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04/04/2006 | FRANCE | N°05-86290

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 avril 2006, 05-86290


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de Me de NERVO, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sonia,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 13 octobre 2005, qui, pour mise en vente de produits avec utilisation irréguliè

re du domaine public, l'a condamnée à 150 euros d'amende avec sursis ;

Vu le mémoire p...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de Me de NERVO, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sonia,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 13 octobre 2005, qui, pour mise en vente de produits avec utilisation irrégulière du domaine public, l'a condamnée à 150 euros d'amende avec sursis ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 442-8 du Code du commerce, L. 2112-2 du Code général des collectivités territoriales (anciennement article L. 131-2 du Code des communes), 591 à 593 du Code de procédure pénale, de la loi du 2 mars 1971, de l'article 14 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, de l'arrêté du maire de la commune de Gramat (Lot) en date du 11 décembre 2000, méconnaissance du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Sonia X... coupable de la contravention d'offre de vente en utilisant irrégulièrement le domaine public, après avoir écarté l'exception d'illégalité de l'arrêté du maire de la commune de Gramat en date du 11 décembre 2000 sur lequel était fondée la poursuite ;

"aux motifs propres que la matérialité des faits n'était pas discutée, Sonia X... ayant exercé son activité (vente ambulante de frites et pizzas) le vendredi soir à 19 heures ; que les conditions régulières du domaine public de la commune de Gramat résultaient d'un arrêté municipal en date du 11 décembre 2000 arrêtant la réglementation des foires et marchés ; qu'il en résultait que les produits alimentaires ne pouvaient être vendus que les jours de marché et de foire, soit de 8 heures à 13 heures les mardi et vendredi, ainsi que le dimanche pendant une partie de l'année ; que cet arrêté n'interdisait pas l'exercice du commerce de manière générale et absolue ; que rien ne démontrait que le maire n'aurait pas agi dans l'intérêt public ou de police et qu'il se serait rendu coupable d'un excès de pouvoir ;

"et aux motifs, repris du premier juge, que la réglementation ne devait pas porter atteinte à la liberté du commerce en décidant des interdictions de portée générale et absolue ; que l'arrêté litigieux prévoyait plusieurs demi-journées pour l'exercice du commerce non sédentaire ; qu'il prévoyait l'attribution des places de marché au fur et à mesure des demandes, sans opérer de distinction entre les administrés ; que les éléments exigés au soutien de la demande d'attribution correspondaient aux seuls éléments nécessaires à l'exercice régulier de l'activité ; que Sonia X... ne pouvait se prévaloir du caractère discrétionnaire de l'autorisation, puisque n'était pas en cause l'attribution d'une place, mais bien les horaires déterminés par l'arrêté ; qu'il n'était pas démontré que l'exercice de sa profession serait gravement entravé par les dispositions réglementaires ; qu'il convenait de retenir l'infraction ;

"alors que le fait de vendre, sans autorisation, des marchandises dans un lieu public, ne peut être sanctionné qu'à la condition que les dispositions réglementaires exigeant une autorisation soient expressément mentionnées ; que les juges du fond n'ont pas le moins du monde précisé, et encore moins cité, les dispositions de l'arrêté municipal du 11 décembre 2000 qui auraient fait obligation à la prévenue de demander une autorisation pour vendre des frites et des pizzas sur le territoire communal hors des périodes de foire et marché ou qui lui auraient interdit de procéder à la vente de ces produits ;

"alors que, de toute manière, les maires n'ont le pouvoir d'apporter des restrictions au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, que si ces mesures ont pour but d'assurer le bon ordre, la salubrité et la santé publique, et à la condition que ces restrictions soient limitées à certains lieux et à certaines périodes ;

qu'est donc totalement illégal, l'arrêté municipal litigieux qui, selon l'interprétation qu'en ont donné les juges du fond, interdisait la vente de produits alimentaires par les commerçants non sédentaires, sur tout le territoire de la commune, sauf pour les seuls commerçants à qui était discrétionnairement octroyé le droit de tenir un stand sur le marché, deux fois par semaine, et ce sans qu'ait pu être avancé le moindre motif tiré du bon ordre, de la salubrité ou de la santé publique" ;

Vu l'article L. 442-8 du Code de commerce ;

Attendu que le fait, défini par l'article susvisé, d'offrir à la vente des produits ou de proposer des services en utilisant, dans des conditions irrégulières, le domaine public de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics, n'est réprimé, par l'article 14 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, que s'il est commis en violation des dispositions réglementaires sur la police des lieux ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Sonia X... a fait stationner sa camionnette sur une place de la commune de Gramat (Lot) et a proposé à la vente des pizzas et des frites ; que, cette activité ayant été exercée sans autorisation et hors des lieux et périodes réservés au marché de détail alimentaire par un arrêté municipal du 11 décembre 2000, l'intéressée a été poursuivie devant le tribunal de police sur le fondement des textes précités ;

Attendu que, pour la déclarer coupable et écarter son argumentation soutenant, notamment, que les faits poursuivis n'avaient pas été commis en méconnaissance des prescriptions de l'arrêté du 11 décembre 2000, l'arrêt confirmatif relève que ce texte réglementaire détermine les conditions d'application du domaine public et interdit la vente non sédentaire de produits alimentaires sur le territoire communal en dehors des lieux, jours et heures de marché ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'arrêté précité a pour seul objet de réglementer la police des foires et marchés, et non pas d'interdire l'exercice du commerce ambulant sur le domaine public communal, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi ainsi que le permet l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 13 octobre 2005 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Agen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-86290
Date de la décision : 04/04/2006
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Vente - Mise en vente de produits avec utilisation irrégulière du domaine public - Contravention prévue par l'article 14 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 - Domaine d'application.

LOIS ET REGLEMENTS - Arrêté municipal - Sanctions pénales - Marchands ambulants - Mise en vente de produits avec utilisation irrégulière du domaine public - Contravention prévue par l'article 14 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 - Domaine d'application

Le fait, défini par l'article L. 442-8 du code de commerce, d'offrir à la vente des produits ou de proposer des services en utilisant, dans des conditions irrégulières, le domaine public de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics, n'est réprimé, par l'article 14 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, que s'il est commis en violation des dispositions réglementaires sur la police des lieux. Méconnaît ces dispositions la cour d'appel qui, pour déclarer coupable une commerçante poursuivie devant le tribunal de police pour avoir fait stationner sa camionnette et proposé à la vente des pizzas et des frites sans autorisation et hors des lieux et périodes réservés au marché de détail alimentaire par un arrêté municipal, relève que ce texte réglementaire détermine les conditions d'application du domaine public et interdit la vente non sédentaire de produits alimentaires sur le territoire communal en dehors des lieux, jours et heures de marché, alors que cet arrêté a pour seul objet de réglementer la police des foires et des marchés, et non pas d'interdire l'exercice du commerce ambulant sur le domaine public communal.


Références :

Code de commerce L442-8
Décret 2002-689 du 30 avril 2002 art. 14

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 13 octobre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 avr. 2006, pourvoi n°05-86290, Bull. crim. criminel 2006 N° 104 p. 399
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 104 p. 399

Composition du Tribunal
Président : M. Farge, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: M. Chaumont.
Avocat(s) : Me de Nervo.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.86290
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