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15/11/2005 | FRANCE | N°04-30557

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 novembre 2005, 04-30557


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 1er juin 2004), rendu sur renvoi après cassation (2e chambre civile, 4 novembre 2003, pourvois n° Y 02-30.067 et n° S 02-30.084), que M. X..., salarié de la société Valeo embrayage de 1962 à 1995, ayant été reconnu atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30, avec un taux d'IPP fixé à 35 %, a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation compl

émentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;

Attendu que la soc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rouen, 1er juin 2004), rendu sur renvoi après cassation (2e chambre civile, 4 novembre 2003, pourvois n° Y 02-30.067 et n° S 02-30.084), que M. X..., salarié de la société Valeo embrayage de 1962 à 1995, ayant été reconnu atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30, avec un taux d'IPP fixé à 35 %, a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;

Attendu que la société Valeo fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la maladie de M. X... était due à sa faute inexcusable, alors, selon le moyen :

1 ) que les éventuels manquement d'un employeur à ses obligations professionnelles ne peuvent s'apprécier qu'au regard du droit positif existant à l'époque de son intervention sans que l'on puisse lui imputer à faute une évolution ultérieure du droit ; qu'en décidant de l'existence d'une obligation de sécurité de résultat telle qu'elle a été imposée, sur le terrain de la faute inexcusable de l'employeur et de l'article L. 230-1 du Code du travail intervenue en 1991, par un revirement de jurisprudence de la Chambre sociale en date du 28 février 2002, s'appliquant à des faits se situant entre les années 1958 et 1987, la cour d'appel qui reproche à la société Valeo d'avoir manqué à une obligation qui n'existait pas à l'époque des faits litigieux, a violé le principe de sécurité juridique et l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit à un procès équitable ;

2 ) que la faute inexcusable telle qu'elle résulte, dans le nouveau cadre d'une obligation de sécurité de résultat, des articles L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et de l'article L. 230-2 du Code du travail, n'est caractérisée que lorsqu'ayant du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en considérant cependant qu'en l'espèce aucun élément du dossier ne démontre que l'affection dont souffre -ou a souffert- le salarié résulte exclusivement d'une cause étrangère aux conditions dans lesquelles il a été employé dans l'établissement d'Amiens de la société Valeo et qu'ainsi la faute inexcusable de l'employeur est caractérisée en l'absence de cause étrangère exonératoire, la cour d'appel a de toute façon violé les textes susvisés ;

3 ) que, s'il résulte des articles L. 411-1 et L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et de l'article L. 230-2 du Code du travail qu'il n'y a faute inexcusable de l'employeur que lorsqu'ayant du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, la cour d'appel qui constate au cas présent que la société Valeo avait pris des mesures destinées à protéger le salarié du site d'Amiens de telle sorte qu'elle avait des taux d'empoussièrement inférieurs à ceux prévus par la suite par le décret de 1977, ne pouvait que déduire de cette seule motivation concernant les mesures nécessaires que devait prendre l'employeur, que la société Valeo avait bien respecté cette condition, exclusive de toute faute inexcusable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

4 ) qu'il résulte de l'article L. 230-2 du Code du travail que l'employeur doit notamment veiller à l'adaptation des mesures de sécurité pour tenir compte des changements de circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ; qu'ainsi au regard de ce texte , la cour d'appel devait nécessairement rechercher si à l'époque litigieuse la société Valeo avait ou on veillé, en fonction des changements de circonstances connus, à adapter les mesures existantes par l'installation de mesures plus innovantes et plus protectrices ; qu'il n'est pas contesté que si à l'époque où le salarié travaillait au sein de la société Valeo, la seule obligation concernant l'empoussièrement résultait du décret du 10 juillet 1913 qui se bornait à limiter l'empoussièrement du lieu de travail par l'usage de simples "hottes avec cheminées d'appel", la société Valeo avait quant à elle régulièrement installé des mesures nouvelles et efficaces ; qu'en ne recherchant pas si entre les années 1958 et 1991, la société Valeo n'avait pas adapté ses mesures de protection en fonction des nouvelles circonstances connus d'elles, la cour d'appel n'a pas donné de bases légales à sa décision au regard du texte susvisé ;

5 ) que la société Valeo avait, aux termes de ses conclusions d'appel expressément et de façon très précise établi, sans être contestée sur ces points, que dès la construction de l'usine, elle avait installé un système général central d'aspiration nécessairement plus performant que les "hottes" préconisées par le décret de 1913 et que les systèmes d'aspiration avaient toujours fait l'objet d'adaptation et d'améliorations progressives au fil du temps, notamment par l'installation des comptages des fibres instaurés bien avant que le décret de 1977 ne les rende obligatoires ; que la société Valeo démontrait encore, sans être contestée, qu'elle avait progressivement mis en place des moyens de production automatisés et supprimé les opérations de perçage immédiatement après la survenance du décret de 1977 ; que faute d'avoir répondu à ces moyens déterminants qui ,justifiaient le respect par la société Valeo de l'article L. 230-2 du Code du travail comme de l'obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile par défaut de réponses à conclusions ;

6 ) qu'il résulte des articles L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, L. 230-2 du Code du travail et 1315 du Code civil qu'il incombe au salarié qui prétend que son employeur a commis une faute inexcusable de prouver que son employeur avait conscience du danger et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'en relevant qu'en l'espèce, la société Valeo n'a pas pris les mesures nécessaires dès lors qu'elle ne produit aucune pièce démontrant que le salarié aurait travaillé pour une entreprise utilisant également de l'amiante et qu'elle ne démontre pas que la faute de l'Etat serait la cause exclusive de l'inexécution par elle même de son obligation de résultat en matière de sécurité, la cour d'appel qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;

7 ) que la cour d'appel ne pouvait comme elle l'a fait décider que de façon générale, la société Valeo avait conscience du danger parce que l'activité du site d'Amiens pouvait exposer les salariés aux poussières d'amiante sans rechercher si les fonctions occupées par le salarié pouvaient in concreto laisser supposer qu'il avait effectivement eu conscience du danger couru par le salarié ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Et attendu qu'abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les seconde et sixième branches du moyen, les énonciations des juges du fond caractérisent le fait que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

que la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que la société Valeo avait commis une faute inexcusable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Valeo embrayages aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Valeo embrayages à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 04-30557
Date de la décision : 15/11/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (chambres Réunies), 01 juin 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 nov. 2005, pourvoi n°04-30557


Composition du Tribunal
Président : Président : M. OLLIER conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:04.30557
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