AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... a été engagée à compter du 21 septembre 1987 en qualité de secrétaire sténo-dactylographe au service comptabilité par la société la Technique Française de Nettoyage ;
que par lettre du 14 janvier 2000, l'employeur l'a informée qu'elle serait affectée à la direction industrielle, ce qu'elle a refusé ; que par lettre du 7 février 2000, il lui a proposé le maintien dans son poste à mi-temps, l'autre mi-temps s'effectuant au secrétariat de la direction industrielle ;
qu'elle a été licenciée le 16 mars 2000 pour avoir refusé cette affectation ;
qu'estimant avoir fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Paris, 17 décembre 2003) d'avoir dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné à payer diverses sommes à la salariée, alors, selon le moyen :
1 / que l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, changer les conditions de travail d'un salarié, et la circonstance que la tâche donnée à ce dernier soit différente de celle antérieurement dévolue, dès l'instant où elle correspond à la qualification atteinte dans le dernier emploi occupé, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ; que Mme X..., recrutée en 1987 en qualité de sténo-dactylo niveau 2 coefficient 145 de la convention collective des entreprises de propreté, avait atteint, en décembre 1999, la classification EA3 coefficient 215, tandis que Mme Y..., qui occupait le poste refusé par Mme X... à la direction industrielle, avait exactement la même qualification que Mme X..., et que Mme Z..., embauchée le 1er juin 2000 au secrétariat de la direction industrielle, avait un coefficient et une qualification inférieurs à ceux de Mme X...; qu'en ne recherchant pas dès lors, comme il était soutenu, si Mme X... ne disposait pas, grâce à son expérience et à la qualification atteinte treize ans après son embauche, des compétences requises pour occuper le poste de secrétaire à la direction industrielle, ce dont il découlait que cette affectation constituait un simple changement des conditions de travail de la salariée que cette dernière n'était pas fondée à refuser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
2 / que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que le juge ne peut apprécier le caractère réel et sérieux des motifs y énoncés en fonction de circonstances de plusieurs mois postérieures à la rupture du contrat ; qu'en énonçant que l'exécution du contrat de travail de Mme X... aurait été rendue impossible par le transfert de Paris à Wissous (91), à compter du mois de novembre 2000, de la direction industrielle où elle devait être partiellement affectée, la cour, non seulement s'est fondée sur une circonstance postérieure de près d'un an à la décision prise par la société La Technique Française de Nettoyage de réorganiser ses services comptabilité et direction industrielle en changeant partiellement l'affectation de Mme X... mais encore a présumé de ce que ce futur changement de lieu de travail, totalement étranger au motif du licenciement, aurait constitué une modification du contrat et rendu impossible son exécution ; qu'en se fondant sur une telle circonstance, la cour a violé les articles L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que les fonctions proposées à la salariée étaient celles d'une assistante de direction et ne correspondaient pas à sa qualification de secrétaire sténo-dactylographe, a pu décider que le contrat de travail avait été modifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Technique Française de Nettoyage aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société La Technique Française de Nettoyage à payer à Mme X... la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille cinq.