La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Gueudet, président, M. Breillat, conseiller, Mme Gailly, conseiller référendaire, en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- L'agent judiciaire du Trésor,
contre la décision du premier président de la cour d'appel de Grenoble en date du 8 avril 2005 qui a alloué à M. Dominique X... une indemnité de 9.969,13 euros sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 14 novembre 2005, le demandeur et son avocat ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions en défense de M. Hartemann, avocat au Barreau de Lyon, représentant M.X... ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu les conclusions en réponse de M. Hartemann ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Gailly , les observations de M. Brun, avocat substituant M. Hartemann, assistant M. X..., celles de M. X..., comparant et de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, le demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION :
Attendu que, par décision du 8 avril 2005, le premier président de la cour d'appel de Grenoble a alloué à M. X... une somme de 7.622 en réparation du préjudice moral et une somme de 1.647,13 euros en réparation du préjudice matériel qu'il a subi à raison d'une détention provisoire de 25 jours, effectuée du 9 avril au 4 mai 1998 ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor a régulièrement formé le 20 avril 2005, un recours contre cette décision pour obtenir la diminution des indemnités allouées au requérant ;
Attendu que M. X..., demande à la Commission de lui allouer la somme globale de 134.129,32 euros, ou subsidiairement celle de 5.393 euros au titre de son préjudice matériel et celle de 100 000 euros au titre de son préjudice moral ;
Attendu que M. X... n'a pas saisi la Commission d'un recours personnel prévu par l'article 149-3 du Code de procédure pénal et dans les formes exigées par l'article R.40-4 du même code ; que, les demandes qu'il forme dans l'instance introduite par le seul recours de l'agent judiciaire du Trésor sont irrecevables ;
Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive; que cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu que le premier président a fixé le préjudice matériel de M. X..., surveillant pénitentiaire au montant des salaires qu'il aurait perçus pendant sa détention, y compris les indemnités de sujétion et celles pour charges pénitentiaires ; qu'il a également indemnisé le requérant pour les frais de transport engagés par son épouse pour venir lui rendre visite en détention ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient que les indemnités non perçues n'entrent pas dans le préjudice subi puisque le requérant n'a pas effectué les sujétions qu'elles avaient pour objet d'indemniser et que les frais de transport de l'épouse de M. X... ne constituent pas un préjudice direct de la détention à son égard ;
Attendu que les indemnités versées par l'administration pénitentiaire sont des compléments de salaire dont la privation doit être indemnisée dès lors que le requérant les aurait perçues s'il n'avait pas été incarcéré; que les frais de transport de son épouse, pour rendre visite au requérant, constituent des dépenses personnelles supplémentaire qu'il a du engager du fait de sa détention ; qu'ainsi l'indemnité accordée par le premier président au titre du préjudice matériel le répare intégralement et que le recours de l'agent judiciaire du Trésor doit être rejeté de ce chef ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que l'agent judiciaire soutient que le préjudice moral a été surévalué dès lors que les conséquences de la médiatisation de son arrestation ne sont pas une conséquence directe de sa détention, pas plus que la circonstance, relevée par le premier président, que M.X... ait du exécuter une reconstitution "menottée", dans la maison d'arrêt dans laquelle il exerçait ses fonctions ;
Attendu que M. X... répond qu'il a été séparé de sa femme et de ses trois enfants, qu'en raison du caractère injuste de sa détention il a entamé et poursuivi une grève de la faim, que son préjudice a été aggravé par le fait que de nombreux journaux ont commenté sa détention et que ses proches et ses relations sociales l'ont identifié malgré l'anonymat des articles parus ; qu'il insiste également sur le grave préjudice subi lors de sa participation avec les menottes, à la reconstitution effectuée dans l'établissement pénitentiaire ;
Attendu que le préjudice subi du fait de la parution d'articles de presse relatant les faits pour lesquels il a été incarceré n'est pas indemnisable dans le cadre de cette procédure n'ayant pas un lien direct avec la détention ;
Attendu que compte tenu de l'âge du requérant au jour de sa mise en détention (33 ans), de sa durée, (25 jours), de son impact sur sa vie familiale, de son retentissement sur sa vie professionnelle, s'agissant d'un surveillant pénitentiaire incarcéré pour des faits supposés commis dans l'exercice de ses fonctions et des conditions humiliantes de la reconstitution des faits pour lesquels il était poursuivi, effectuée devant ses collègues dans la maison d'arrêt où il exerçait ses fonctions, l'indemnité de 7.622 euros accordée constitue la réparation intégrale de son préjudice moral ;
Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que l'équité commande qu'il soit fait droit, à hauteur de 1.500 euros, à la demande de M. X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE que M. X... n'a pas formé de recours ;
DECLARE irrecevables les demandes de M. Dominique X... ;
REJETTE le recours formé par l'agent judiciaire du Trésor ;
ALLOUE à M. Dominique X... la somme de 1.500 (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 14 décembre 2005 par le président de la Commission nationale de réparation des détentions,
En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.