AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., engagé en 1989 par la société des Hôtels Concorde , Hôtel de Crillon, en qualité de maître d'hôtel "extra", par divers contrats à durée déterminée pour l'organisation de réceptions et de banquets, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de ses contrats en un contrat à durée indéterminée et de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture d'un contrat de travail à temps complet ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1 / qu'en cas de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, c'est la lettre de rupture du contrat à durée déterminée qui fixe les termes du litige ; qu'en cas d'absence de lettre de rupture à la date de la rupture, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse ; qu'une lettre postérieure à la rupture ne fixe pas les termes du litige ; qu'en prenant en compte la lettre de motivation de la rupture du 13 septembre 2000 pour décider que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse quand il résultait de ses constatations que les relations contractuelles avaient cessé le 3 septembre précédent, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
2 / que chacun a droit au respect de sa vie privée ; qu'un fait inhérent à la vie privée du salarié ne peut constituer une cause de licenciement qu'à la condition de créer un trouble caractérisé au fonctionnement de l'entreprise ; qu'en reprochant à M. X... d'avoir sollicité auprès du président du Gabon, client de l'hôtel employeur, des entretiens aux fins d'obtenir un service à titre personnel, sans relever que ces demandes d'audience créaient un trouble caractérisé au fonctionnement de l'hôtel, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles L. 122-14-4 du Code du travail et 9 du Code civil ;
3 / qu'une sanction disciplinaire doit être fondée sur un agissement du salarié considéré comme fautif par l'employeur ; que M. X... avait fait valoir, dans ses écritures d'appel, que, postérieurement à la rupture, l'employeur lui avait proposé une nouvelle vacation d'extra ;
qu'en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas de cette nouvelle proposition que la société Hôtel Concorde n'avait pas considéré comme une faute justifiant le licenciement le comportement reproché au salarié dans sa lettre de reproches du 13 septembre 2000, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-40 du Code du travail ;
Mais attendu, qu'après avoir procédé à la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel qui a constaté que la lettre du 13 septembre 2000, marquant la rupture des relations contractuelles, valait lettre de licenciement, a souverainement décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, que le comportement fautif du salarié, sans lien aucun avec sa vie privée, constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Vu l'article L. 212-4-3 du Code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de requalification de son contrat de travail en un contrat à temps complet et de celle tendant à ce que les indemnités de requalification, de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement soient calculées sur le fondement d'une rémunération à temps complet, l'arrêt retient que les contrats de travail de M. X... qui ne revendique aucune somme au titre d'un travail à temps complet, indiquent que la société se réservait de contacter le salarié en fonction des nécessités de l'exploitation sans que pour autant celui-ci, qui demeurait libre chaque fois, d'accepter ou refuser les éventuelles propositions d'embauche à durée déterminée, ne reste à la disposition de l'entreprise ; qu'au vu de l'ensemble des pièces de la procédure, il y a lieu de considérer que M. X... a été engagé par contrat à durée indéterminée à temps partiel ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le salarié avait été mis dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il pourrait travailler chaque mois et dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches :
Vu l'article 14 de la Convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande tendant à être classé maître d'hôtel ainsi que de ses demandes en paiement qui en sont la suite, l'arrêt infirmatif attaqué relève que l'intéressé qui ne conteste pas les fiches descriptives des différents postes de l'hôtel et l'organigramme, ne produit aucune pièce à l'appui de sa revendication de 2,5 points et ne fait aucune relation des diverses tâches qu'il a effectuées ; qu'au vu de la comparaison de la description du poste de maître d'hôtel "extra" avec celui de second maître d'hôtel, il lui sera attribué 2 points de répartition et alloué certaines sommes titre de rappel de salaire et de congés payés ;
Qu'en attribuant à M. X... le coefficient de 2 points, réservé dans la liste de répartition à la seule catégorie des chefs de rang, alors qu'elle avait relevé que le salarié avait été recruté pour occuper des fonctions de maître d'hôtel, lequel bénéficiait dans la même liste de 2,5 points de répartition, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première, deuxième et cinquième branches du deuxième moyen, deuxième, et troisième branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de requalification du contrat de travail en contrat à temps complet et condamné la société des Hôtels Concorde à lui payer certaines sommes à titre d'indemnité de requalification, de rappel de salaire, de congés payés afférents, de rappel de treizième mois, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement, l'arrêt rendu le 1er juillet 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société des Hôtels Concorde Hôtel de Crillon aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... et au syndicat CGT des salariés de la société des Hôtels Concorde la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille cinq.