AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été engagé le 8 décembre 1977 en qualité d'ingénieur par la société Alsthom Unelec aux droits de laquelle vient la société Alstom transmission et distribution (T et D) ;
qu'après avoir été détaché à la direction commerciale d'Alsthom Unelec au Brésil à compter du 31 août 1978, le salarié a été engagé le 1er juillet 1988 par la société Cogenel Alsthom I NC, filiale américaine ;
qu'après avoir été licencié le 3 avril 2000 par cette dernière, il a demandé à Alstom Tet D de le rapatrier ; que n'ayant pas obtenu satisfaction, il a pris acte de la rupture par lettre du 20 avril 2000 et a saisi la juridiction prud'homale le 19 juin suivant ;
Attendu que la société Alstom T et D fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 22 octobre 2003) de l'avoir condamnée à payer diverses indemnités au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1 / que le salarié qui quitte les fonctions qu'il exerçait chez son employeur pour travailler au sein d'une autre entreprise est démissionnaire ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. X... avait cessé à compter du 1er juillet 1988 de travailler pour la société Alstom T et D après avoir été embauché par la société Cogenel Alstom aux Etats-Unis ; qu'en décidant néanmoins que M. X... était toujours salarié de la société Alstom T et D pour contraindre cette dernière à le rapatrier, lorsqu'il s'évinçait des circonstances de l'espèce que M. X... avait démissionné de la société Alstom T et D en partant travailler pour la société Cogenel Alstom, la cour d'appel a violé l'article L. 122-5 du code du travail ;
2 /que le salarié travaillant dans une filiale étrangère d'une société française qui est licencié par celle-ci n'a droit au rapatriement auprès de la société située en France que pour autant qu'il a été détaché à l'initiative de cette dernière auprès de l'une de ses filiales ; qu'en l'espèce la société Alstom transmission et distribution faisait valoir que c'était à l'initiative exclusive de M. X... qui souhaitait travailler aux Etats-Unis que celui-ci avait été recruté par la société Cogenel Alstom, la société Alstom Tet D étant totalement étrangère à cette embauche ; qu'en se bornant dès lors à constater que la société Cogenel Alstom appartenait au groupe Alstom pour considérer que le salarié avait été détaché par la société Alstom transmission et distribution auprès de la filiale américaine, sans cependant rechercher comme elle y était invitée si ce n'était pas de sa propre initiative que le salarié avait été recruté par la société Cogenel Alstom sans aucune intervention de la société Alstom T et D, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-8 du Code du travail ;
3 / que le droit au rapatriement du salarié détaché dans une filiale étrangère de sa société ne persiste que pour autant que le lien de subordination avec sa société d'origine demeure ; qu'en l'espèce, la société Alstom T et D soutenait que tout lien avec M. X... avait disparu à compter de l'embauche de ce dernier par la société Cogenel Alstom à compter du 1er juillet 1988, faisant observer que le salarié n'avait plus reçu aucun ordre, ni directive de la société Alstom T et D, ni perçu le moindre salaire de celle-ci et qu'il ne cotisait plus à la caisse de retraite des expatriés ; qu'en se bornant à relever que n'était pas établie la volonté du salarié de démissionner de la société Alstom T et D lorsqu'il avait été engagé à compter du 1er juillet 1988 par la société Cogenel Alstom pour affirmer que le salarié aurait dû, à la suite de son licenciement par la société américaine, être rapatrié par la société Alstom T et D, sans rechercher comme elle y était pourtant expressément invitée si la société Alstom T et D n'avait pas perdu tout pouvoir de direction et de contrôle du salarié, de sorte qu'elle avait perdu la qualité d'employeur à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 122-14-8 du Code du travail ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 122-14-8 du Code du travail, lorsqu'un salarié mis par la société au service de laquelle il a été engagé à la disposition d'une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que M. X..., lié par contrat de travail à la société Alsthom Unelec depuis 1977 avait été détaché auprès d'une filiale au Brésil, puis recruté en 1988 par une autre filiale, Cogenel Alstom Incorporation, aux Etats-Unis ; qu'analysant les échanges de courriers entre la société mère et la filiale américaine, elle a retenu que M. X... n'avait nullement démissionné de la société Alsthom Unelec au moment de son recrutement par la société Cogenel Alsthom mais qu'il avait au contraire manifesté son intention de rester au sein du groupe ; qu'en décidant qu'à la suite de son licenciement par la filiale américaine, le salarié détaché devait être rapatrié et reclassé, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alstom tranmission et distribution aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Alstom tranmission et distribution à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille cinq.