AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... , employé par la société BRL depuis le 1er août 1982 en qualité de barragiste machiniste, a assuré à son domicile, de février 1994 à juillet 1999, en sus de ses horaires de travail, une astreinte totale et continue dans le logement de fonction mis à sa disposition par l'employeur au barrage d'Avène où il était affecté ;
qu'estimant que ces périodes correspondaient à un temps de travail effectif, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires, de congés payés et de dommages-intérêts pour privation de repos compensateur ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 mai 2003) de l'avoir débouté de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :
1 / que le fait pour un salarié de rester à la disposition de l'employeur pour participer à l'activité d'entreprise constitue un travail effectif au sens de l'article L. 212-4 du Code du travail ; qu'il appert de l'arrêt attaqué (cf. pages 4 et 5) qu'il ressort du contrat de travail du salarié et de différentes notes de services émanant de l'employeur ainsi que de divers courriers adressés par l'employeur au salarié que celui-ci, au-delà de ses heures de travail effectives en sa qualité de barragiste titulaire était soumis au régime de l'astreinte totale et continuelle et avait l'obligation de résider sur le barrage où il assurait la surveillance et la police des lieux ; que pour écarter la démonstration du salarié se fondant sur le contrat de travail lui-même et ses modalités d'exécution, ensemble sur une série impressionnante de preuves produites, la cour d'appel se contente de dire que les conditions effectives dans lesquelles a été effectué le temps d'astreinte n'impliquait pas la présence permanente et continue du salarié sur le site du barrage ; que ce faisant, la cour
d'appel qui retient une motivation à la fois insuffisante et inopérante ne justifie légalement son arrêt au regard de l'article L. 212-4 du Code du travail ;
2 / qu'en toute hypothèse la cour d'appel qui constate l'existence d'astreintes s'inscrivant dans la ligne du contrat de travail et de documents entrés dans le champ contractuel, ne pouvait débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes de complément de salaire pour travail effectif au-delà de ce qui a été effectué aux motifs inopérants et insuffisants que l'expert a relevé que ledit salarié avait obtenu de l'employeur l'autorisation de s'absenter du site environ une heure par jour scolaire, que ledit salarié disposait d'un logement de fonction sur le site lui permettant d'y vivre avec sa famille et de bénéficier d'un environnement familial et social quasi normal ; que son obligation de présence concernait son domicile, et non le local de surveillance du barrage ; que ces considérations inopérantes au regard de la vraie question posée, le travail effectif assumé par le salarié -fût-ce à son domicile- font que la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article L. 212-4 du Code du travail, de plus fort violé ;
3 / que la cour d'appel relève la réalité des tâches imposées au barragiste durant les heures dites d'astreinte consistant, outre, l'obligation générale de surveillance et de police des lieux en soi extrêmement contraignante, la mise en place et la surveillance des alarmes visuelles et sonores lesquelles pouvant être transférées au domicile du barragiste, la surveillance du local de puissance, le réglage éventuel des vannes de surfaces en cas de crues, la surveillance des défauts signalés par une alarme tenant tant à la stabilité de l'ouvrage qu'au fonctionnement de la turbine ; qu'il appert de ces données des contraintes extrêmement lourdes à la charge du salarié ; qu'en le déboutant de toutes ses demandes de compléments de salaires au motif inopérant que le salarié aurait pu en réalité disposer de plages importantes de temps libre lui permettant de vaquer à des occupations personnelles dans un univers social et familial quasi normal, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article 212-4 du Code du travail, de plus fort violé ;
4 / qu'au surplus, l'obligation de rester à proximité du logement de fonction afin d'être en mesure de percevoir le déclenchement éventuel d'alarmes sonores et de répondre immédiatement aux dysfonctionnements révélés par ces alarmes, est de nature à caractériser un temps de travail effectif ; qu'en décidant le contraire au seul motif que le salarié ne se trouvait pas à la disposition permanente de l'employeur pendant ces périodes et qu'il pouvait vaquer à ses occupations personnelles sans préciser en quoi et comment, et ce pour le débouter de l'intégralité de ses demandes, la cour d'appel ne justifie pas davantage son arrêt au regard de l'article L. 212-4 du Code du travail ;
Mais attendu que constitue un travail effectif, au sens de l'article L. 212-4 du Code du travail, le fait pour le salarié de rester en permanence à la disposition de l'employeur pour participer à l'activité de l'entreprise ; que constitue, en revanche, une astreinte et non un travail effectif l'obligation pour un salarié de demeurer à son domicile ou à proximité en vue de répondre à un appel de son employeur pour effectuer un travail au service de l'entreprise ;
Et attendu que, sous le couvert des griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont constaté que le salarié, même s'il devait rester à son domicile pour assurer la surveillance et la police du barrage, disposait, en dehors de l'horaire de travail, de plages importantes de temps libre lui permettant de vaquer à des occupations personnelles dans un univers social et familial quasiment normal ; que cette obligation, en contrepartie de laquelle il jouissait gratuitement d'un logement et bénéficiait d'un supplément de rémunération et de congés, ne constituait qu'une astreinte ; d'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille cinq.