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12/07/2006 | FRANCE | N°04-30406

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 juillet 2006, 04-30406


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° G 04-30046 et F 04-30047 qui sont connexes ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 avril 2004),que M. X..., marin professionnel, employé par la station de pilotage du Havre-Fécamp en qualité de chef mécanicien de bateau porte-pilote et classé à ce titre dans la 15e catégorie du décret n° 52-540 du 7 mai 1952, a été l'objet d'un déclassement en 13e catégorie à compter du 7 juillet 1987, à l'occasion du désarmement du navire sur lequ

el il exerçait ses fonctions ;

qu'une pension de retraite lui ayant été attribuée le...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° G 04-30046 et F 04-30047 qui sont connexes ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 avril 2004),que M. X..., marin professionnel, employé par la station de pilotage du Havre-Fécamp en qualité de chef mécanicien de bateau porte-pilote et classé à ce titre dans la 15e catégorie du décret n° 52-540 du 7 mai 1952, a été l'objet d'un déclassement en 13e catégorie à compter du 7 juillet 1987, à l'occasion du désarmement du navire sur lequel il exerçait ses fonctions ;

qu'une pension de retraite lui ayant été attribuée le 18 juillet 2001 sur cette dernière base, il a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande en sollicitant son classement rétroactif en 15e catégorie à compter de la date de son déclassement ;

Sur la recevabilité du pourvoi n° J 04-30.407, contesté par la défense :

Attendu que M. X... soutient que le pourvoi du Syndicat des pilotes du Havre, représentant la station de Pilotage du Havre-Fécamp (le syndicat), intervenant volontaire en appel, serait irrecevable ;

Mais attendu que, dès lors qu'il a été formé après celui de l'ENIM, partie principale devant la cour d'appel, le pourvoi du syndicat, intervenant à titre accessoire, est recevable ;

Sur le second moyen du pourvoi n° J 04-30.407, qui est préalable :

Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence qu'il soulevait , alors, selon le moyen :

1 / que la cour d'appel peut relever d'office son incompétence si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction administrative ; que dans ses conclusions en intervention volontaire, le Syndicat professionnel des pilotes du Havre Fécamp faisait valoir que le juge administratif était seul compétent pour connaître du litige ; qu'en écartant cette exception d'incompétence au motif que l'exception n'avait pas été soulevée devant le premier juge et qu'elle aurait dû être soulevée avant toute défense au fond, la cour d'appel, qui devait en toute hypothèse examiner sa compétence au regard des conclusions dont elle était saisie, a violé l'article 92 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que dans ses conclusions en intervention volontaire, le Syndicat professionnel des pilotes du Havre Fécamp faisait valoir que le tribunal administratif était seul compétent pour apprécier l'argumentation de M X... remettant en cause les mentions portées sur son livre professionnel, qui constitue un document administratif ; qu'en affirmant que le litige était de la compétence des tribunaux des affaires de sécurité sociale, tout en laissant de ce chef sans réponse les conclusions du syndicat, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale a organisé un contentieux général de la sécurité sociale, dont relèvent les contestations relatives au régime d'assurance des marins du commerce, au nombre desquelles figurent les litiges relatifs aux cotisations et prestations afférentes à ce régime ;

Qu'ayant constaté que M. X... sollicitait son reclassement en 15e catégorie, de sorte que le litige qui l'opposait à l'ENIM et au Syndicat était relatif à l'application du code des pensions de retraite des marins, qui ne relève pas de par sa nature d'un contentieux autre que celui général de la sécurité sociale, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° G 04-30.406, et sur le second moyen du pourvoi n° J 04-30.407 réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande de M. X... tendant à bénéficier d'un classement en 15e catégorie à compter du 7 juillet 1986, alors, selon le moyen unique du pourvoi G 04 30-046 :

1 / que le principe de non rétroactivité posé à l'article 2 du code civil ne s'applique pas aux lois interprétatives qui précisent une notion qu'une définition imparfaite rendait susceptible de controverse ;

qu'il résulte des termes exprès de l'article 3 ter du décret du 7 mai 1952, inséré par le décret n° 2002-841 du 3 mai 2002, que la définition du terme "bateau porte-pilotes" a été donnée en vue de l'application de ce décret ;

qu'en vertu de ce texte, le bateau porte- pilotes n'a pas les mêmes fonctions que les vedettes de pilotage, de sorte que les postes de travail sur celles-ci ne correspondent pas, ainsi que l'ENIM le soutenait, à ceux existant pour les premiers et que le classement des marins devait être fait au regard des fonctions effectivement exercées sur ces vedettes ; qu'en affirmant néanmoins que le décret du 3 mai 2002 n'avait pas de valeur interprétative s'agissant de cette notion de bateau porte-pilotes, ainsi différencié de celle de vedette de pilotage, pour écarter toute modification du classement de M. X... pour la période où il a cessé de travailler sur le bateau porte-pilotes pour être affecté sur les pilotines, la cour d'appel a méconnu la volonté expresse du législateur et a violé le texte susvisé, ainsi que l'article L. 42 du code des pensions de retraite des marins et les articles 1 et 3 ter du décret du 7 mai 1952 ;

2 / qu'aux termes de l'article 1 du décret du 7 mai 1952, le classement des marins dépend des fonctions que celui-ci exerce à bord ;

qu'en l'espèce, il était constant que M. X... n'a plus exercé, à compter du 1er janvier 1986, suite à la vente du bateau porte-pilotes "le Havre de Grâce", les fonctions de chef mécanicien sur les vedettes de pilotage remplaçant le bateau porte-pilotes mais celles de mécanicien, fonction par laquelle le décret du 7 mai 1952 ne prévoit qu'un classement en 12e catégorie au mieux ; qu'en affirmant que M. X... pouvait prétendre néanmoins conserver son classement en 15e catégorie bien que ce classement impliquât qu'il fut demeuré chef mécanicien à bord des pilotines, ce qu'il n'a jamais soutenu et ce qui ne correspondait en aucun cas à la réalité attestée par son livret professionnel maritime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3 / qu'il résulte des termes clairs et précis de l'article 1 du décret du 7 mai 1952 que le classement en 15e catégorie concernait un travail exécuté à bord d'un bateau porte-pilotes de plus de 100 tonneaux ou d'une puissance de plus de 500 CV ; qu'en affirmant que ce texte devait être appliqué également en cas d'embarquement sur des pilotines au seul motif qu'elles ont une puissance supérieure à 500 CV et ont aussi pour fonction de transporter des pilotes, sans s'expliquer sur les éléments essentiels exposés devant elle, tenant à des conditions d'intervention très différentes, et justifiant que le personnel n'a pas besoins d'être aussi nombreux et aussi qualifié que sur un bateau porte-pilote, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

4 / que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en attribuant au requérant le bénéfice de la 15e catégorie, au motif "qu'il n'est pas discuté que M. X... exerçait les fonctions de chef mécanicien dont il avait les qualifications à bord du navire porte-pilote", cependant que dans ses conclusions en intervention volontaire, le syndicat professionnel faisait valoir que "quand bien même M. X... pouvait embarquer en qualité de chef mécanicien dans la mesure où il dispose du diplôme correspondant, il ne pouvait nécessairement pas embarquer en cette qualité sur une vedette ne comportant pas un tel poste" et qu'ainsi" il n'a donc jamais pu être chef mécanicien sur une telle vedette "la cour d'appel, qui a tenu pour constante une question débattue par les parties, a méconnu les limites du litige et a violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

5 / qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... exerçait bien les fonctions de chef mécanicien sur la vedette pilotine à bord de laquelle il était embarqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1 du décret n° 52-540 du 7 mai 1952 ;

Mais attendu, d'abord, que l'article 2 du décret modificatif n° 2002-841 du 3 mai 2002, a introduit des dispositions nouvelles et ne présente donc aucun caractère interprétatif ;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a retenu, sans méconnaître les termes du litige, que M. X..., qui exerçait jusqu'à son déclassement les fonctions de chef mécanicien, avait embarqué à compter du 7 juillet 1986 sur un navire qui avait une puissance de plus de 500 CV et était affecté au transport de pilotes, de sorte qu'il correspondait à la qualification de bateau porte-pilote jaugeant plus de 100 tonneaux ou d'une puissance supérieure à 500 CV, au sens du décret du 7 mai 1952 dans sa rédaction alors applicable, qui prévoyait la présence à bord d'un chef mécanicien, en a exactement déduit, sans encourir les griefs du moyen, que ce marin devait bénéficier, alors qu'il était embarqué sur les pilotines, du maintien de son classement en 15e catégorie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société ENIM et le Syndicat professionnel des pilotes du Havre-Fécamp aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande du Syndicat professionnel des pilotes du Havre-Fécamp ;

condamne l'ENIM à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 04-30406
Date de la décision : 12/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CASSATION - Pourvoi - Recevabilité - Intervenant volontaire accessoire devant la cour d'appel - Conditions - Moment - Portée.

1° CASSATION - Pourvoi - Personnes pouvant former un pourvoi - Intervenant volontaire devant la cour d'appel - Conditions - Détermination.

1° Est recevable le pourvoi du Syndicat des pilotes du Havre, intervenant volontaire accessoire devant la cour d'appel, dès lors qu'il a été formé après celui de l'établissement national des invalides de la marine (ENIM), partie principale.

2° SECURITE SOCIALE - CONTENTIEUX - Contentieux général - Compétence matérielle - Régimes spéciaux - Marins - Litige relatif au classement dans une catégorie professionnelle.

2° SECURITE SOCIALE - REGIMES SPECIAUX - Marins - Contentieux - Compétence matérielle - Litige relatif au classement dans une catégorie professionnelle.

2° L'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale a organisé un contentieux général de la sécurité sociale, dont relèvent les contestations relatives au régime d'assurance des marins du commerce, au nombre desquelles figurent les litiges relatifs aux cotisations et prestations afférentes à ce régime. Ayant constaté qu'un ancien marin sollicitait du calcul de ses droits à pension, son reclassement dans la 15° catégorie, de sorte que le litige qui l'opposait à l'ENIM et au Syndicat des pilotes du Havre était relatif à l'application du code de pension de retraite des marins, c'est à bon droit qu'une cour d'appel a rejeté l'exception d'incompétence soulevée devant elle au profit des juridictions de l'ordre administratif.

3° SECURITE SOCIALE - REGIMES SPECIAUX - Marins - Régime de retraite - Pension - Montant - Catégorie professionnelle - Détermination.

3° DROIT MARITIME - Marin - Régime de retraite - Pension - Montant - Catégorie professionnelle - Détermination.

3° L'article 2 du décret modificatif n° 2002-841 du 3 mai 2002 portant définition du terme " bateau porte-pilotes ", remplaçant, en application de son article 1, le mot " bateau porte-pilotes " aux rubriques " pont " et " machine " de l'article 15 du décret n° 52-540 du 7 mai 1952, a introduit des dispositions nouvelles et ne présente donc aucun caractère impératif. Dès lors, une cour d'appel, qui a retenu qu'un ancien marin qui exerçait jusqu'à son déclassement les fonctions de chef mécanicien, avait embarqué à compter du 7 juillet 1986 sur un navire qui avait une puissance de plus de 500 CV et était affecté au transport de pilotes, de sorte qu'il correspondait à la qualification de bateau porte-pilotes jaugeant plus de 100 tonneaux ou d'une puissance supérieure à 500 CV, au sens du décret du 7 mai 1952 dans sa rédaction alors applicable, qui prévoyait la présence à bord d'un chef mécanicien, en a exactement déduit que ce marin devait bénéficier, alors qu'il était embarqué sur les pilotins, du maintien de son classement en 15e catégorie.


Références :

2° :
3° :
Code de la sécurité sociale L142-1
Décret 2002-841 du 03 mai 2002 art. 1, art. 2
Décret 52-540 du 07 mai 1952 art. 15

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 06 avril 2004

Sur le n° 2 : Sur la compétence des tribunaux judiciaires concernant les litiges relatifs au classement des marins dans une catégorie professionnelle, à rapprocher : Chambre sociale, 1988-10-12, Bulletin 1988, V, n° 488 (2), p. 315 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 jui. 2006, pourvoi n°04-30406, Bull. civ. 2006 II N° 190 p. 182
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 II N° 190 p. 182

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre.
Avocat général : M. Volff.
Rapporteur ?: Mme Coutou.
Avocat(s) : Me Balat, SCP Delaporte, Briard et Trichet, Me Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.30406
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