AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., engagé par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Corse du Sud (CPAM) en 1963, exerçant les fonctions d'agent comptable depuis le 16 septembre 1995, a été licencié le 28 septembre 2001 pour "désorganisation des services du fait de sa maladie prolongée, depuis le 15 janvier 1999, rendant nécessaire son remplacement pour assurer un fonctionnement normal de la Caisse" ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Bastia, 30 juillet 2003) d'avoir décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à payer diverses sommes, alors, selon le moyen, que dans toute instance engagée par un agent d'un organisme de sécurité sociale contre son employeur et portant sur un différend né à l'occasion du contrat de travail, le demandeur est tenu, à peine de nullité, d'appeler à l'instance le préfet de région qui pourra présenter devant la juridiction compétente telles conclusions de droit ; que le défaut de mise en cause du préfet de région constitue une irrégularité de fond présentant un caractère d'ordre public qui doit être relevée d'office par les juges du fond ; qu'au cas d'espèce, en statuant sur la demande de M. X... alors que devant la cour d'appel, le préfet de région n'avait été appelé, les juges du fond ont violé l'article R. 123-3 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure ni de l'arrêt que la CPAM ait critiqué devant la cour d'appel l'absence de mise en cause du préfet de région ; d'où il suit que, nouveau et mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à payer diverses sommes, alors, selon le moyen :
1 / que s'il est fait interdiction à l'employeur de licencier un salarié en raison de son état de santé, aucun texte ni aucun principe ne lui interdit de le licencier si le licenciement est motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié que si l'employeur doit démontrer la nécessité de procéder au remplacement du salarié, aucun texte ni aucun principe n'impose que la lettre de licenciement précise la nature exacte des perturbations engendrées dans l'entreprise par l'absence du salarié ; qu'au cas d'espèce, en énonçant, pour décider que le licenciement dont avait fait l'objet M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que la lettre de licenciement faisait seulement état "d'une désorganisation des services du fait de sa maladie rendant nécessaire son remplacement" pour assurer un fonctionnement normal de la Caisse primaire", sans énoncer la nature exacte des perturbations provoquées par l'absence de M. X..., les juges du fond ont violé l'article L. 122-45 du Code du travail ;
2 / que la présence de l'agent comptable étant, de par sa mission, indispensable au bon fonctionnement de la Caisse, en cas d'absence, même momentanée, les textes imposent à la Caisse de procéder à son remplacement soit par un fondé de pouvoir, soit par un agent comptable intérimaire en cas d'absence prolongée, étant précisé que les fonctions de cet agent comptable intérimaire sont limitées à une durée de six mois renouvelable, et étant entendu que le remplacement ne pouvant être que temporaire, la Caisse a l'obligation de nommer un nouveau comptable titulaire au-delà de la durée d'un an ; qu'au cas d'espèce, en énonçant, pour asseoir leur décision, que la formulation de la lettre de licenciement de M. X... était d'autant moins satisfaisante qu'il avait été procédé en fait à son remplacement depuis près de trois ans à la date du licenciement, alors qu'il ne s'était agi pour la Caisse que d'assurer l'intérim de M. X... conformément aux dispositions légales s'imposant à elle, les juges du fond ont violé l'article L. 122-45 du Code du travail, ensemble les articles R. 121-1, R. 122-1, R. 122-4, D. 253-12 et D. 253-14 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, en constatant que la CPAM avait pu procéder au remplacement temporaire de M. X... pendant près de trois ans et que les dysfonctionnements révélés par l'audit étaient, dans leur plus grande partie, antérieurs à la maladie de l'agent comptable, a fait ressortir que l'employeur ne justifiait pas de dysfonctionnements provoqués par l'absence prolongée du salarié ; que le moyen pris en sa première branche est dirigé contre des motifs surabondants ;
Et attendu, ensuite, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que la CPAM ait soutenu devant la cour d'appel que la Caisse avait l'obligation de nommer un nouveau comptable titulaire au-delà de la durée de un an ; que le moyen, pris en sa seconde branche, est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en sa première branche et est irrecevable en sa seconde branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la CPAM de la Corse du Sud aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la CPAM de la Corse du Sud à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette la demande de la CPAM ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille cinq.