensemble et dont ils sont les seuls porteurs de parts, en faisant état de leurs revenus respectifs, des biens dont Madame Y... était propriétaire et en ayant fourni le détail et le coût des travaux de rénovation, ainsi que le montant estimé des loyers provenant de la location, après réalisation des travaux projetés, ne sauraient invoquer un quelconque manquement de l'organisme prêteur à une obligation de conseil et d'information dans le cadre du prêt octroyé à la SCI DES PELLETIERS dès lors qu'il n'est pas allégué ni démontré que l'établissement de crédit fût en possession d'informations sur les risques de l'opération ou sur les capacités de remboursement de l'emprunteuse que Monsieur X..., gérant de la société, ou Madame Y..., associée, auraient ignoré ; qu'en effet, celle-ci ne pouvait ignorer les risques, tant pour elle-même que pour la société dont elle connaissait parfaitement les capacités de remboursement dès lors qu'elle a constitué avec Monsieur X... plusieurs SCI préalablement à la constitution de la SCI DES PELLETIERS avec un objet identique à celui de cette dernière, le seul bien devant être acquis étant différent, les gérants étant soit Madame Y... soit Monsieur X... et les acquisitions étant réalisées au moyen de fonds prêtés par d'autres établissements financiers que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L'OISE ; qu'il en est de même, pour ce même motif, en ce qui concerne Monsieur X..., de surcroît gérant de la société bénéficiaire du prêt,
et aux motifs 2 ) qu'il ne saurait être reproché à l'établissement de crédit d'avoir octroyé un prêt alors qu'il ne pouvait ignorer que l'opération envisagée était nécessairement vouée à l'échec ; qu'en effet, l'organisme prêteur, même si la SCI DES PELLETIERS est une personne morale distincte de ses associés, dès lors que celle-ci n'était composée que de Monsieur X... et Madame Y..., a tenu compte, pour apprécier la viabilité du projet, des revenus indiqués par ces derniers dans la demande de prêt et des loyers escomptés telle que présentée par Monsieur X... et Madame Y..., ainsi que des charges connues de ces derniers, de telle sorte que compte tenu d'un revenu mensuel de 43.112 francs comprenant les salaires indiqués par Monsieur X... et Madame Y... et les loyers escomptés au bénéfice de la société et les charges constituées par le montant mensuel des mensualités de remboursement du prêt sollicité de 17.715 francs et par celui d'un montant de 5.840,95 francs par mois au titre d'un précédent prêt accordé, il restait à Monsieur X... et Madame Y..., qui étaient domiciliés à la même adresse et qui s'étaient prévalus de leurs ressources et des biens dont cette dernière était propriétaire, 19.556 francs pour s'acquitter des charges de la vie courante, étant observé que Madame Y... est propriétaire de l'immeuble où elle se trouve domiciliée avec Monsieur X... ; que pour les mêmes motifs, Monsieur X... et Madame Y... ne peuvent soutenir que l'établissement de crédit a manqué à une obligation de se renseigner sur des éléments que ces derniers connaissaient puisqu'il s'agissait de leurs situations financières, de leurs précédents engagements en qualité de caution solidaire des sociétés civiles constituées antérieurement à la SCI DES PELLETIERS et qu'ils auraient dû porter à la connaissance de l'établissement de crédit ; qu'en outre, l'établissement de crédit était en possession des devis des travaux projetés et d'une estimation du montant des loyers ; que nonobstant toutes autres allégations puisque l'établissement de crédit a octroyé le prêt en considération de renseignements fournis par Monsieur X... et Madame Y... et que ces derniers ont manifestement cherché à tirer parti de leurs ressources et de leur patrimoine personnels qu'ils ont eux-mêmes évalués pour obtenir le prêt au profit de la SCI DES PELLETIERS dont ils étaient les seuls associés, il convient donc de débouter ces derniers de leur demande tendant à ce qu'ils soient déchargés de leur obligation de caution en raison des fautes commises par la CRCAM dans le cadre de l'octroi du prêt consenti à la SCI DES PELLETIERS,
alors, d'une part, qu'en opposant à Madame Y... la règle selon laquelle la caution qui exerce des fonctions de direction au sein de la société emprunteuse ne peut reprocher à l'établissement de crédit prêteur de lui avoir octroyé un prêt qui ne pourrait pas être remboursé dès lors qu'elle n'allègue pas que cet établissement de crédit aurait été en possession d'informations sur les risques de l'opération ou les capacités de remboursement de la société emprunteuse qu'elle aurait elle-même ignorées, après avoir constaté que Madame Y... n'était qu'associée de la SCI emprunteuse, la Cour d'appel s'est déterminée à partir de motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil,
et alors, d'autre part, qu'un établissement de crédit commet une faute lorsqu'il consent un prêt à une société dont le projet n'était pas viable ; que la viabilité du projet pour lequel le prêt est sollicité s'apprécie au regard de l'emprunteur, et non, en particulier, lorsqu'il s'agit d'une société, de ses associés ; qu'en se déterminant en considération des biens et revenus des associés de la SCI emprunteuse, motif pris de ce qu'elle " n'était composée que de Monsieur X... et Madame Y... ", la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 1842 et 1858 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... et Madame Y... de leur demande tendant à voir constater le caractère disproportionné des engagements de caution souscrits, et, par voie de conséquence, juger que la CRCAM DE L'OISE ne peut pas se prévaloir à l'égard de Monsieur X... et Madame Y... des engagements de caution souscrits par eux, ou subsidiairement, condamner la CRCAM DE L'OISE à verser à Monsieur X... et Madame Y... la somme de 476.110,45 euros à titre de dommages-intérêts,
aux motifs, sur les moyens tirés des articles L.341-4 et L.313-10 du code de la consommation et de l'article 1382,
1 ) que l'article L. 341-4 du code de la consommation résultant de l'article 11 de la loi du 1 août 1923 dispose que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que les dispositions de la loi du 1er août 2003 sont entrées en vigueur le 7 août 2003 à l'exception des articles L.341-2, L.341-3, L.341-5 et L.341-6, dont l'entrée en vigueur a été fixée six mois après la publication de la loi ; que l'article L.341-4 n'est pas applicable aux contrats de cautionnement conclus antérieurement au 7 août 2003 dès lors qu'en posant le principe que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était manifestement disproportionné au jour de la conclusion du contrat, il est relatif aux conditions de création d'une situation juridique efficace et non à la détermination de ses effets et que la loi du 1er août 2003 ne comporte aucune disposition dérogeant au principe de l'article 2 du code civil selon lequel la loi n'a point d'effet rétroactif ; que Monsieur X... et Madame Y... ne peuvent donc invoquer ce texte, leur engagement de caution ayant été souscrit au mois de septembre 1991,
et aux motifs
2 ) que l'engagement de Madame Y... en qualité de caution solidaire avec Monsieur X... de la débitrice principale n'est pas disproportionné à ses biens et revenus dès lors qu'il apparaît des informations données que lors de son engagement, elle disposait d'un revenu mensuel de 21.628 francs et était propriétaire de deux immeubles évalués l'un à la somme de 2.500.000 francs et l'autre à 1.500.000 francs alors que les fonds prêtés étaient d'un montant de 1.492.000 francs, et ce même si elle avait à sa charge le remboursement d'un prêt au moyen de versements mensuels de 5.840,95 francs en raison de l'état de son patrimoine immobilier, étant observé qu'il n'est pas démontré que lors de l'octroi du prêt et de l'engagement de Madame Y..., l'organisme de crédit avait connaissance des engagements de cette dernière relativement aux différentes acquisitions réalisées par les sociétés civiles immobilières créées antérieurement à la SCI DES PELLETIERS par elle-même et Monsieur X... ; qu'il convient donc de les débouter de leur demande tendant à se voir décharger de leurs obligations en tant que caution de la SCI DES PELLETIERS ou se voir allouer des dommages-intérêts devant venir en compensation avec les sommes dues par eux,
alors, d'une part, que l'article L.341-4 du code de la consommation est applicable aux contrats de cautionnement conclus antérieurement à la date de son entrée en vigueur, le 7 août 2003 ; qu'en considérant que tel n'était pas le cas, la Cour d'appel l'a violé, par refus d'application,
et alors, d'autre part, qu'en ne tenant aucun compte de la charge de remboursement du prêt pour se prononcer sur le caractère disproportionné, ou non, du cautionnement dont il était assorti aux biens et revenus de la caution, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.