AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 novembre 2004), que par acte sous seing privé du 15 février 1992, M. X... a consenti à Mme Y... un prêt d'un montant de 24 000 francs ; que, le jour même, Mme Y... a ouvert un compte au Crédit lyonnais (la banque), en déposant le chèque de M. X... ; que les 24 et 25 février suivants, elle a effectué deux retraits de 10 000 francs chacun ; que le 26 février 1992, informée par la Banque de France que Mme Y... était sous le coup d'une interdiction judiciaire d'émettre des chèques, la banque a bloqué le compte et a avisé M. X... qu'il avait été victime d'une escroquerie ; que le 10 février 1993, la banque a restitué à M. X... la somme de 4 000 francs qui était restée bloquée sur le compte de Mme Y... ; que le 9 décembre 1996, le tribunal correctionnel a déclaré Mme Y... coupable d'escroquerie ainsi que Mme Z..., chez qui elle s'était domiciliée ; que M. X... a assigné le Crédit lyonnais devant le tribunal d'instance afin d'obtenir une somme de 3 811,22 euros à titre de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en dommages-intérêts dirigée contre le Crédit lyonnais alors, selon le moyen :
1 ) que le banquier a dans tous les cas, l'obligation de procéder préalablement à l'ouverture d'un compte , à un contrôle sérieux du domicile du postulant et ne peut se retrancher derrière une apparence de réalité du domicile déclaré ; qu'ayant constaté que la banque ne justifiait pas, comme elle le soutenait, avoir envoyé une lettre d'accueil à Mme Y..., la cour d'appel, qui n'a pas relevé qu'elle aurait procédé à la moindre vérification de son domicile et qui a cependant considéré que la banque n'avait commis aucune faute, a violé l'article 30 de la loi du 5 octobre 1975 et l'article 1382 du Code civil ;
2 ) qu'en énonçant "il ya lieu de penser que l'adresse déclarée par Mme Y... était bien la sienne lors de l'ouverture du compte", la cour d'appel s'est déterminée par un motif hypothétique qui ne peut justifier l'absence de faute de la banque, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'adresse déclarée par Mme Y... lors de l'ouverture du compte était la même que celle qu'elle avait donné à M. X..., qui a indiqué l'avoir vérifiée sur le minitel et a signé le contrat de prêt et le chèque litigieux sur lesquels figuraient cette adresse, et que, lors de l'enquête pénale, Mme Z... avait confirmé que cette adresse était celle de Mme Y... ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il se déduisait, d'un coté, que la banque était en possession, lors de l'ouverture du compte, d'un document signé par M. X... confirmant l'adresse déclarée par Mme Y... et, d'un autre, qu'il résultait des éléments du dossier que cette adresse était effectivement celle de Mme Y... au moment de l'ouverture du compte, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par un motif hypothétique, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1 ) qu'il résulte de l'article 28 du décret du 3 octobre 1975 que la Banque de France diffuse à tous les banquiers une fois par mois les nouvelles interdictions prononcées en application de l'article 68 du 30 octobre 1935 ; que les destinataires sont réputés en avoir connaissance à compter du 16e jour de la diffusion par la Banque de France ; qu'il est constant que dès avant l'ouverture du compte litigieux Mme Y... avait fait l'objet d'une interdiction judiciaire d'émettre des chèques ; qu'en énonçant que M. X... ne rapportait pas la preuve de la connaissance par la banque de cette interdiction, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil et l'article 28 du décret du 3 octobre 1975 ;
2 ) que le banquier a une obligation de prudence et de vigilance sur le fonctionnement d'un compte qui ne se limite pas au respect des seules obligations légales lorsque lors de l'ouverture d'un compte, peu de renseignements ont été recueillis sur le client et que son comportement est suspect ; qu'ayant constaté que la banque n'avait pas vérifié le domicile déclaré de Mme Y... que la cliente n'avait pas demandé de chéquiers, qu'elle avait retiré quelques jours à peine après l'ouverture du compte la quasi-totalité des fonds déposés sur ce compte, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si compte-tenu de ces circonstances, la banque n'avait pas une obligation de vigilance renforcée, l'obligeant notamment à prendre plus de renseignements avant la remise des fonds à la cliente, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que Mme Y... n'a pas fait de demande de chèque, ce dont il se déduit que le fait qu'elle ait été sous le coup d'une interdiction bancaire, à le supposer connu de la banque, n'autorisait pas celle-ci à lui refuser de retirer les fonds déposés ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué dans la première branche, légalement justifié sa décision ; d'ou il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le condamne à payer à la société Crédit lyonnais la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille six.