AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Soficar que sur le pourvoi incident relevé par la société Le Tourisme moderne, compagnie parisienne de tourisme ;
Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif déféré, que la société le Tourisme moderne, compagnie parisienne du tourisme (Le Tourisme moderne), qui a pour activité l'organisation et la vente de voyages et séjours, est titulaire des marques suivantes régulièrement renouvelées, la marque "Locatour", déposée le 30 septembre 1981, enregistrée sous le n° 1 695 462 pour désigner les produits et services en classes 36, 39, 41 et 42, notamment "agences de voyages, organisation de vacances, réservations de chambres d'hôtel, divertissements, location d'appartements de villas et de véhicules" et la marque "Locatour" , déposée le 22 avril 1992, enregistrée sous le n° 92 415 963, pour désigner en classe 38 des "services de communication télématique" ;
qu'elle est en outre titulaire d'un site internet à l'adresse "locatour.fr" ; que la société Soficar, spécialisée dans l'acquisition, gestion, contrôle, cession de portefeuille de participation, prise de participation dans toutes sociétés, a enregistré, le 10 septembre 1999, le nom de domaine "locatour.com" ; qu'après constat et mise en demeure, la société Le Tourisme moderne a fait assigner la société Soficar en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale ;
Sur le pourvoi incident :
Attendu que la société Le Tourisme moderne fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en contrefaçon de la marque Locatour enregistrée sous le n° 1 695 462, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que cette marque ne désignait pas des produits et services identiques à ceux proposés par la société Soficar, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'identité des services visés par le signe locatour.com et des services désignés par la marque Locatour n° 1 695 462 ne résultait pas de ce que la société Soficar était une holding financière dont le site web, s'il était activé, présenterait les services offerts par les sociétés opérationnelles du groupe Soficar, dont certaines avaient pour activité la location de véhicules automobiles ou de biens immobiliers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que la marque Locatour n° 1 695 462 ne désignait pas des produits et services identiques à ceux proposés par la société Soficar, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des arguments fondés sur une éventuelle activité de filiales de cette société, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal:
Vu les articles L. 713-1, L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'un nom de domaine ne peut contrefaire par reproduction ou par imitation une marque antérieure, peu important que celle-ci soit déposée en classe 38, pour désigner des services de communication télématique, que si les produits et services offerts sur ce site sont soit identiques, soit similaires à ceux visés dans l'enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l'esprit du public ;
Attendu que pour dire que la société Soficar, en enregistrant la dénomination "locatour.com" avait contrefait par reproduction la marque Locatour n° 92 415 963 dont est titulaire la société Le Tourisme moderne, l'arrêt retient que les produits et services visés au dépôt de cette marque en classe 38 "doivent être considérés comme similaires à ceux dans lesquels s'inscrit l'exploitation d'un nom de domaine permettant au moyen d'un support informatique l'accès aux informations mises à la disposition du public sur un site internet", et en déduit qu'en raison du risque de confusion qu'elle suscite dans l'esprit du consommateur moyennement attentif, l'adoption de cette dénomination constitue la contrefaçon de la marque Locatour, en ce qu'elle désigne les services de communication télématique, "peu important que la société Soficar n'ait pas exploité de site actif";
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les produits et services que pouvait offrir sur le site internet la société Soficar étaient identiques ou similaires à ceux visés dans le dépôt de la marque n° 92 415 962, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen du même pourvoi:
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour dire que la société Soficar, en déposant le nom de domaine "locatour.com" a porté atteinte au nom de domaine "locatour.fr" déposé par la société Le Tourisme moderne, l'arrêt retient que le simple enregistrement en ".com" d'un nom de domaine préalablement enregistré en ".fr" constitue une atteinte aux droits du titulaire sur ce nom de domaine ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les sociétés en litige exerçaient des activités identiques ou concurrentes et s'il en résultait un risque de confusion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en contrefaçon de la marque Locatour enregistrée sous le n° 1 695 462 déposée par la société Le Tourisme moderne, l'arrêt rendu le 29 octobre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Le Tourisme moderne compagnie parisienne du tourisme aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Soficar ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille cinq.