La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, Mme Nési, M. Chaumont, conseillers référendaires, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- M. Hamid X...
Y..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Nancy en date du 3 décembre 2004 qui lui a alloué une indemnité de 1 500 sur le fondement de l'article 149 du Code précité ; Les débats ayant eu lieu en audience publique le 23 Janvier 2006, le demandeur ne s'y étant pas opposé ; Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ; Vu les conclusions de M. Girard, avocat au Barreau Nancy, représentant M. X...
Y... ; Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ; Vu les conclusions de M. le Procureur général près la Cour de cassation ; Vu les conclusions en réponse de M. X...
Y... ; Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ; M. X...
Y... comparaît personnellement ; Sur le rapport de M. le conseiller Chaumont, les observations de M. X...
Y..., comparant et de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, le demandeur ayant eu la parole en dernier ; Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION, Attendu que, par décision du 3 décembre 2004, le premier président de la cour d'appel de Nancy a alloué à M. X...
Y... une indemnité de 1.500 en réparation de son préjudice moral à raison d'une détention de 12 jours à la suite d'une décision de non-lieu devenue définitive; qu'il a rejeté le surplus des demandes en l'absence de pièces justificatives du préjudice matériel et des frais de justice ; Que M. X...
Y... a régulièrement formé un recours contre cette décision et sollicite l'allocation d'une indemnité globale de 100.000 ; Que l'agent judiciaire du Trésor, comme le Procureur général, conclut au rejet du recours; Vu les articles 149 et 150 du Code de procédure pénale ; Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité répare intégralement le préjudice personnel, moral et matériel directement lié à la privation de liberté ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu qu'en l'absence de toute justification d'un préjudice matériel par M. X...
Y... qui ne produit aucun élément permettant de déterminer sa situation professionnelle au moment de l'incarcération, sa demande tendant à la réparation d'un préjudice économique, au demeurant non exactement chiffrée, ne peut prospérer ; Qu'il en sera de même quant aux frais d'avocat, en l'absence de production d'un compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif, conformément aux dispositions de l'article 245 du décret n 91-1197 du 27 novembre 1991, et détaillant les prestations fournies en raison de son placement en détention ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que, pour obtenir la majoration de l'indemnisation obtenue de ce chef, M. X...
Y... se prévaut des conditions dans lesquelles il a été injustement poursuivi pour des faits de nature criminelle particulièrement graves, des contraintes d'un contrôle judiciaire strict qui a restreint ses déplacements et l'aurait empêché d'entreprendre des démarches en vue de trouver un emploi, de l'angoisse dans laquelle il a vécu pendant trois ans alors qu'il était menacé d'une condamnation, des conséquences de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence ayant ouvert la possibilité au ministère public de relever appel de la décision d'acquittement dont il avait bénéficié, du stress résultant d'une seconde comparution devant la cour d'assises, de l'acharnement judiciaire dont il estime avoir été victime pendant quatre ans et de l'opprobre dont il a été l'objet tant de la part de ses proches que des membres de sa famille ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor et le Procureur général estiment que les préjudices allégués par le demandeur sont sans rapport direct avec la détention et que l'indemnisation décidée par le premier président doit être confirmée ;
Attendu que selon les textes susvisés seul le préjudice moral résultant de la détention peut être indemnisé ; que les éléments de préjudice invoqués par M. X... Yassim résultant de la mise en examen, du déroulement de la procédure judiciaire ou encore du contrôle judiciaire ne peuvent être indemnisés que dans le cadre d'une procédure intentée sur le fondement de l'article L.781-1 du Code de l'organisation judiciaire, relatif à la réparation des dommages causés par le fonctionnement défectueux du service de la justice en cas de faute lourde ;
Attendu que, compte tenu de l'âge de l'intéressé au moment de son incarcération (25 ans), de la durée de celle-ci, de la nature des faits dont il était accusé ayant eu une incidence sur les conditions de sa détention et du choc psychologique causé par la privation de liberté, il convient de fixer à 5.000 l'indemnité qui assurera la réparation intégrale du préjudice moral subi par M. X...
Y... ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE partiellement le recours de M. Hamid X...
Y... et statuant à nouveau ; Lui ALLOUE la somme de 5000 (CINQ MILLE EUROS) en réparation de son préjudice moral ; REJETTE le recours pour le surplus ; LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public ; Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 20 février 2006 par le président de la Commission nationale de réparation des détentions, En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.