AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 octobre 2004), que sur lettre de dénonciation de MM. X... au Procureur de la République, une information pour escroquerie à l'assurance a été ouverte à l'encontre de M. Y... qui a été mis en examen et condamné par un tribunal correctionnel ; que celui-ci, après avoir été relaxé des fins de la poursuite en appel, a fait assigner MM. X... devant le tribunal de grande instance en responsabilité et indemnisation de son préjudice entraîné par leur dénonciation téméraire ;
Attendu que MM. X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à verser chacun des dommages-intérêts à M. Y... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, alors, selon le moyen :
1 / que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'attache qu'à ce qui a été effectivement jugé, les tribunaux civils conservant leur liberté d'appréciation toutes les fois qu'ils ne décident rien d'incompatible avec ce qui a été jugé par la juridiction répressive ; que dès lors, en déduisant le caractère téméraire de la dénonciation rédigée par les consorts X... du fait qu'en raison de la décision de relaxe, l'infraction reprochée à M. Y... devait être considérée comme inexistante, et en opposant l'autorité de la chose jugée au pénal au moyen soulevé par les consorts X..., qui faisaient valoir que leur version des faits était la plus cohérente et que ce n'était qu'au bénéfice du doute que la relaxe avait été prononcée. quand bien même ces circonstances étaient de nature à priver la dénonciation de tout caractère téméraire sans pour autant remettre en cause la décision de relaxe et l'inexistence de la fraude qui en découlait, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
2 / que le seul fait qu'une décision de relaxe ait été prononcée à l'encontre d'un prévenu, ne caractérise pas la témérité de la dénonciation à l'origine de la procédure pénale, laquelle ne peut découler que d'éléments de nature à démontrer que son auteur avait agi de manière inconsidérée, sans se préoccuper de la véracité de ses affirmations ; que dès lors, en déduisant le caractère téméraire de la dénonciation rédigée par les consorts X... du fait que la procédure pénale, qui avait été engagée à la suite de cette dénonciation, s'était soldée par la relaxe de M. Y... et que, selon les juges d'appel, la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel ne reposait sur aucun fait concret, sans pour autant relever la moindre circonstance de nature à établir qu'à la date de la dénonciation, les consorts X..., qui disaient s'être adressés au Parquet sur les conseils de la brigade des recherches de la gendarmerie à laquelle ils s'étaient confiés, avaient agi de manière anormale, avec malice ou légèreté, la cour d'appel, qui n'a pas ainsi caractérisé leur faute, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'en vertu de l'article 1351 du Code civil et de la règle de l'autorité de la chose jugée au pénal, la décision de la juridiction pénale qui relaxe un prévenu, fût-ce au bénéfice du doute, établit à l'égard de tous l'inexistence de l'infraction poursuivie ;
que c'est donc en vain que MM. X... arguent en défense du fait que la relaxe a été prononcée au bénéfice du doute et soutiennent que leur version des faits serait plus cohérente que celle de M. Y... ; que les faits rapportés par MM. X... dans leur lettre de dénonciation, tels que cités plus haut, sont, en l'état de la décision de relaxe, nécessairement inexistants ; que les accusations de MM. X... n'étaient intervenues que 3 ans après les faits, à un moment où ils étaient en litige professionnel avec leur employeur, et qu'elles n'avaient été corroborées par aucun élément au dossier, les témoignages retenus par le tribunal correctionnel pour étayer sa décision de condamnation ne reposant sur aucun fait concret ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement décidé que l'ouverture de la procédure pénale contre M. Y... résultait de la dénonciation faite par MM. X..., dans des conditions téméraires de nature à engager leur responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne MM. X... in solidum à payer à M. Y... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille six.