AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 230-2 du code du travail, L. 452-1, L. 452-2, L. 452-3 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Michel X..., salarié de la SAS Renault Le Mans (la société) du 13 mars 1969 au 15 février 1996, a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30 ; qu'après son décès, ses ayants droit ont saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que pour dire que la maladie professionnelle dont était décédé Michel X... n'était pas due à la faute inexcusable de son employeur, l'arrêt énonce qu'il est établi que ce salarié ne travaillait pas directement sur l'amiante, ne le détruisait pas, mais était en contact de façon indirecte avec ce matériau à une certaine période de l'année ou lors de travaux sur les plaquettes de freins, qu'il n'a pas été ainsi exposé de façon continue à l'amiante, et que ce n'est qu'à compter du décret du 22 mai 1996 qu'ont été intégrés dans le tableau n° 30 des maladies professionnelles, les travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels revêtus ou contenant des matériaux composés d'amiante, de sorte que, pour la période d'exposition, la société Renault ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et n'a pas pu prendre les mesures nécessaires pour l'en protéger ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses énonciations que Michel X... avait été amené à travailler depuis 1990 sur des plaquettes de freins contenant de l'amiante et que la société avait fait effectuer en 1989 des analyses pour déterminer le nombre de fibres d'amiante dans les ateliers, et avait engagé en 1993 un processus de suppression progressif de l'amiante présente dans les plaquettes de freins, ce dont il résultait que la société avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Renault Le Mans et la CPAM de la Sarthe aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille six.