AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre mai deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Monique,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 15 juin 2005, qui, pour abus de confiance, détournement d'objets saisis, abus de biens sociaux, banqueroute, fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamnée à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende, 5 ans d'interdiction de gérer, a ordonné la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du protocole n° 7 annexé à cette convention, 6, 591 et 593 du code de procédure pénale, de la règle non bis in idem, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monique X... coupable de banqueroute par défaut de comptabilité complète et régulière et pour omission de passation d'écritures ;
"1 ) alors qu'en vertu de la règle non bis in idem, un même fait autrement qualifié ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité ;
"2 ) alors que le respect par les juges du principe de la proportionnalité des peines ne peut être vérifié dès lors que la peine a été prononcée en l'état d'une violation, concernant la déclaration de culpabilité, de la règle non bis in idem" ;
Attendu que les qualifications de tenue d'une comptabilité manifestement irrégulière ou incomplète, constitutive de banqueroute, et d'omission d'écritures en comptabilité, prévue par l'article 1743 du code général des Impôts, ne sont pas incompatibles entre elles et peuvent être retenues pour un même fait dès lors qu'elles sanctionnent la violation d'intérêts distincts, comportent des éléments constitutifs différents et qu'une seule peine a été prononcée conformément à l'article 132-3 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 241-3 du code de commerce, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monique X... coupable d'abus de biens sociaux ;
"alors que la cour d'appel ne pouvait, sans contredire les pièces de la procédure au nombre desquelles se trouvait le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire de la SARL Investissement Pierre en date du 27 octobre 1995 régulièrement enregistré ayant trait à l'approbation régulière par les actionnaires de la fixation du salaire brut mensuel de Monique Y..., veuve X..., à 31 000 francs, déduire l'existence de la mauvaise foi de la prévenue, élément constitutif du délit d'abus de biens sociaux de ce qu'elle n'avait pas sollicité l'autorisation des associés" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 626-2, 1 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Monique X... coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds sans avoir constaté que les agissements qu'elle a relevés aient été commis par elle dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, élément constitutif spécifique de ce délit" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1741 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monique X... coupable de fraude fiscale ;
"alors que les juges ne sauraient, sans méconnaître leurs pouvoirs, fonder l'existence de dissimulations volontaires de sommes sujettes à l'impôt sur les valeurs d'assiette que l'Administration a été amenée à réaliser selon ses procédures propres et que la cour d'appel qui, pour déclarer Monique X... coupable de fraude fiscale, s'est fondée sur les seules vérifications de l'administration fiscale et sur la décision du tribunal administratif de Limoges en date du 29 juillet 2004, (laquelle ne fait que reproduire l'appréciation de l'administration fiscale), sans même en vérifier l'exactitude, a méconnu le principe susvisé" ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 314-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monique X... coupable d'abus de confiance sans avoir constaté le caractère volontaire du défaut de restitution, élément intentionnel de ce délit" ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-6 du Code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Monique X... coupable de détournement d'objets saisis ;
"aux motifs que le 16 novembre 1998 Monique X... a été instituée gardienne des meubles saisis à la demande du percepteur de Châteauneuf-la-Forêt et se trouvant dans l'immeuble qu'elle occupait à Sussac ; que l'acte de saisie, rappelant expressément les obligations de saisie, a été signifié à la personne de Monique X... ; que c'est donc en connaissance de cause qu'elle a, par l'effet de ses déménagements, déplacé les meubles du lieu où ils avaient été saisis à l'insu du créancier saisissant ; qu'il importe peu que plusieurs mois plus tard lesdits meubles aient pu être vendus aux enchères avec l'accord de la Trésorerie de Châteauneuf dans le cadre de la seconde liquidation judiciaire ;
"alors que le détournement, élément constitutif du délit défini à l'article 314-6 du Code pénal, doit être constaté sans contradiction et que la cour d'appel, qui a constaté que le créancier saisissant avait pu disposer des biens saisis, ne pouvait sans se contredire ou mieux s'expliquer et méconnaître le texte susvisé, faire état de ce que les meubles avaient été détournés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer les préjudices en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a aggravé la peine prononcée à l'encontre de Monique X... par les premiers juges, la portant à deux ans d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende ;
"alors que les antécédents judiciaires constituent nécessairement un élément essentiel pris en considération par les juges du fond lors de leur décision sur la peine ; que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que le casier judiciaire de Monique X... ne comporte aucune condamnation cependant que l'arrêt attaqué mentionne liminairement " déjà condamnée " et que cette erreur ayant nécessairement pesé sur le choix de la peine, la cassation est encourue" ;
Attendu que, contrairement à ce que soutient le moyen, la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement assortie du sursis en relevant que la prévenue n'a pas d'antécédents judiciaires ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais, sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 198, 207 II et 211 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, 112-1 du code pénal, 750, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement Monique X... et la SARL Investissement Pierre au paiement des impôts fraudés et pénalités y afférentes et dit que la contrainte par corps s'exercera, s'il y a lieu, pour le recouvrement des impôts fraudés concernés et celui des pénalités et amendes fiscales y afférentes conformément à la demande, et pour la durée prévue par l'article 750 du code de procédure pénale ; s 2004 ;
"alors que l'abrogation par les articles 198, 207 II et 211 de la loi du 9 mars 2004 de l'article L. 272 du livre des procédures fiscales interdit que les condamnations prononcées par les juridictions répressives en application des articles 1741 et 1771 à 1778 du code général des impôts et non définitives au 1er janvier 2005, date d'entrée en vigueur de la loi soient recouvrées par la contrainte par corps ; que, pour le recouvrement des impôts fraudés et les pénalités y afférentes, l'arrêt énonce que la contrainte par corps s'exercera, s'il y a lieu, pour la durée prévue par l'article 750 du code de procédure pénale ; qu'en prononçant ainsi, postérieurement au 1er janvier 2005, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé" ;
Vu l'article 198. IV de la loi du 9 mars 2004 ;
Attendu que l'abrogation, par ce texte, de l'article L. 272 du Livre des procédures fiscales, interdit que les condamnations prononcées par les juridictions répressives en application des articles 1741 et 1771 à 1778 du code général des impôts après le 1er janvier 2005, date d'entrée en vigueur de la loi précitée, soient recouvrées par la contrainte par corps ; Attendu que, pour le recouvrement de l'impôt sur les sociétés et les pénalités y afférentes, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que la contrainte par corps s'exercerait, s'il y a lieu, pour la durée prévue par l'article 750 du code de procédure pénale ; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, postérieurement au 1er janvier 2005, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ; D'où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 15 juin 2005, en ses seules dispositions relatives à la contrainte par corps , toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges et sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Challe conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;