AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mai deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Dominique,
- X... Michel,
- X... Patrick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 29 septembre 2005, qui, pour fraude fiscale et passation d'écritures inexactes en comptabilité, les a condamnés, le premier à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 7 000 euros d'amende, le deuxième et le troisième à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, les trois à 3 ans d'interdiction professionnelle, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1743 du code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick X..., Michel X... et Dominique X... coupables de fraude fiscale et passation d'écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est obligatoire, et, en conséquence, les a condamnés, chacun, à une peine d'emprisonnement avec sursis et à une amende, a prononcé, à l'égard des trois prévenus, l'interdiction d'exercer toute profession industrielle, commerciale ou libérale pendant trois ans et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que, sur la fraude à la TVA, il ressort des constatations des services des Impôts, tant lors de la seconde vérification, sur la période de septembre 1998 à décembre 1999, que lors de la première, qui porte sur une période dont une partie, du 1er janvier au 31 août 1998, est visée par la prévention, que la SARL Auto 2000 importait des véhicules acquis auprès de deux sociétés espagnoles, et qu'elle appliquait ensuite à la revente à ses propres clients le régime de l'imposition sur la marge, au lieu du régime des acquisitions intracommunautaires imposables à la TVA (taxation sur le prix de vente total en application de l'article 297-A du CGI) ; que les prévenus invoquent vainement leur erreur, résultant de la facturation en leur possession par les vendeurs espagnols, comportant la mention TVA ou IVA incluse, laissant à croire qu'une taxation avait déjà été appliquée en Espagne, et qu'ils pouvaient alors n'appliquer en France que la TVA sur la marge ; qu'en effet, même si on ne retient pas le caractère frauduleux des factures trouvées dans sa comptabilité, faute de déterminer lequel des deux jeux de facture est faux, d'où une décision d'abandon des redressements par la Commission Départementale des Impôts, et la relaxe ci-dessus des délits de faux et usage, les pièces en possession de la SARL démontraient que le régime de la marge n'était pas applicable, soit que les véhicules aient déjà ouvert droit à déduction d'IVA (la TVA espagnole) du fait de leur transmission successive dans le cadre du régime général de cet impôt dans ce pays (achat à Renault Espana Commercial SA, société de commercialisation des véhicules Renault sortis de l'usine Fasa Renault), soit qu'une précédente affectation ou utilisation (véhicules de démonstration ou de location), empêche pour les cessions ultérieures l'application du régime de taxation sur la marge ; que le gérant et les responsables de fait de la SARL Auto 2000 ne pouvaient l'ignorer, d'une part, parce que ces transactions ou utilisations précédentes apparaissaient sur les documents d'accompagnement des véhicules importés (certificats techniques délivrés par Renault Espana Commercial SA mentionnant la destination "location sans chauffeur" et le changement ensuite autorisé "de location sans chauffeur à utilisation par un particulier"), d'autre part, parce que l'activité d'importation de véhicules était pratiquée depuis plusieurs années, par Michel X..., le père, dont les précédentes entreprises, ses deux fils y étaient employés, Patrick fut gérant de la SARL Auto Center, à laquelle Auto 2000 a succédé, avaient déjà été vérifiées et redressées à propos de semblables irrégularités, difficultés qui en avaient entraîné la liquidation ; que les prévenus, professionnels du négoce de véhicules, rompus à cette pratique, ne peuvent être considérés de bonne foi, pour la seule raison que les cartes grises des véhicules ne laissaient pas apparaître ces utilisations antérieures ; qu'au surplus, les véhicules étaient payés en liquide, ce qui empêche toute vérification et rapprochements avec les factures, des vendeurs ou de la SARL, surtout qu'aucun justificatif des opérations de change n'a pu être produit, l'opacité de ces transactions et la possibilité de fraude, ou les difficultés de la dépister s'en trouvant accrues ; que le
délit de fraude fiscale est ainsi établi, à l'encontre de Dominique X..., gérant de droit de la SARL, encore qu'il n'ait été que l'homme de paille de son père, Michel X..., dans l'impossibilité précise-t-il de figurer dans la nouvelle société, mais dont le rôle et les interventions sont attestés par les collaborateurs de l'entreprise, ainsi qu'à l'encontre de Patrick X..., gérant de la précédente société, convenant qu'il s'occupait du commercial, des contacts avec les fournisseurs espagnols, et des factures de la SARL Auto 2000 ;
"et que le délit de passation en connaissance de cause d'écritures inexactes dans les documents comptables dont la tenue est obligatoire, livre d'inventaire et livre-journal, est également constitué dans la mesure où les prévenus ne pouvaient ignorer que les énonciations relatives à la TVA étaient inexactes, tandis qu'il est noté et reconnu, au cours de l'enquête, au-delà de cette double facturation, que des chèques ont été encaissés par l'intermédiaire de tiers, que plusieurs dizaines de véhicules ont été omis en comptabilité, enfin qu'aucune trace et justification des opérations de change, ou de décaissement, en vue de régler les véhicules espagnols en liquide, n'a été retrouvée, ce qui avait amené les services fiscaux à rejeter la comptabilité ;
"1 ) alors que le délit de fraude fiscale est un délit intentionnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les factures d'achat des véhicules provenant d'Espagne, figurant dans la comptabilité de la SARL Auto 2000, comportaient la mention TVA ou IVA incluse laissant à croire que la TVA avait déjà été réglée en Espagne ; que la cour d'appel a également écarté le caractère frauduleux de ces factures ; qu'en déduisant l'intention de frauder du fait que les prévenus avaient déjà été vérifiés et redressés pour de semblables irrégularités, sans mieux caractériser la connaissance qu'auraient eu les prévenus du non-acquittement de la TVA par leurs fournisseurs espagnols durant la période incriminée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions susvisées ;
"2 ) alors que la cour d'appel qui a conclu à la difficulté de dépister la fraude et qui cependant a décidé que celle-ci était établie, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les dispositions susvisées ;
"3 ) alors que le délit de passation d'écriture inexacte ou fictive dans un document comptable est distinct du délit de fraude fiscale et l'élément intentionnel du premier ne se confond pas avec celui du second ; qu'en se bornant à affirmer que le délit de passation d'écritures inexactes dans les documents comptables est également constitué dans la mesure où les prévenus ne pouvaient ignorer que les énonciations relatives à la TVA étaient inexactes, la cour d'appel qui a déduit l'élément intentionnel du délit de passation d'écritures inexactes de l'intention de se soustraire à l'impôt ne l'a pas suffisamment caractérisé au regard des dispositions susvisées ;
"4 ) alors qu'en ajoutant qu'au-delà de cette double facturation, des chèques ont été encaissés par l'intermédiaire de tiers, des véhicules ont été omis en comptabilité, et qu'aucune trace des opérations de change correspondant au règlement en espèces n'a été retrouvée, la cour d'appel qui s'est bornée à affirmer que les irrégularités constatées constituaient le délit de passation d'écritures inexactes n'a pas suffisamment caractérisé l'intention délictuelle, distincte de la simple négligence, et a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des dispositions susvisées" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Challe conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;