AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., engagé le 1er février 1994 en qualité de charpentier par la société Leader Charpentes, a donné sa démission le 30 septembre 1998; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (cour d'appel de Bordeaux, 12 juin 2003) de l'avoir condamnée à verser au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, de congés payés sur ces heures, outre une indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :
1 / que l'horaire collectif était de 42 heures, ainsi que le rappelait l'employeur dans ses conclusions ; qu'en affirmant qu'il n'était pas discuté que l'horaire collectif était de 43 h 45, pour calculer sur cette base le montant à allouer au salarié au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de l'exposante, violant ainsi l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en accueillant la demande du salarié sans constater que celui-ci justifierait, par la fourniture d'une description précise des tâches qu'il prétendait avoir accomplies au-delà de l'horaire collectif applicable, de la réalité des heures supplémentaires dont il sollicitait le paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 212-1-1 du Code du travail ;
3 / qu' il incombe au juge de se prononcer sur les documents régulièrement versés aux débats et soumis à son appréciation ; que dès lors, en écartant comme non probantes tout en s'abstenant d'examiner leur contenu les attestations de MM. Y..., Z... et A..., dont il résultait que le salarié respectait comme l'ensemble du personnel l'horaire collectif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du Code civil ;
4 / qu'en toute hypothèse, en laissant sans réponse les conclusions par lesquelles la société Leader charpentes faisait valoir que l'accomplissement d'heures supplémentaires supposait un accord de l'employeur, de sorte que M. X..., qui ne justifiait pas avoir reçu, ni même réclamé, un tel accord pour en effectuer, ne pouvait en obtenir le paiement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que le refus du salarié de remplir les feuilles de présence sur le chantier, qui est le seul moyen pour l'employeur de se réserver la preuve des heures réellement effectuées interdit au salarié de se prévaloir d'heures supplémentaires ; qu'en retenant cependant, pour accueillir la demande du salarié, que l'employeur ne prouvait pas l'absence d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
6 / que le temps habituel du trajet entre le domicile et le lieu du travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif ; qu'en affirmant, au soutien de sa décision, que "doivent être considérés comme du travail effectif les temps de trajet entre l'entreprise et le chantier parfois éloigné", la cour d'appel a violé les articles L. 212-4 et L. 212-5 du Code du travail ;
Mais attendu d'abord, qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, sans dénaturer les conclusions de la société, a fait ressortir que le salarié, sur la base d'un horaire collectif de 43 h 45 par semaine, accomplissait régulièrement des heures supplémentaires avec l'accord implicite de l'employeur ;
Attendu, ensuite, qu'ayant décidé à bon droit que la durée des trajets effectués par le salarié entre l'entreprise et le chantier parfois éloigné devait être considérée comme heures de travail effectif, la cour d'appel, en se déterminant au regard des éléments fournis par le salarié et par l'employeur, a pu arrêter le montant des heures supplémentaires accomplies ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au salarié une indemnité pour travail dissimulé, alors, selon le moyen :
1 / qu'en application des dispositions conjuguées des articles 624 et 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le chef du dispositif de l'arrêt attaqué relatif aux heures supplémentaires prétendument accomplies par le salarié entraînera, inévitablement, la censure du chef du dispositif octroyant à ce dernier une indemnité au titre du travail dissimulé ;
2 / qu'étant acquis aux débats que les demandes du salarié au titre des heures supplémentaires portaient sur la période 1994 à 1998, la cour d'appel aurait dû rechercher si la demande d'indemnité formée par le salarié sur le fondement de l'article L. 324-11-1 du Code du travail ne portait pas sur une période antérieure à la loi du 11 mars 1997, codifiée sous l'article L. 324-10, de sorte que les dispositions de celle-ci étaient inapplicables ; qu'à défaut, elle a privé sa décision de base légale au regard de ces articles ;
3 / que la dissimulation de travail sanctionnée par les articles L. 324-11-1 et L. 324-10 du Code du travail suppose l'intention de l'employeur de se soustraire à l'accomplissement des formalités légales en vue de dissimuler tout ou partie du travail du salarié ; qu'en déduisant de la seule circonstance que "de nombreuses heures supplémentaires n'étaient pas comptabilisées ni payées" une "dissimulation de la majorité des heures supplémentaires effectuées (...) manifestement volontaire", la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément intentionnel dont le salarié devait apporter la preuve, a privé sa décision de base légale au regard des articles précités ;
Mais attendu que la dissimulation d'emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l'article L. 324-10 du Code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'une telle intention ; qu'il en résulte que c'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation que la cour d'appel, constatant que la dissimulation des heures supplémentaires accomplies par M. X... au-delà du 11 mars 1997 était manifestement volontaire, a décidé que l'employeur avait agi de manière intentionnelle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité de préavis, alors, selon le moyen, que le salarié ayant démissionné le 30 septembre 1998, sans effectuer le préavis conventionnellement fixé à deux semaines, tandis qu'il avait bénéficié d'un congé maladie d'une semaine seulement, à compter du 23 septembre précédent, la cour d'appel ne pouvait rejeter l'entière demande de l'employeur au titre de l'indemnité sur le préavis en se bornant à rappeler le principe, non contesté, selon lequel "l'arrêt de travail pour maladie ne suspend pas le contrat de travail, ni n'a pour effet de reporter la date de cessation du contrat de travail" ; qu'en statuant par cette motivation inopérante, elle a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 122-8 du Code du travail ;
Mais attendu que le délai de préavis est un délai préfix qui ne peut être, en l'absence de convention contraire, non alléguée en l'espèce, ni interrompu ni suspendu ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'à partir du 23 septembre 1998, M. X... se trouvait en congé maladie et que cet arrêt de travail n'avait pas pour effet de reporter la date de cessation du contrat de travail, de sorte que l'intéressé était dans l'incapacité d'effectuer son préavis, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Leader charpente aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille cinq.