La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2005 | FRANCE | N°04-42907

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2005, 04-42907


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 04-42.907 à n° D 04-42.983 ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq premières branches :
Attendu qu'à la suite d'un incendie survenu le 19 juin 1998 ayant détruit les ateliers et les stocks de la société Charcuteries du Bugey, cent douze salariés ont été licenciés le 1er juillet 1998 pour force majeure ; que soixante dix-sept d'entre-eux ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et série

use ;
Attendu que la société Charcuteries du Bugey fait grief aux arrêts a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 04-42.907 à n° D 04-42.983 ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq premières branches :
Attendu qu'à la suite d'un incendie survenu le 19 juin 1998 ayant détruit les ateliers et les stocks de la société Charcuteries du Bugey, cent douze salariés ont été licenciés le 1er juillet 1998 pour force majeure ; que soixante dix-sept d'entre-eux ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la société Charcuteries du Bugey fait grief aux arrêts attaqués (Lyon, 11 février 2004) d'avoir dit que la rupture des contrats de travail constituait, en l'absence de force majeure, des licenciements sans cause réelle et sérieuse, alors, selon, le moyen :
1 / que la force majeure, permettant à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d'un contrat de travail, s'entend de la survenance d'un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite dudit contrat ; qu'il n'est donc pas nécessaire que l'événement litigieux ait été imprévisible ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'incendie ayant détruit l'outil de production et les stocks de la société n'aurait pas été imprévisible pour exclure la qualification de force majeure, la cour d'appel a violé l'article 1148 du Code civil ;
2 / qu'à tout le moins, l'irrésistibilité de l'événement est, à elle seule, constitutive de force majeure lorsque sa prévision ne saurait permettre d'en empêcher les effets; qu'en retenant, pour exclure en l'espèce la qualification de force majeure, que l'incendie ayant totalement détruit l'outil de production et les stocks de la société n'aurait pas été imprévisible, sans caractériser en quoi la prévision de cet événement aurait permis de prendre des mesures qui auraient effectivement évité l'incendie ou retardé la propagation du feu, quand elle avait constaté que, compte tenu de la structure du bâtiment, le feu avait connu une propagation fulgurante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du Code civil ;
3 / que la force majeure, permettant à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d'un contrat de travail, s'entend de la survenance d'un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite dudit contrat ; qu'en l'espèce, il était constant qu'un incendie avait détruit l'outil de production et les stocks de la société ; que la cour d'appel ne pouvait, pour exclure la qualification de force majeure, reprocher à l'employeur de n'avoir pas mis en place certains équipements (porte coupe-feu, détection automatique...), sans caractériser en quoi la mise en place de ces équipements aurait effectivement permis d'éviter ou de retarder la propagation du feu, quand elle avait constaté que, compte tenu de la structure du bâtiment, le feu avait connu une propagation fulgurante; que faute de l'avoir fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du Code civil ;
4 / que la force majeure, permettant à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d'un contrat de travail, s'entend de la survenance d'un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite dudit contrat ; que l'impossibilité de poursuivre les contrats de travail des salariés est caractérisée lorsque l'unité de production dans laquelle ils travaillaient a été totalement détruite et que sa reconstruction éventuelle supposerait de longs travaux de remise en état, de sorte que l'exploitation est durablement interrompue; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que l'incendie avait détruit en totalité l'unité de production, et que, si la société avait initialement envisagé une reconstruction, le délai nécessaire à celle-ci était d'au moins 18 mois, de sorte que l'entreprise était durablement dans l'impossibilité de reprendre son exploitation et donc de poursuivre les contrats de travail ; que la cour d'appel, qui a cependant, au prétexte de l'absence d'impossibilité définitive de reprendre l'exploitation, refusé d'admettre l'existence d'un cas de force majeure, a violé l'article 1148 du Code civil ;
5 / que la société exposante faisait valoir que, si elle avait initialement envisagé la reconstruction de l'usine, elle avait dû abandonner ce projet dès lors, d'une part, que les assurances avaient tardé à indemniser la société, de sorte que les avances perçues au 2ème semestre 1998 étaient insuffisantes pour couvrir le coût prévisible de la reconstruction des bâtiments s'élevant à 53 millions de francs et celui du rachat du matériel soit 60 millions de francs, et, d'autre part, que dès le début de l'année 1999 ses produits avaient été "déréférencés" auprès des centrales d'achat, ce qui avait entraîné la disparition de sa clientèle et rendu inutile toute reconstruction, ce d'autant que le délai nécessaire à celle-ci était compris entre 18 et 24 mois ; qu'en se bornant à affirmer que la société ne justifiait pas de difficultés affectant la faisabilité du projet de reconstruction, sans s'expliquer sur ces éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1148 du Code civil ;
Mais attendu que la force majeure, permettant à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d'un contrat de travail, s'entend de la survenance d'un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail ;
Et attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'employeur, qui appartenait à un groupe, n'établissait nullement que la destruction par l'incendie des bâtiments de production rendait impossible la reprise de l'exploitation, après reconstruction, et par là celle des contrats de travail, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Charcuteries du Bugey aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 04-42907
Date de la décision : 07/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon (chambre sociale), 11 février 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2005, pourvoi n°04-42907


Composition du Tribunal
Président : Président : M. SARGOS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.42907
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award