AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 12 septembre 2002), rendu en matière de référé, que la commune de Voingt qui, en 1990, avait installé sur une parcelle appartenant à M. X... un système de captage de l'eau d'une source jaillissant sur cette parcelle, a assigné en référé MM. Y..., Z... et X..., auxquels elle reprochait d'avoir, en 2001, réalisé en amont un nouveau captage privant les habitants de la commune de l'eau qui leur était nécessaire, pour obtenir le rétablissement de l'alimentation en eau de la cuve communale ;
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1 / qu' il résulte des dispositions de l'article 642 du Code civil que celui qui a une source dans son fonds peut toujours user des eaux à sa volonté dans les limites et pour les besoins de son héritage, à condition toutefois de ne pas en user de manière à enlever aux habitants d'une commune, village ou hameau, l'eau qui leur est nécessaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer péremptoirement que les eaux en litige étaient nécessaires aux habitants de la commune de Voingt, sans avancer aucun motif à l'appui de cette allégation et, précisément, sans expliquer en quoi les eaux en cause présentaient, pour les habitants, le caractère de nécessité qu'exige le texte ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article susvisé ;
2 / qu'en se fondant, pour justifier sa décision de condamner M. Z... au rétablissement de la situation antérieure, aux motifs inopérants tirés de ce que le problème d'alimentation en eau avait toujours été préoccupant et de ce qu'il existait d'autres points d'eau, en tout état de cause, moins accessibles pour certains agriculteurs, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 642 du Code civil ;
3 / que le défaut de réponse à conclusions constitue le défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. Z... exposait, dans ses conclusions d'appel récapitulatives déposées le 2 avril 2002, que les eaux en litige ne présentaient, tant pour les hommes que pour les animaux, aucun caractère de nécessité dès lors que les habitants de la commune de Voingt, notamment ceux du hameau du Mas, se trouvaient par ailleurs constamment et régulièrement alimentés en eau potable grâce à l'existence de trois châteaux d'eau permettant de subvenir aux besoins en eau des habitants ; qu'en s'abstenant de répondre purement et simplement aux conclusions dont elle était ainsi saisie, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / que l'obligation de motivation posée à l'article 455 du nouveau Code de procédure civile impose aux juges du fond de mentionner les documents au vu desquels ils ont formé leur conviction, et de procéder à leur analyse, même succinctement, avant de préciser pour quelles raisons ils décident de les retenir ou pourquoi ils les jugent non probants ; qu'en se bornant à rejeter la force probante du procès-verbal de constat produit par MM. Z..., Y... et X... et à faire état des "autres pièces" communiquées par ces derniers sans préciser la nature de ces dernières pièces, sans davantage les analyser, fût-ce sommairement, et sans expliquer en quoi ni le procès-verbal de constat, ni chacune des autres pièces produites, ne lui paraissaient probants, la cour d'appel a de nouveau violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que pour pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 642, alinéa 3, du Code civil, il est nécessaire que la commune démontre que le propriétaire des eaux en litige en a usé de manière à enlever aux habitants de la commune l'eau qui leur est nécessaire ; qu'en se bornant à relever que le captage litigieux avait diminué considérablement le débit de l'eau pour la commune, sans constater que les habitants de la commune étaient totalement privés des eaux en cause, et alors que dans ses conclusions récapitulatives d'appel déposées le 2 avril 2002, M. Z... faisait valoir que le second captage n'avait nullement tari le premier captage réalisé en 1990, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 642 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'en 1990, une cuve achetée par la commune de Voingt avait été installée sur la parcelle n° 252 pour pouvoir approvisionner en eau vive les habitants de cette commune et relevé qu'il résultait des délibérations du conseil municipal et des attestations versées aux débats que le problème d'alimentation en eau avait toujours été préoccupant et que le nouveau captage effectué en 2001 avait diminué considérablement le débit de l'eau pour la commune, alors que cette eau était toujours nécessaire, même s'il y avait d'autres points d'eau, ceux-ci étant moins accessibles pour certains agriculteurs, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le caractère de nécessité qu'exige l'article 642, alinéa 3, du Code civil, a pu en déduire, sans être tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, l'existence d'un trouble manifestement illicite et a, répondant aux conclusions, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à la commune de Voingt la somme de 2 000 euros ; rejette la demande de M. Z... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille cinq.