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24/05/2006 | FRANCE | N°04-20550

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 mai 2006, 04-20550


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 21 octobre 2004) que les époux X..., lors d'une randonnée, sont entrés dans une casemate, vestige de la ligne Maginot, faisant partie du domaine privé de la commune de Raedersdorf (la commune) ; qu'ayant été blessés à la suite d'une chute, ils ont assigné la commune et son assureur, la Caisse intercommunale d'assurances des départements de l'Est (CIADE) devant le tribunal de grande instance en responsabilité et indemnisation de l

eur préjudice ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la commune fait grie...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 21 octobre 2004) que les époux X..., lors d'une randonnée, sont entrés dans une casemate, vestige de la ligne Maginot, faisant partie du domaine privé de la commune de Raedersdorf (la commune) ; qu'ayant été blessés à la suite d'une chute, ils ont assigné la commune et son assureur, la Caisse intercommunale d'assurances des départements de l'Est (CIADE) devant le tribunal de grande instance en responsabilité et indemnisation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de l'avoir déclarée entièrement responsable du préjudice des époux X..., alors, selon le moyen :

1 / que la faute de la victime qui présente les caractères de la force majeure entraîne une exonération totale du gardien, cette faute s'appréciant au regard de ce qu'aurait été le comportement d'un homme raisonnable confronté aux mêmes circonstances ; qu'en estimant que la probabilité de l'accident dont ont été victimes les époux X... dans la casemate était prévisible, au seul motif que "des feux y sont allumés pour la Saint-Jean, et que l'endroit pouvait assez aisément tenter des enfants, susceptibles d'en faire un but de jeu ou d'exploration", cependant précisément que M. et Mme X... ne sont pas des enfants et qu'ils auraient nécessairement dû prendre conscience du risque qu'il y avait à entrer sans éclairage dans un local totalement obscur et pouvant receler des dangers, cette attitude étant imprévisible et irrésistible pour la commune, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 du Code civil ;

2 / que la faute de la victime, même si elle ne présente pas les caractères de la force majeure, entraîne une exonération partielle du gardien ; qu'en exonérant M. et Mme X... de toute faute, au motif que ceux-ci "ne pouvaient guère s'attendre à la présence d'une fosse assez profonde et non protégée dans un lieu réputé visitable", sans rechercher si la faute des victimes ne consistait pas tout simplement dans le fait d'avoir pris le risque de s'aventurer dans un lieu obscur sans lampe de poche, s'exposant ainsi délibérément à tous les dangers liés à une telle initiative, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 du Code civil ;

3 / qu'en estimant que la commune ne pouvait se prévaloir d'aucune faute imputable à M. et Mme X..., de nature à l'exonérer même partiellement de sa responsabilité, au motif que le site était "réputé visitable", tout en constatant que c'était "sur les indications du guide Michelin" que les victimes avaient visité la casemate ce dont il résultait nécessairement que la commune ne pouvait se voir opposer les informations d'un ouvrage dont les victimes avaient elles-mêmes fait l'acquisition, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient et a violé ce faisant l'article 1384 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la casemate fait partie du patrimoine privé de la commune qui en est gardienne ; qu'aucune mesure de protection n'a été prise avant l'accident ; que cette casemate est située à proximité immédiate d'une route, et qu'elle est aisément accessible ; que la probabilité d'un accident était par conséquent très élevée, même si la possibilité de visite de cet ouvrage n'avait pas été signalée par le guide Michelin ; que des feux y sont allumés pour la Saint-Jean, et que l'endroit pouvait assez aisément tenter des enfants, susceptibles d'en faire un but de jeu ou d'exploration ; que le rôle causal de l'ouvrage est donc bien caractérisé ; que les époux X... ne pouvaient pas s'attendre à la présence d'une fosse profonde et non protégée dans un lieu réputé visitable ; que quelques pneumatiques auraient été placés le long d'un des côtés de la fosse, mais qu'il ne s'agissait pas d'une protection véritable ;

Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre des époux X... de nature à exonérer même partiellement la commune de la responsabilité pesant sur elle en sa qualité de gardienne du site ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée ainsi que son assureur la CIADE de leur recours en garantie dirigé contre la société Manufacture française des pneumatiques Michelin, alors, selon le moyen :

1 / que le gardiens solvens est habilité à recourir pour le tout contre le tiers fautif ; qu'en estimant qu'elle ne pouvait "caractériser avec certitude les éléments d'une éventuelle responsabilité de la société Michelin", dès lors que la commune ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle n'avait pas elle-même fourni de fausses informations à la société Michelin quant à la possibilité de visiter la casemate, cependant que c'est à la société Michelin qu'il incombait d'établir qu'elle avait été mal informée et qu'il ne pouvait être demandé à la commune d'établir un fait négatif, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé ce faisant l'article 1315 du Code civil ;

2 / qu'en écartant la responsabilité de la société Michelin, au motif que "la cause déterminante du sinistre est bien par ailleurs l'absence de protection (de la fosse)", cependant que la question de cette absence de protection ne se serait pas trouvée posée si la société Michelin n'avait pas incité les lecteurs de son guide à visiter la casemate litigieuse et si elle avait mis en garde ceux-ci contre les risques qu'il y avait à pénétrer dans le fortin, précisément en l'absence de protection de la fosse, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la cause déterminante du sinistre est bien par ailleurs l'absence de protection et qu'ainsi que cela a déjà été souligné, la probabilité d'un accident dans de telles circonstances était très élevée, même en l'absence d'indication dans le guide Michelin ;

Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire, par une décision motivée, et sans inverser la charge de la preuve, que la responsabilité de la société Michelin n'était pas caractérisée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de Raedersdorf et la Caisse intercommunale d'assurances des départements de l'Est aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Raedersdorf et de la Caisse intercommunale d'assurances des départements de l'Est ; les condamne in solidum à payer aux époux X... et à la MAIF la somme globale de 2 000 euros et la même somme à la société Manufacture française des pneumatiques Michelin ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 04-20550
Date de la décision : 24/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (2e chambre civile, section B), 21 octobre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 mai. 2006, pourvoi n°04-20550


Composition du Tribunal
Président : Président : Mme FAVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.20550
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