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04/04/2006 | FRANCE | N°05-82455

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 avril 2006, 05-82455


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eric,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20 ème chambre, en date d

u 25 mars 2005, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamné à 7 500 euros d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre avril deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eric,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20 ème chambre, en date du 25 mars 2005, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamné à 7 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 28 et 30 du Traité de Rome, L. 5111-1, L. 4223-1, L. 4211- 1, L. 4221-1 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... coupable d'exercice illégal de la pharmacie, et l'a condamné à verser une indemnité au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, partie civile ;

"aux motifs propres que " le tribunal, après avoir rappelé les diverses définitions résultant des textes et de la jurisprudence, a caractérisé, par des motifs que la Cour adopte, le produit comme un médicament, tant par présentation que par fonction " ;

"et aux motifs adoptés que " l'article L. 5111-1 du Code de la santé publique donne la définition du médicament ; ( ... ) il en résulte qu'un produit sera qualifié de médicament soit en raison de sa présentation, soit en raison de sa fonction ; la notion de médicament par présentation consiste à inciter le consommateur à acheter un produit car il a l'apparence d'un médicament ayant la propriété de guérir ou de prévenir une maladie ; le médicament par fonction est un produit qui, indépendamment de sa présentation, possède des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou, à défaut d'effets thérapeutiques démontrés, peut être utilisé en vue de modifier, restaurer ou corriger les fonctions organiques ; par ailleurs, la vente de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée est réservée aux seuls pharmaciens sous réserve des dérogations établies par décret ; seules 34 plantes libres listées au décret du 15 juin 1979 sont vendues en l'état, certains mélanges étant autorisés ; l'action thérapeutique des plantes médicinales qui modifient les fonctions organiques leur donne le caractère de médicament par fonction ; la définition des produits cosmétiques et d'hygiène est donnée par l'article L. 5131-1 du Code de la santé publique ( ... ) ; certains sont des médicaments en raison des substances qui les composent et qui leur confèrent une action thérapeutique que n'ont pas les produits courants ; lorsqu'un produit répond aux deux définitions, il ne peut plus être considéré

comme un simple produit d'hygiène ; en l'espèce, le nom même de migren patch évoque la migraine " syndrome caractérisé par des accès de céphalgie intense pulsatile et d'origine vasomotrice ayant pour siège les régions temporales, arbitraire accompagnée de malaise général de nausées, de vomissements et de phénomènes, ophtalmologiques " ; l'emballage porte la mention de posologie " dès les premiers symptômes appliquer un patch au niveau de la nuque ; conseil plus : appliquer sur le front une compresse ou un gant de toilette contenant de la glace ; ces éléments objectifs tendent à faire naître une certitude sur les vertus thérapeutiques du produit et répondent à la définition du médicament par fonction (en réalité "par présentation ") " ;

"alors qu'un médicament "par présentation " est un produit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard de maladies humaines ; qu'en jugeant que le produit litigieux ("migren patch ") était un médicament par présentation, au motif que le nom même de "migren patch" aurait évoqué la " migraine ", définie abstraitement comme un "syndrome caractérisé par des accès de céphalgie intense pulsatile et d'origine vasomotrice ayant pour siège les régions temporales, arbitraire accompagnée de malaise général de nausées, de vomissements et de phénomènes ophtalmologiques ", sans rechercher concrètement comme elle y était invitée, si un "consommateur moyennement avisé " pouvait donner au mot migraine son sens courant de simple " mal de tête " passager sans rapport avec une " maladie humaine ", la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors qu'un médicament "par présentation " est un produit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard de maladies humaines ; qu'en jugeant que le produit litigieux ("migren patch ") était un médicament par présentation, aux motifs qu'il se présentait sous forme d'un patch à mettre sur la nuque, avec le conseil d'appliquer sur le front une " compresse ou un gant de toilette contenant de la glace ", sans rechercher concrètement si, dans ces conditions et compte tenu du sens courant du mot migraine, entendu comme un simple " mal de tête " passager, un " consommateur moyennement avisé " pouvait assimiler les effets du produit litigieux à ceux d'un simple " gant de toilette contenant de la glace ", sans croire ainsi que ce produit possédait des propriétés curatives ou préventives à l'égard d'une maladie humaine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"et aux motifs adoptés que " le migren patch est composé de ginkgo biloba et de reine des prés ; le ginkgo biloba et la reine des prés sont des plantes médicinales, inscrites à la pharmacopée, non libéralisées ; le ginkgo biloba est utilisé en pharmacie pour améliorer la circulation périphérique ou cérébrale ;

la reine des prés est utilisée comme antalgique et au cours de manifestations douloureuses mineures comme diurétique et contre les rhumatismes articulaires et dans la goutte ; le migren patch correspond donc à la définition du médicament par fonction " (jugement entrepris, p. 10) ;

"alors que le juge ne peut qualifier un produit de "médicament par fonction " sans vérifier s'il peut être administré en vue de restaurer, corriger ou modifier une fonction organique, compte tenu de ses propriétés pharmacologiques réelles ou supposées, lesquelles doivent être appréciées en l'état actuel de la connaissance scientifique et au regard des modalités d'emploi du produit, de l'ampleur de sa diffusion, de la connaissance qu'en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation ; qu'en jugeant que le produit " migren patch " aurait constitué un médicament par fonction, sans se prononcer sur les propriétés pharmacologiques réelles ou supposées de ce produit au regard de l'ensemble des critères d'appréciation susvisés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors que le monopole des pharmaciens sur la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée constitue une entrave à la libre circulation des marchandises qui n'est susceptible d'être justifiée par l'impératif de protection de la santé publique que s'il est établi que la vente de ces plantes présente un risque réel pour la santé publique ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer Eric X... coupable d'exercice illégal de la pharmacie, au motif qu'il avait commercialisé un produit composé de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, sans constater un risque réel pour la santé publique susceptible de justifier l'application du monopole susvisé" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Eric X... a été poursuivi du chef d'exercice illégal de la pharmacie pour avoir mis en vente un médicament nommé "migren patch" ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les indications figurant sur l'emballage du produit, dont le nom évoque la migraine, recommandent une application sur la nuque dès les premiers symptômes ; que les juges ajoutent que les deux plantes entrant dans la composition, le ginkgo biloba et la reine des prés, inscrites à la pharmacopée, sont utilisées à des fins thérapeutiques et que leur vente n'est pas libre ;

qu'ils en concluent que le produit, dont la mise sur le marché n'a pas été autorisée, constitue, à la fois, un médicament par présentation et un médicament par fonction ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions du prévenu, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application des articles L. 4211-1 et L. 5111-1 du Code de la santé publique, lesquels, s'appliquant sans discrimination aux produits nationaux et aux produits importés des Etats membres de la Communauté économique, ne sont pas contraires aux dispositions conventionnelles invoquées au moyen, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 du Code pénal, L. 4223-1 et L. 4223-3 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné, à titre de peine complémentaire, la publication de la décision de condamnation d'Eric X... pour exercice illégal de la pharmacie ;

"alors que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; que la cour d'appel ne pouvait ordonner, à titre de peine complémentaire, la publication de la décision par laquelle Eric X... a été déclaré coupable d'exercice illégal de la pharmacie, une telle peine n'étant pas légalement prévue pour ce délit" ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que, par conclusions régulièrement déposées, la partie civile a expressément demandé au tribunal correctionnel d'ordonner, à titre de réparation civile, la publication du dispositif du jugement à intervenir dans le journal le Moniteur des pharmacies ; que le jugement, qui a ordonné la publication sollicitée, a été confirmé en toutes ses dispositions pénales et civiles ;

Attendu qu'en cet état, bien que le chef de condamnation relatif à la publication de la décision ait été inséré par erreur dans la partie du dispositif du jugement relative à l'action publique, il apparaît que la mesure considérée a été prononcée à titre de réparation sur la demande expresse de la partie civile ;

Que, dès lors, le moyen, qui reproche inexactement à la cour d'appel d'avoir prononcé une peine non prévue par la loi ne peut être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme qu'Eric X... devra payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-82455
Date de la décision : 04/04/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Modalités - Affichage et publication des condamnations.

AFFICHAGE - Affichage et publication des condamnations - Mesure de réparation - Action civile

S'il est vrai que les juges ne peuvent prononcer la peine complémentaire de publication de la décision qu'autant que la loi le prévoit, la cassation n'est pas encourue dans le cas où la mesure, bien qu'insérée par erreur dans la partie du dispositif relative à l'action publique, a été ordonnée à titre de réparation et sur demande de la partie civile.


Références :

Code pénal 111-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 mars 2005

Dans le même sens que : Chambre criminelle, 1986-02-04, Bulletin criminel 1986, n° 46 (4), p. 107 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1999-06-08, Bulletin criminel 1999, n° 128, p. 353 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 avr. 2006, pourvoi n°05-82455, Bull. crim. criminel 2006 N° 100 p. 383
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 100 p. 383

Composition du Tribunal
Président : M. Farge, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: M. Palisse.
Avocat(s) : SCP Tiffreau, SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.82455
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