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23/08/2006 | FRANCE | N°06-83790

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 août 2006, 06-83790


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois août deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Volker,

contre l'arrêt de la chambre d

e l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 20 avril 2006, qui, sur renvoi apr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois août deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARON, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Volker,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 20 avril 2006, qui, sur renvoi après cassation, dans l'information suivie contre lui pour travail dissimulé, a prononcé sur sa requête en annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 23 juin 2006, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 53, 173, 206 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi de cassation, a rejeté le moyen de nullité tiré de l'irrégularité de l'enquête de flagrance ;

"aux motifs que sur la régularité de l'enquête de flagrance, l'article 364-11 du code du travail qui sanctionne d'une peine contraventionnelle l'employeur étranger qui a omis de déclarer les salariés qu'il détache temporairement sur le territoire français pour l'accomplissement d'une prestation de service n'est pas exclusif de la recherche du délit de travail dissimulé auquel pourrait se livrer en France ce même employeur ; d'une part, les dispositions des articles L. 320 et L. 324-10 relatifs au travail dissimulé n'opèrent aucune distinction selon la nationalité de l'employeur ; d'autre part, la déclaration de détachement du salarié étranger est édictée comme preuve par l'employeur de couverture sociale qu'il a assurée à ce dernier ; si le défaut de déclaration est en soi une infraction punie d'une peine contraventionnelle, il est également l'indice d'un travail dissimulé lorsqu'il n'est compensé par aucune autre preuve de la couverture sociale ménagée au salarié étranger ; en effet, le défaut de couverture sociale constitue l'élément matériel du délit de travail dissimulé ; les prestations des membres d'un orchestre venus de l'étranger sont, en raison de la présomption de salariat posée par l'article L. 762-1 du code du travail, des prestations exécutées dans le cadre d'un contrat de travail qui les lie à l'organisateur du spectacle ; à partir du moment où les documents produits par Volker X... ne rapportaient pas la preuve de la situation de travail indépendant de chacun des musiciens en cause, les officiers de police judiciaire étaient bien fondés à ouvrir une enquête en flagrance pour travail dissimulé et infractions au droit du travail (arrêt, pages 7 et 8) ;

"1 ) alors que l'indice de la commission d'une infraction flagrante n'est pas apparent si son existence résulte d'un acte d'enquête, l'état de flagrance impliquant que l'indice apparent de l'infraction qui se commet ou vient de se commettre soit antérieur aux actes d'enquête mis en oeuvre dans le cadre du délit flagrant ;

que le défaut de déclaration des salariés aux organismes de protection sociale, susceptible de constituer l'élément matériel du délit de travail dissimulé, et partant l'indice apparent de cette infraction, doit exister antérieurement à l'ouverture de l'enquête de flagrance et non pas résulter des investigations des enquêteurs ;

qu'en l'espèce, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de l'enquête de flagrance, la chambre de l'instruction s'est déterminée par la seule circonstance "qu'à partir du moment où les documents produits par Volker X... ne rapportaient pas la preuve de la situation de travailleur indépendant de chacun des musiciens en cause, les officiers de police judiciaire étaient bien fondés à ouvrir une enquête de flagrance pour travail dissimulé" ; qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que la présomption de défaut de déclaration des salariés n'est apparue aux enquêteurs qu'à l'issue d'un contrôle d'identité dans le cadre duquel Volker X... n'a pas été en mesure de rapporter la preuve de la situation de travailleur indépendant des musiciens, de sorte qu'aucun indice apparent de l'infraction en cause n'existait avant ce contrôle et, par conséquent, que les officiers de police judiciaire ne pouvaient - en cet état - ouvrir une enquête de flagrance du chef de travail dissimulé par défaut de déclaration des salariés aux organismes de protection sociale, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

"2 ) alors qu'un fait négatif ne peut constituer l'indice apparent d'une infraction entrain ou venant de se commettre ; que, dès lors, en estimant au contraire que la circonstance que le demandeur n'ait pas été en mesure de produire les déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale a permis aux enquêteurs d'ouvrir une enquête de flagrance pour travail dissimulé, la chambre de l'instruction a violé l'article 53 du code de procédure pénale ;

"3 ) alors que, le fait qu'un employeur soit, au cours d'un contrôle, dans l'impossibilité de produire les déclarations faites aux organismes de protection sociale ne peut, à lui seul, révéler l'existence d'un délit de travail dissimulé ; qu'en estimant au contraire qu'à partir du moment où les documents produits par Volker X... ne rapportaient pas la preuve de la situation de travailleurs indépendants des musiciens, les officiers de police judiciaire étaient bien fondés à ouvrir une enquête en flagrance, la chambre de l'instruction a violé l'article 53 du code de procédure pénale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'ayant recueilli des informations selon lesquelles des infractions à la législation sociale et fiscale étaient susceptibles d'être commises à l'occasion du concert organisé et dirigé par Volker X... devant être donné, le 22 février 2005, au Palais de la Musique de Strasbourg par le New Cologne Philarmonic Orchestra, le procureur de la République a prescrit l'exécution d'un contrôle en application de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale ; qu'à la suite des constatations effectuées sur place, après le concert, par les policiers, une enquête de flagrance a été aussitôt ouverte pour travail dissimulé, au cours de laquelle Volker X... a été placé en garde à vue ;

Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation, pris de l'absence de caractérisation de l'état de flagrance, l'arrêt attaqué relève, notamment, qu'à défaut pour Volker X..., au cours de ce contrôle, qui n'exige pas, pour sa régularité, un indice préexistant d'un comportement délictueux, de présenter aux policiers les documents établissant que les musiciens de son orchestre possédaient le statut de travailleurs indépendants, ainsi qu'il l'alléguait, ou qu'ils bénéficiaient d'une couverture sociale en qualité de travailleurs salariés, le recours à la procédure de flagrant délit a été justifié par les constatations des policiers permettant de soupçonner l'existence d'un travail dissimulé ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 63, 63-1 à 63-5, 77, 173, 206 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de Volker X... tendant à l'annulation de son placement en garde à vue et des actes subséquents ;

"aux motifs que le procès-verbal de placement en garde à vue de Volker X... avait été transmis par l'officier de police judiciaire au procureur de la République le 23 février 2005 par télécopie à 1 heure 32 ; à ce moment, l'officier de police judiciaire, de retour au service, avait notifié à Volker X... à 0 heure 30 son placement en garde à vue depuis 22 heures 45, heure de son interpellation, ainsi que ses droits ; la loi n'impose aucune forme pour l'information donnée au procureur de la République sur le placement en garde à vue ; par contre, celle-ci doit être donnée dès le début de la garde à vue ; il ressort du procès-verbal établi par l'officier de police judiciaire coté D. 122 et D. 123 que Volker X... a été informé verbalement de son placement en garde à vue le 22 février 2005 à 22 heures 45, et de l'établissement ultérieur d'un procès-verbal le constatant dès son retour au service ; il s'est donc écoulé deux heures trois quart entre le placement en garde à vue et l'information qui en a été donnée au procureur de la République et une heure entre l'établissement du procès-verbal de garde à vue et l'envoi de sa copie au magistrat sous la forme d'une télécopie ; qu'il y a lieu de relever que les officiers de police judiciaire ont, aux termes de ce même procès-verbal coté D. 122, conduit, après la notification verbale du placement en garde à vue, quinze musiciens issus de l'orchestre, en plus de Volker X..., à leur service pour audition ; que ces personnes ont été entendues, à partir de 0 heure 15, comme témoins, hors du régime de la garde à vue et n'ont, selon les heures mentionnées dans les procès-verbaux, été retenues que pour le temps strictement nécessaire à leur audition ; compte tenu de l'ampleur des opérations débutées hors locaux de service, de la nécessité de rassembler les personnes, pour la plupart étrangères, en vue de leur audition et de leur conduite dans lesdits locaux, il ne peut être reproché à l'officier de police judiciaire d'avoir attendu d'être de retour à ceux-ci et de disposer du matériel adéquat pour donner au procureur de la République l'information sur le placement en garde à vue de Volker X... ; l'ampleur des opérations à effectuer dès l'arrivée dans les locaux du service, la mobilisation de nombreux officiers et agents de police judiciaire pour procéder aux auditions des témoins avec l'assistance des interprètes et la nécessaire priorité donnée à la mise en forme du procès-verbal de garde à vue et de la notification de ses droits à Volker X..., tous éléments ressortant des procès-verbaux, justifient que le parquet ait reçu l'avis une heure après le débat l'établissement de ce procès-verbal, commencé à 0 heure 30 et clos à 0 heure 45 ; pour les raisons expliquées

ci-dessus, il s'agissait en effet d'un délai incompressible et l'avis adressé au procureur de la République ne peut être considéré comme tardif ; la requête en nullité sera rejetée de ce chef ;

"1 ) alors que, dès son placement en garde à vue, la personne qui fait l'objet d'une telle mesure doit être informée des droits prévus aux articles 63-1 et suivants du code de procédure pénale, tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, portant nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; que, dès lors, en refusant d'annuler le placement en garde à vue du demandeur, tout en relevant que si Volker X... a été informé verbalement de son placement en garde à vue le 22 février 2005 à 22 heures 45, heure de son interpellation, qui marque le début de sa garde à vue, ce n'est que le 23 février 2005 à 0 heure 30, que l'officier de police judiciaire, de retour au service, a notifié au demandeur "son placement en garde à vue depuis 22 heures 45, heure de son interpellation, ainsi que ses droits", ce dont il résulte que la notification de ses droits à Volker X... a été opérée 1 heure 45 minutes après le début de la garde à vue, la chambre de l'instruction a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 63-1 du code de procédure pénale ;

"2 ) alors que, la loi n'impose aucune forme pour la notification au procureur de la République du placement d'une personne en garde à vue, mais exige l'accomplissement de cette formalité dès le début de la garde à vue, et tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par une circonstance insurmontable, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que Volker X... a été placé en garde à vue le 22 février 2005 à 22 heures 45, tandis que le procureur de la République n'a été avisé de cette mesure que le 23 février 2005 à 1 heure 32, soit 2 heures 45 après le placement en garde à vue ; que pour estimer que le délai qui s'est ainsi écoulé ne caractérise pas un retard injustifié, la chambre de l'instruction a relevé que dans cet intervalle de temps, les officiers de police judiciaire ont tout d'abord conduit 15 musiciens dans les locaux de service, puis procédé, à partir du 23 février 2005 à 0 heure 15, à leurs auditions en qualité de témoins, puis rédigé le procès-verbal de placement en garde à vue, le 23 février 2005 de 0 heure 30 à 0 heure 45, soit 45 minutes avant la notification au procureur ; qu'en l'état de ces énonciations, qui se bornent à faire état des choix, librement opérés par les enquêteurs, d'une part, de procéder, par priorité, à la conduite des musiciens dans les locaux de service, et à leur audition en qualité de témoins, d'autre part, de rédiger le procès-verbal de placement en garde à vue avant de notifier cette mesure au procureur, enfin d'attendre encore 45 minutes après la rédaction de ce procès-verbal pour l'adresser, en télécopie, au magistrat, ne caractérisent aucune circonstance insurmontable ayant empêché les enquêteurs d'informer le procureur de la République, dès le début de la garde à vue, et notamment par un simple appel téléphonique, de la mesure prise à

l'égard du demandeur, la chambre de l'instruction a violé les articles 63 et 77 du code de procédure pénale" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que le moyen, en ce qu'il invoque l'irrégularité de la notification à Volker X... des droits attachés à son placement en garde à vue, non soulevée par le requérant à la nullité devant la chambre de l'instruction, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 63-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, l'officier de police judiciaire qui est amené, pour les nécessités de l'enquête, à garder une personne à sa disposition, a le devoir d'en informer le procureur de la République dès le début de la mesure ; que tout retard dans l'information donnée à ce magistrat, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée ;

Attendu que, pour rejeter le moyen d'annulation pris de ce que le procureur de la République n'aurait été avisé que le 23 février, à 1 heure 32, du placement en garde à vue de Volker X..., intervenu la veille, à 22 heures 45, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs qui n'établissent pas les circonstances insurmontables auxquelles auraient été confrontés les policiers et qui auraient justifié un retard de près de trois heures dans l'information du magistrat du placement en garde à vue, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte précité et du principe énoncé ci-dessus ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 20 avril 2006, en ses seules dispositions ayant prononcé sur la régularité de l'information du procureur de la République du placement en garde à vue de Volker X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Blondet conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Le Corroller conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-83790
Date de la décision : 23/08/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, 20 avril 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 aoû. 2006, pourvoi n°06-83790


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BLONDET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.83790
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