AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 février 2005), que par acte sous seing privé du 9 décembre 1994, la société de la Planque, titulaire d'un crédit-bail sur des locaux à usage de bureau et de hangar consenti par la société UCB Bail, les a donnés en location à la société AVEC Nord à compter du 1er janvier 1995 jusqu'au 31 décembre 1997 ;
que la société de la Planque ayant été mise en liquidation judiciaire le 26 avril 1996, le juge-commissaire à cette liquidation a constaté, par ordonnance du 22 novembre 1996, la résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail à effet au 6 septembre 1996 ; que l'immeuble loué a été vendu le 15 septembre 1999 à la société Cortex qui a assigné en référé-expulsion la société AVEC Nord qui s'était maintenue dans les lieux ; que cette société, expulsée par ordonnance du 7 décembre 1999, a assigné la société Cortex le 21 avril 2000 pour qu'il soit jugé qu'elle bénéficie d'un bail soumis au statut des baux commerciaux et que la société Cortex soit condamnée à lui payer une indemnité d'éviction ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société AVEC Nord fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes alors, selon le moyen :
1 / que si à l'expiration d'un bail commercial d'une durée au plus égale à deux ans, le preneur reste ou est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du statut des baux commerciaux ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le bail précaire conclu entre la société AVEC Nord et la SCI de la Planque a pris fin par suite de la résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail consenti à cette dernière par la société UCB Bail intervenu à effet du 6 septembre 1996, que la société AVEC Nord s'est maintenue dans les lieux et que des négociations en vue de la conclusion d'un nouveau bail ont été entreprises sans succès pendant de nombreux mois ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que la résiliation du crédit-bail entraînait la résiliation du sous bail consenti par le locataire principal, pour en déduire qu'aucun nouveau bail ne s'était formé, la cour d'appel a violé les articles L. 145-1 et L. 145-5 du code de commerce ;
2 / qu'en se fondant sur le fait que la société AVEC Nord ne démontrait pas avoir accepté les termes de l'offre de bail commercial qui lui avait été faite par lettre du 2 octobre 1998, ni exécuté les obligations découlant de cette offre, pour en déduire que cette société, qui s'était maintenue dans les lieux après l'expiration de son bail dérogatoire, était sans droit ni titre d'occupation, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, par application des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, le bénéfice du statut des baux commerciaux n'est acquis que par le locataire qui a été laissé en possession des locaux loués à l'expiration de la durée du bail dérogatoire et que dès lors que le bail dérogatoire avait été résilié par l'effet de la résiliation du crédit-bail conclu entre la société UCB Bail et la société de la Planque, le locataire, qui s'était maintenu dans les lieux, n'était pas fondé à invoquer le bénéfice d'un bail commercial de droit commun ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a relevé, sans inverser la charge de la preuve, que s'il était constant que la société AVEC Nord s'était maintenue dans les lieux, elle ne démontrait pas pour autant la conclusion d'un bail avec la société UCB Bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter la société AVEC Nord de sa demande en restitution d'indemnités d'occupation pour la période du 1er septembre 1998 au 15 septembre 1999, l'arrêt retient que cette demande doit être rejetée car, ainsi que la cour d'appel de Douai l'a relevé dans son arrêt du 10 janvier 2002, la société AVEC Nord a accepté par lettre du 23 juillet 1999 de verser à la société HMS, à laquelle la société Cortex s'est substituée, la somme de 6 755 francs soit (1 029,79 euros) par mois à compter du 1er septembre 1998 à titre de loyer ou d'indemnité d'occupation "avant toute discussion quant aux conditions d'occupation du local" ;
Qu'en relevant d'office le moyen tiré d'une reconnaissance de dette par lettre de la société AVEC Nord sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société AVEC Nord de sa demande en restitution d'indemnités d'occupation pour la période du 1er septembre 1998 au 15 septembre 1999, l'arrêt rendu le 10 février 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Laisse à chaque demandeur la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille six.