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26/04/2006 | FRANCE | N°06-82164

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 avril 2006, 06-82164


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL D'ORLEANS,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 16 mars 2006, qui a refusé la remise de Mustapha X... aux autorités judiciaires espagnoles en e

xécution d'un mandat d'arrêt européen ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu que les aut...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA PROCUREURE GENERALE PRES LA COUR D'APPEL D'ORLEANS,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 16 mars 2006, qui a refusé la remise de Mustapha X... aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu que les autorités judiciaires espagnoles ont sollicité la remise de Mustapha X... pour l'exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré le 15 décembre 2005 aux fins de poursuites pénales pour des faits de trafic illicite de stupéfiants, en l'espèce du haschisch, commis à Irun le 2 juin 2003 ; qu'après avoir ordonné un supplément d'information, la chambre de l'instruction a refusé la remise de la personne recherchée ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 695-23 du Code de procédure pénale, violation de la loi par fausse interprétation ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que la condition de non-contrôle de la double incrimination tenant au quantum de la peine privative de liberté encourue prévue par l'article 695-23 du Code de procédure pénale n'était pas remplie, le juge espagnol ayant retenu une qualification juridique relevant de l'une des trente- deux catégories d'infractions visées par cet article mais susceptible d'entraîner, selon l'article 368 du Code pénal espagnol, l'application d'une peine d'un à trois ans d'emprisonnement, alors que, s'agissant de la peine privative de liberté égale ou supérieure à trois ans visée par l'article 695-23 du Code de procédure pénale, la durée de trois ans devait s'entendre du minimum encouru ;

"alors que, la peine d'un à trois ans d'emprisonnement réprimant l'infraction retenue par le juge espagnol est nécessairement incluse dans la peine égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement visée par l'article 695-23 du Code de procédure pénale" ;

Vu l'article 695-23, alinéas 2 à 35, du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, un mandat d'arrêt européen est exécuté sans contrôle de la double incrimination des faits reprochés lorsque l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission a retenu une qualification qui relève de l'une des trente-deux catégories qu'il énumère et que les agissements considérés sont, aux termes de la loi de cet Etat, punis d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée similaire ;

Attendu que, pour refuser la remise de Mustapha X... aux autorités judiciaires espagnoles, les juges retiennent que la peine de un à trois ans d'emprisonnement réprimant en droit espagnol le trafic illicite de haschisch n'entre pas dans les prévisions de l'article 695-23, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'en droit espagnol le maximum de la peine encourue était de 3 ans d'emprisonnement, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 695-22, 2 et 4 , du Code de procédure pénale, pour insuffisance de motifs et violation de la loi ;

"en ce que, l'arrêt attaqué, faisant état de faits de trafic de stupéfiants commis en France par Mustapha X... en 2003 et 2004 et de deux condamnations prononcées à son encontre les 25 juillet 2003 et 3 février 2004 par le tribunal correctionnel de Blois, a dit que les faits constitutifs du délit commis en Espagne par l'intéressé, interpellé le 2 juin 2003 alors qu'il se trouvait en possession de haschisch destiné au trafic de drogue et pour lequel il aurait pu obtenir sur le marché illicite la somme de 975,43 euros, avaient "pu être poursuivis et jugés définitivement en France", le principe "non bis in idem" trouvant par conséquent à s'appliquer ;

"alors qu'il appartenait à la chambre de l'instruction, avant de refuser la remise de Mustapha X... aux autorités espagnoles au motif de l'application du principe "non bis in idem", en application de l'article 695-22, 2 , du Code de procédure pénale, de procéder aux vérifications précises lui permettant de déterminer si les faits réprimés par les condamnations prononcées par le tribunal de Blois incluaient ceux qui avaient été constatés à Irun par les autorités espagnoles ;

"et alors que, l'article 695-22, 4 , est inapplicable à l'espèce, dès lors qu'il vise les cas dans lesquels les faits ayant donné lieu à délivrance d'un mandat d'arrêt européen par une autorité étrangère auraient été susceptibles de poursuites et de condamnation sur le territoire national mais que la prescription des poursuites ou de la peine est acquise" ;

Sur le moyen pris en sa première branche :

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 695-22, 2 , du même Code ;

Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour refuser la remise de Mustapha X..., l'arrêt énonce qu'en raison des deux condamnations prononcées à son encontre les 25 juillet 2003 et 3 février 2004 par le tribunal correctionnel de Blois pour infractions à la législation sur les stupéfiants, les faits pour lesquels il a été interpellé en Espagne le 2 juin 2003 avaient pu être poursuivis et jugés définitivement en France ;

Mais attendu qu'en l'état de tels motifs hypothétiques, et alors qu'il lui appartenait de vérifier si les faits objet des deux condamnations prononcées par le tribunal correctionnel de Blois incluaient ceux pour lesquels il était réclamé par les autorités judiciaires espagnoles, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen pris en sa seconde branche :

Vu l'article 695-22, 4 , du Code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ce texte, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que la prescription de l'action publique ou de la peine se trouve acquise au regard de la législation française ;

Attendu que la chambre de l'instruction s'est fondée, pour refuser la remise de Mustapha X..., sur les dispositions de l'article 695-22, 4 , du Code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans constater l'acquisition de la prescription de l'action publique au regard de la législation française, les juges ont méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 16 mars 2006, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Le Gall conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Ponroy conseiller rapporteur, Mme Chanet, MM. Pelletier, Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-82164
Date de la décision : 26/04/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Conditions d'exécution - Conditions liées à l'infraction - Contrôle de la double incrimination - Exclusion - Cas.

1° Un mandat d'arrêt européen est exécuté sans contrôle de la double incrimination des faits reprochés lorsque l'autorité de l'Etat d'émission a retenu une qualification qui relève de l'une des trente-deux catégories énumérées par l'article 695-23 du code de procédure pénale et que les agissements considérés sont, aux termes de la loi de cet Etat, punis d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée similaire. Encourt la censure l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, pour refuser la remise d'une personne réclamée, retient que la peine de un à trois ans d'emprisonnement réprimant en droit espagnol le trafic illicite de haschich n'entre pas dans les prévisions du texte précité.

2° MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Remise - Refus - Motifs obligatoires - Condamnation définitive pour les mêmes faits par une juridiction française - Vérification de l'objet des décisions définitives - Nécessité.

2° Encourt la censure l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, pour refuser la remise de la personne recherchée, se borne à énoncer qu'en raison de deux condamnations prononcées contre l'intéressé pour infractions à la législation sur les stupéfiants, les faits, objet du mandat d'arrêt, avaient pu être poursuivis et jugés définitivement en France alors qu'il appartenait à cette juridiction de vérifier si les faits objet des deux condamnations prononcées par le tribunal correctionnel français incluaient ceux pour lesquels la personne était réclamée par les autorités judiciaires espagnoles.

3° MANDAT D'ARRET EUROPEEN - Exécution - Remise - Refus - Motifs obligatoires - Prescription de l'action publique de faits pouvant être poursuivis et jugés en France - Constatation de l'acquisition de la prescription de l'action publique - Nécessité.

3° Selon l'article 695-22 4° du code de procédure pénale, l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée si les faits pour lesquels il a été émis pouvaient être poursuivis et jugés par les juridictions françaises et que la prescription de l'action publique ou de la peine se trouve acquise au regard de la législation française. Encourt la censure l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, pour refuser la remise de la personne réclamée aux fins de poursuites, se fonde sur les dispositions du texte précité sans constater l'acquisition de la prescription de l'action publique au regard de la législation française.


Références :

1° :
2° :
3° :
Code de procédure pénale 593, 695-22
Code de procédure pénale 695-22
Code de procédure pénale 695-23

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans (chambre de l'instruction), 16 mars 2006

Sur le n° 1 : A rapprocher : Chambre criminelle, 2004-05-26, Bulletin criminel 2004, n° 139, p. 530 (rejet) ; Chambre criminelle, 2005-09-14, Bulletin criminel 2005, n° 227, p. 808 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 avr. 2006, pourvoi n°06-82164, Bull. crim. criminel 2006 N° 115 p. 425
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 115 p. 425

Composition du Tribunal
Président : M. Le Gall, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : M. Di Guardia.
Rapporteur ?: Mme Ponroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:06.82164
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