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22/11/2005 | FRANCE | N°03-20600

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 novembre 2005, 03-20600


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 octobre 2003), que le 17 septembre 1998, M. X... a cédé la plupart des actions qu'il détenait dans le capital de la société Eurodirect marketing, cotée sur le second marché de la Bourse de Paris ; que, reprochant à la société d'avoir fait publier, le 7 avril 1998, des renseignements erronés sur ses perspectives de résultats pour 1998 et soutenant que ces informations, qui n'avaient été démenties que t

ardivement par un communiqué du 16 octobre 1998, l'avaient déterminé à acquér...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 octobre 2003), que le 17 septembre 1998, M. X... a cédé la plupart des actions qu'il détenait dans le capital de la société Eurodirect marketing, cotée sur le second marché de la Bourse de Paris ; que, reprochant à la société d'avoir fait publier, le 7 avril 1998, des renseignements erronés sur ses perspectives de résultats pour 1998 et soutenant que ces informations, qui n'avaient été démenties que tardivement par un communiqué du 16 octobre 1998, l'avaient déterminé à acquérir des titres, M. X... a demandé que la société soit condamnée à réparer le préjudice qu'il avait subi en cédant ses actions à perte ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Eurodirect marketing fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :

1 ) que dans ses conclusions du 14 octobre 2002, comme également dans celles du 25 mars 2002, sous l'intitulé "En droit", M. X... précisait qu' "il se réfère aux dispositions de l'ordonnance n° 67-783 du 28 septembre 1967 qui punit des peines prévues pour les délits d'initié le fait pour toute personne de répandre sciemment dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d'un instrument financier admis sur un marché réglementé de nature à agir sur les cours" ; que "la jurisprudence a fait application de ces textes tant sur le plan civil que sur le plan pénal ..." ; qu'en affirmant que "M. X... fonde son action dirigée contre la société Eurodirect marketing sur les dispositions des règlements COB relatifs à la sincérité, à l'exactitude et à la précision des informations diffusées dans le public par les sociétés cotées en bourse" et en retenant, pour déclarer engagée la responsabilité de la société à l'égard de M. X..., que "la question qui se pose est celle de l'exactitude et de la sincérité de l'information publiée le 7 avril 1998 par la société, la circonstance que cette information soit afférente à des prévisions n'a pas pour effet d'exonérer l'émetteur de toute obligation de sincérité, elle lui impose d'une part, de procéder à une appréciation raisonnable des risques, d'autre part, d'émettre des réserves quant aux événements d'ores et déjà connus qui seraient susceptibles de les affecter", la cour d'appel, qui a modifié le fondement de la demande, a méconnu les termes du litige et a, ainsi, violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) qu'en retenant, pour déclarer la responsabilité de la société engagée pour diffusion d'informations trompeuses, que la société a, dès le 7 avril 1998, publié des perspectives de résultats dont elle savait qu'elles n'avaient raisonnablement pas de chances de se réaliser, sans justifier que la société savait, dès le 7 avril 1998, que les pertes étaient déjà telles que les résultats envisagés pour 1998 ne seraient pas atteints, ni davantage justifier que la société avait annoncé ses perspectives de résultats avec l'intention d'agir sur les cours de ses actions et, de plus, tout en admettant que "les prévisions exagérément optimistes de ses dirigeants s'apparentent à une grossière erreur d'appréciation plutôt qu'à la volonté de tromper", la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'alinéa 3 de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 et, partant, de l'article 1382 du Code civil ;

3 ) qu'en retenant que cette appréciation inexacte des résultats de la société pour l'exercice en cours a été réaffirmée sans la moindre réserve dans le document de référence, sans justifier qu'à la différence du communiqué du 7 avril 1998, la réaffirmation par la société de l'appréciation inexacte de ses résultats, fin mai 1998, lorsqu'elle a établi "le document de référence" enregistré à la COB le 5 juin 1998, a été faite avec la volonté de tromper, la société connaissant alors l'importance des pertes, ni davantage justifier que cette réaffirmation était de nature à agir sur le cours des actions de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 et, partant, de l'article 1382 du Code civil ;

4 ) qu'en reprochant à la société de n'avoir pas fait de rectification de ses résultats prévisibles lorsqu'elle a fait connaître dans le journal "La tribune" du 4 septembre 1998 la démission de son PDG et le renouvellement de son équipe dirigeante, sans justifier que cette rectification, était susceptible, si elle était connue, d'avoir une influence sur le cours des actions de cette société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 4 du règlement COB n° 98-07 et, partant, de l'article 1382 du Code civil ;

5 ) qu'aux termes de l'article 341-1 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 232-7 du Code de commerce, invoqué par la société Eurodirect marketing, les sociétés cotées sont "tenues d'établir et de publier dans les quatre mois qui suivent le premier semestre de l'exercice, un rapport commentant les données chiffrées relatives au chiffre d'affaires et aux résultats de la société au cours du semestre écoulé" ; que tout en reconnaissant que n'est pas en cause le respect par la société des obligations qui lui incombaient en matière de publication de ses résultats annuels, semestriels et trimestriels, la cour d'appel qui, pour déclarer engagée la responsabilité de la société, retient "le caractère manifestement tardif de l'information relative aux résultats négatifs de la société" donnée par celle-ci le 16 octobre 1998, a violé l'article L. 232-7 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que M. X... ayant, dans ses conclusions d'appel, expressément invoqué à l'encontre de la société Eurodirect marketing des manquements consistant non seulement à avoir présenté des perspectives exagérément positives et mensongères mais aussi à ne pas avoir informé le marché de la dégradation de sa situation réelle quand elle en avait eu connaissance et comme elle en avait l'obligation, c'est sans méconnaître les termes du litige que la cour d'appel a retenu que la demande était fondée sur les dispositions du règlement COB relatif à l'obligation d'information du public ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant retenu, par une décision motivée, que la société Eurodirect marketing avait, le 7 avril 1998, sciemment publié des perspectives de résultats dont elle savait qu'elles n'avaient raisonnablement pas de chance de se réaliser, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé, sans avoir à procéder aux recherches inopérantes visées par les deuxième et troisième branches, le manquement de la société à son obligation de donner au public une information exacte, précise et sincère, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en troisième lieu, que le respect des obligations imposées par l'article L. 232-7 du Code de commerce aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ne saurait dispenser ces sociétés de l'obligation de porter au plus tôt à la connaissance du public tout fait important susceptible, s'il était connu, d'avoir une incidence sur le cours des titres émis par elles ; qu'ayant relevé, par une décision motivée, le caractère manifestement tardif de l'information relative aux résultats négatifs de la société Eurodirect marketing, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par la quatrième branche, a décidé à bon droit que cette société avait ainsi manqué à cette obligation ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Eurodirect marketing fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1 ) que l'auteur d'une faute ne peut être condamné à réparation que si sa faute est la cause directe et certaine du préjudice dont réparation est demandée ; qu'en se bornant à relever que les achats d'actions de la société par M. X... se sont amplifiés nettement à partir du mois de mai 1998, que la circonstance qu'il n'en ait pas acquis en avril 1998 n'est pas significative de son indifférence à l'égard des informations communiquées, que la baisse des cours n'a pas été amorcée dès mai 1998 et qu'est également sans emport la circonstance qu'il n'ait pas attendu la communication, en octobre 1998, des résultats de la société pour vendre ses actions dès lors que la conjonction d'une chute continue des cours de l'action et l'annonce du renouvellement de l'équipe dirigeante de la société constituait pour M. X..., qui n'est manifestement pas un néophyte en matière d'opérations boursières, un signal d'alarme suffisamment éloquent, et tout en constatant elle-même que la circonstance que M. X... ait acquis des actions de la société avant le mois d'avril 1998 et d'autre part en ait conservé après le mois de septembre ou d'octobre 1998 démontre certes que ses décisions d'achat n'étaient pas strictement liées aux informations litigieuses, la cour d'appel n'a pas caractérisé de relation directe et certaine entre les manquements qu'elle reproche à la société et le préjudice allégué par M. X... et à la réparation duquel elle condamne la société, soit la différence de cours des actions acquises postérieurement au 7 avril 1998 et vendues en septembre 1998, violant ainsi l'article 1382 du Code civil ;

2 ) qu'il résulte clairement des deux tableaux produits aux débats par M. X..., d'une part, que le cours des actions Eurodirect marketing était plus élevé avant début avril 1998 - 243,80 francs - qu'après - 210 francs le 18 mai 1998 - , qu'il a commencé à diminuer en mars 1998 et qu'après une très légère remontée le 10 juin 1998, il n'a cessé de baisser et, d'autre part, que les valeurs des actions indiquées par M. X... sur le tableau ne sont pas celles indiquées par la cour d'appel ; qu'en affirmant qu'il ne ressort pas des pièces produites que la baisse des cours ait été amorcée dès le mois de mai 1998, qu'il affichait en effet une valeur de 31,73 francs en avril 1998, de 31,42 francs en mai 1998, de 33,20 francs en juin 1998 et encore de 30,96 francs en juillet 1998, la cour d'appel a dénaturé les deux tableaux produits aux débats par M. X..., partant, violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, sans se référer aux tableaux prétendument dénaturés, que dans les trois mois qui ont suivi le communiqué du 7 avril 1998, les achats d'actions Eurodirect marketing par M. X... ont été réguliers et très largement supérieurs aux opérations antérieurement réalisées et relevé que l'intéressé avait pris le soin de réclamer aux dirigeants de la société la communication du document de référence 1997 afin de vérifier, au lendemain de l'assemblée générale des actionnaires, les informations publiées en avril 1998, ce qui atteste de l'intérêt que celles-ci présentaient pour lui, la cour d'appel a pu décider qu'il existait un lien de causalité entre les manquements commis par la société et le préjudice subi par M. X... en revendant à perte les actions qu'il n'aurait pas achetées s'il n'avait pas été victime d'informations trompeuses ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eurodirect marketing aux dépens :

Vu les articles 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Eurodirect marketing à payer 2 000 euros à Me Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 03-20600
Date de la décision : 22/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (1e chambre civile), 14 octobre 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 nov. 2005, pourvoi n°03-20600


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:03.20600
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