AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 2004), que Marielle X..., cadre supérieur de l'industrie pharmaceutique, qui avait cotisé durant trente-cinq ans auprès de la Caisse de retraite par répartition des ingénieurs cadres et assimilés (CRICA), de la Caisse générale interprofessionnelle de retraite pour salariés (CGIS) et de l'Union interprofessionnelle de retraite et d'industrie et du commerce (UIRIC) dont l'Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO) et l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) sont les organismes de tutelle, étant décédée le 3 décembre 1993, M. Y... a, en sa qualité de conjoint survivant, sollicité de ces organismes le versement d'une pension de réversion ;
qu'il lui a été opposé qu'il ne pourrait être fait droit à sa demande que lorsqu'il aurait atteint l'âge de 65 ans, seules les femmes pouvant percevoir ladite pension à partir de l'âge de 50 ans ; que, sur question préjudicielle du tribunal de grande instance de Paris, un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 25 mai 2000 a dit que l'article 119 du Traité instituant la Communauté économique européenne (devenue l'article 141 du Traité de l'Union européenne) affirmant le principe de l'égalité entre hommes et femmes s'appliquait aux régimes de retraite complémentaire et s'opposait à ce que ces régimes opèrent depuis le 17 mai 1990 une discrimination entre travailleurs masculins et travailleurs féminins au regard de l'âge auquel leur conjoint pouvait bénéficier d'une pension de réversion à la suite du décès de ces travailleurs ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que l'égalité de traitement en matière de pensions professionnelles exigée par l'article 119 du Traité ne pouvait être invoquée que pour les prestations dues au titre de périodes d'emploi postérieures au 17 mai 1990 et que les caisses de retraite ne devaient être tenues de lui verser qu'une pension de réversion calculée sur les droits constitués par son épouse entre le 17 mai 1990 et le 3 décembre 1993 alors, selon le moyen, que l'article 119 du traité CEE, applicable aux régimes de retraite complémentaires, s'oppose à ce que ces régimes opèrent, depuis le 17 mai 1990, une discrimination entre travailleurs masculins et travailleurs féminins au regard de l'âge auquel leur conjoint peut bénéficier d'une pension de réversion à la suite du décès de ces travailleurs ; que le respect de l'article 119 ne saurait être assuré, pour la période comprise entre le 17 mai 1990 et la date à laquelle les organismes de retraite complémentaire ont rétabli l'égalité de traitement, que par l'octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée ; qu'il en résulte que le droit à pensions de réversion acquis par le veuf à raison du décès de son épouse au cours de cette période, dès lors qu'il remplissait la condition d'âge prévue par les régimes auxquels son épouse avait été affiliée pour le versement aux veuves d'un travailleur masculin d'une telle pension, doit être calculée selon les mêmes modalités que pour celles-ci ; qu'en estimant que la pension de réversion à laquelle avait droit M. Y... ne devait être calculée que sur les droits constitués par son épouse entre le 10 mai 1990 et le 3 décembre 1993, date de son décès, et non sur l'ensemble des droits qu'elle avait constitués auprès des régimes de retraite complémentaire en cause, la cour d'appel a violé l'article 119 du Traité CE ;
Mais attendu qu'ayant retenu que si la Cour de justice des communautés européenne avait précisé dans les arrêts Van Den Z... et A... du 28 septembre 1994 que tant que les Caisses n'avaient pas adopté de mesures propres à assurer l'égalité de traitement, l'application de l'article 119 du Traité instituant la CEE, désormais article 141 du Traité de l'Union européenne) conduisait à octroyer aux membres du groupe défavorisé les avantages du groupe favorisé, il résultait de l'arrêt B... du 17 mai 1990 que, pour des considérations impérieuses de sécurité juridique, l'égalité de traitement exigée par ce texte en matière de pensions professionnelles ne pouvait être invoquée que pour les prestations dues au titre de périodes d'emploi postérieures au 17 mai 1990, la cour d'appel en a exactement déduit que les Caisses étaient tenues de verser à M. Y... une pension de réversion dont le montant ne devait être calculé que sur les droits constitués par son épouse du 17 mai 1990 au 3 décembre 1993 ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. Y... et de l'Association des régimes de retraite complémentaire, de l'Association générale des institutions de retraite des cadres, de la Caisse de retraite par répartition des ingénieurs cadres et assimilés, de l'Union interprofessionnelle de retraite et d'industrie et du commerce et de la Caisse interprofessionnelle de retraite pour salariés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille cinq.