AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente novembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD, les observations de Me SPINOSI et de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Dominique,
- Y... Stéphane, contre l'arrêt de la cour d'appel de NIMES, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 2004, qui, pour transport, détention et mise en circulation de monnaie contrefaite, les a condamnés chacun à 2 ans d'emprisonnement, 10 000 euros d'amende et a prononcé la confiscation des sommes et faux billets saisis ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Stéphane Y..., pris de la violation des articles 442-2, 442-13 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Stéphane Y... coupable de transport, détention ou mise en circulation de faux billets et l'a condamné à deux ans d'emprisonnement et a ordonné la confiscation des sommes de 13 109 francs et de 10 000 francs qui lui appartenaient ;
"aux motifs qu'en ce qui concerne Stéphane Y..., ses déclarations, les saisies opérées à son domicile et ses conversations téléphoniques avec Elie Z... établissent qu'il était un client régulier de " Loulou " ; qu'il a reconnu en outre à l'audience avoir fait usage le 29 septembre 2000 de fausses coupures de 500 francs dans une discothèque de Canet-en-Roussillon ;
"et aux motifs éventuellement adoptés que " Stéphane Y... reconnaissait avoir acheté à un ami de Z... surnommé "Daddy" une quinzaine de faux billets de 200 francs qu'il avait écoulés depuis et finissait par admettre que les 13 000 francs saisis sur lui étaient destinés à l'acquisition de fausse monnaie par l'intermédiaire de Loulou " ;
"alors que l'infraction de l'article 442-2 du Code pénal suppose que l'auteur des faits ait eu la possession des faux billets ;
que dès lors, en condamnant le prévenu pour sa participation aux faits commis lors de l'interpellation, alors que ce dernier ne détenait à ce moment qu'une somme de 13 109 francs de billets qui n'étaient pas des faux, la cour d'appel a violé l'article précité" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Stéphane Y..., pris de la violation des articles 131-19, 131-24 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Stéphane Y... coupable de trafic de fausse monnaie et l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement et à une amende de 10 000 euros ;
"aux motifs qu'en ce qui concerne les peines, elles apparaissent équilibrées au vu de la personnalité de chacun des quatre prévenus et de la nature des faits reprochés, le transport, la mise en circulation ou la détention en vue de la mise en circulation de faux billets ayant cours légal étant puni par l'article 442-2 du Code pénal de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ;
"alors que dans les limites fixées par la loi, la juridiction prononce les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ;
que la cour d'appel qui se réfère globalement à la personnalité des auteurs de l'infraction, sans aucunement motiver sa décision sur la prise en compte de la particularité de la situation de Stéphane Y... qui n'avait pas participé à la production des faux billets, n'était poursuivi que pour être intervenu dans une opération d'achat de fausse monnaie, et n'avait jamais fait l'objet de condamnation, à la différence des autres prévenus, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Dominique X..., pris de la violation des articles 132-19 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant condamné le prévenu à la peine de deux ans d'emprisonnement ferme ;
"aux motifs qu'il résulte des écoutes téléphoniques, des surveillances policières, des déclarations des prévenus et des saisies de faux billets mentionnés ci-dessus que depuis novembre 2000 "Pierrot" A... était en relation avec Elie Z... qui lui passait commande d'enveloppes de faux billets de 200 francs ; qu'en ce qui concerne Stéphane Y..., ses déclarations, les saisies opérées à son domicile et ses conversations téléphoniques avec Elie Z... établissent qu'il était un client régulier de " Loulou " ;
qu'il a reconnu en outre à l'audience avoir fait usage le 29 septembre 2000 de fausses coupures de 500 francs dans une discothèque de Canet-en-Roussillon (66) ; qu'en ce qui concerne Dominique X..., qui a été mis en cause dans le Tarn par les usagers de faux billets, les écoutes téléphoniques ont montré qu'il était en relation étroite avec Elie Z... (échange de billets saisis), et la perquisition effectuée dans son garage a permis de découvrir un nombre important de faux billets de 200 francs ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé sur la culpabilité qui n'est d'ailleurs pas discutée par les prévenus qui savaient que ces billets étaient contrefaits ; qu'en ce qui concerne les peines elles apparaissent équilibrées au vu de la personnalité de chacun des quatre prévenus et de la nature des faits reprochés, le transport, la mise en circulation ou la détention en vue de la mise en circulation de faux billets ayant cours légal étant puni par l'article 442-2 du Code pénal de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende ; que la décision entreprise sera donc confirmée sur la répression ainsi que sur les confiscations prononcées ;
"alors, d'une part, que l'article 132-19 du Code pénal impose une motivation spéciale à l'encontre du prévenu qui se voit condamné à une peine d'emprisonnement ferme ; qu'en se prononçant au bénéfice d'une motivation commune pour l'ensemble des prévenus, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la spécificité de la peine d'emprisonnement ferme prononcée à l'encontre de Dominique X... ;
"alors, d'autre part, qu'en se contentant d'une référence abstraite à la personnalité de chacun des prévenus et à la gravité de la qualification des faits poursuivis sans énoncer précisément en quoi les circonstances de l'infraction et la personnalité de chacun des prévenus, et en l'occurrence de Dominique X..., justifiaient le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme, la cour d'appel a privé sa décision d'une motivation suffisante" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé des peines d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Stéphane Y..., pris de la violation de l'article 442-13 du Code pénal et 591 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué, outre la peine d'emprisonnement et l'amende a, confirmant le jugement entrepris, ordonné la confiscation des billets saisis et des sommes de 13 019 francs et 10 000 francs saisis et placés sous scellés en les affectant au paiement de l'amende ;
"alors qu'en vertu de l'article 442-13 du Code pénal, outre la confiscation des faux billets ou de la fausse monnaie, peut être prononcée la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitutions ; que le prévenu a été condamné pour transport, détention et mise en circulation de faux billets ; que, dès lors, la somme saisie lors de l'opération policière d'interpellation des prévenus et la somme saisie au domicile du prévenu n'apparaissant pas destinées à commettre les infractions en cause ou en être le produit, la cour d'appel ne pouvait en prononcer la confiscation sans violer l'article précité" ;
Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à l'arrêt d'avoir ordonné la confiscation des sommes saisies lors de son interpellation et d'une perquisition effectuée à son domicile, dès lors qu'il résulte des constatations des juges que ces sommes étaient destinées à acquérir de la fausse monnaie ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Challe conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Soulard conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;