AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle Le BRET-DESACHE et de Me RICARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Baptiste,
- LA SOCIETE X... et ASSOCIES INTERNATIONAL,
- LA SOCIETE X... ET ASSOCIES FRANCE,
contre l'arrêt n° 2 de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 22 mars 2005, qui, pour abus de constitution de partie civile, a condamné le premier à des réparations civiles ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de la règle non bis in idem, des articles 1382 du Code civil, 226-12 du Code pénal, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6, 7, 13 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, 14-7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 2-109-3 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 1 du 1er Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 91 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de plainte abusive et les a condamnés civilement ;
"aux motifs qu'en accusant par la voie pénale la société La Mondiale de faits de caractère essentiellement civil, et en mettant en mouvement l'action publique manifestement dans le seul but de répondre à leur expulsion des locaux pris à bail et au contentieux en paiement d'un arriéré de loyer, les défendeurs ont eu une attitude téméraire ;
"alors que, d'une part, en vertu de la règle non bis in idem, un même fait autrement qualifié ne saurait donner lieu à une double déclaration de culpabilité ; qu'en déclarant les prévenus coupables de plainte abusive sur le fondement de l'article 91 du Code de procédure pénale, et en les déclarant également coupables par une autre décision du même jour (objet du pourvoi n° G 05-82.137) de dénonciation calomnieuse en raison de la même plainte, les juges du fond ont violé la règle précitée ;
"alors que, d'autre part, la loi ne peut prononcer que des sanctions pénales ou civiles strictement et évidemment nécessaires ; que ce principe est méconnu lorsqu'un prévenu est poursuivi deux fois pour les mêmes faits, et que les sanctions à la fois pénales et civiles cumulées revêtent un caractère uniquement dissuasif et portent atteinte au droit de propriété, sans être strictement et évidemment nécessaires ;
"alors que, de troisième part, le principe de la présomption d'innocence qui inclut celui de l'égalité des armes exclut qu'une même personne puisse être poursuivie deux fois pour un fait identique ; que si l'article 91 du Code de procédure pénale autorise les poursuites pour plainte abusive sans préjudice des poursuites pour dénonciation calomnieuse, ce texte ne saurait être interprété en ce sens qu'il constitue une exception au principe de la règle non bis in idem, mais au contraire comme n'ouvrant ces deux voies de recours qu'en présence de deux infractions pénales distinctes ;
"alors que, de quatrième part, l'exercice des droits de la défense a valeur constitutionnelle ; que la plainte pénale se rattachant à l'exercice des droits de la défense dans le cadre d'un contentieux entre les parties, ne saurait être déclarée abusive ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe susrappelé" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, caractérisé, au regard de l'article 91 du Code de procédure pénale, la témérité de la plainte dont la partie civile avait fait l'objet de la part des demandeurs et justifié l'allocation, à son profit, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, infondé en ses trois premières branches, dès lors que l'article 91, alinéa 1er, du Code de procédure pénale prévoit expressément que la demande formée en vertu de ce texte n'est pas exclusive d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, et qui, pour le surplus, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Le Gall conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Arnould conseiller rapporteur, Mme Chanet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;