AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu que la société Jikaf, qui avait été assignée en référé par l'Union des opticiens-France (UDO) le 2 février 2001, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes,19 décembre 2002) de l'avoir condamnée, sous astreinte, à cesser la vente de solutions pour lentilles oculaires de contact, alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article 665-9-1 ancien du Code de la santé publique, introduit par la loi du 1er juillet 1998, les dispositions autres que celles du Livre II bis et du Livre V bis de ce même Code relatives à la mise sur le marché de dispositif médicaux cessent de s'appliquer à compter du 14 juin 1998 ; que les dispositions des articles L. 512 et L. 512-1 anciens, qui figurent au Livre V du Code de la santé publique et qui réservent aux pharmaciens et aux opticiens-lunetiers la vente de produits destinés à l'entretien ou à l'application des lentilles oculaires de contact, sont des dispositions relatives à la mise sur le marché de ces produits ; que ces dispositions ont donc cessé de s'apliquer à compter du 14 juin 1998 ; qu'en considérant que les articles L. 512 et L. 512-1 précités ne font pas partie des textes abrogés par la loi du 1er juillet 1998, pour en déduire que la société LRMD ne pouvait procéder à la vente de solutions pour lentilles de contact, la cour d'appel a violé les articles L. 665-9-1, L. 512 et L. 512-1 anciens du Code de la santé publique ;
2 / qu'il appartient aux juges du fond de faire application d'office des dispositions nouvelles d'ordre public après avoir invité les parties à présenter leurs observations ; que l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000, relative à la partie législative du Code de la santé publique, a repris les dispositions des articles L. 512 et L. 512-1 anciens aux articles L. 4211-1 et L. 4211-4, bien que ces dispositions aient cessé de s'appliquer à compter du 14 juin 1998 en vertu de l'article L. 665-9-1 ; que l'ordonnance du 15 juin 2000, ayant une nature réglementaire, a en conséquence été adoptée en violation de la loi d'habilitation n° 99-1071 du 16 décembre 1999, imposant une codification à droit constant ; qu'en s'abstenant de soulever d'office l'application de ces nouvelles dispositions et d'inviter la Société européenne de diffusion à présenter ses observations, ce qui aurait permis à celle-ci d'invoquer l'exception d'illégalité et de demander un renvoi préjudiciel devant la juridiction administrative, la cour d'appel a violé les articles L. 512, L. 512-1 et L. 665-9-1 anciens du Code de la santé publique, les articles L. 4211-1 et L. 4211-4 du Code de la santé publique introduit par l'ordonnance du 15 juin 2000 et l'article 1er de la loi d'habilitation n° 99-1071 du 16 décembre 1999, ensemble les articles 12 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que l'existence d'un monopole sur la vente de certains produits autres que des médicaments aux pharmaciens et opticiens, par le fait qu'il canalise les ventes, est susceptible d'affecter les possibilités de commercialisation des produits importés ; qu'à ce titre, il peut constituer une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation ;
qu'en conséquence, les juridictions nationales sont tenues de vérifier si l'existence de ce monopole peut être justifiée soit par la protection de la santé publique, soit par celle des consommateurs ; qu'en se bornant à affirmer que le produit en cause ayant trait à la correction d'une fonction propre à l'organisme humain, sa commercialisation pouvait être valablement réservée à une catégorie professionnelle déterminée, sans rechercher concrètement si, s'agissant de ces produits, le marquage "CE" constituait une garantie suffisante au regard des impératifs de santé publique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 28 et 30 du Traité instituant la Communauté européenne, ensemble l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu'en se bornant à affirmer que le grief d'une aide illicite à un réseau de distribution n'apparaît fondé ni au regard du droit communautaire, ni au regard du droit interne, qui ne lui apparaît pas manifestement contraire, sans exposer les raisons pour lesquelles ce grief aurait été infondé, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, qu'à la date des faits litigieux, l'article L. 665-9-1 du Code de la Santé publique avait été abrogé par l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du Code de la santé publique et étaient seuls applicables les articles L. 4211-1 et L. 4211-4 du Code de la Santé publique réservant la vente des produits destinés à l'entretien des lentilles oculaires de contact aux pharmaciens et opticiens ; que, dès lors, le moyen pris en sa première branche est inopérant ; qu'ensuite, et contrairement aux énonciations de la seconde branche du moyen, la cour d'appel a fait application des articles L. 4211-1 et L. 4211-4 du Code de la Santé publique qui avaient été invoqués par les parties dans leurs conclusions ; qu'ainsi le moyen manque en fait ; qu'en outre, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée dès lors que ces dispositions s'appliquent sans discrimination aux produits nationaux, comme aux produits importés des autres Etats membres de la Communauté européenne et échappent ainsi au domaine d'application de l'article 28 du Traité instituant la Communauté européenne ; qu'enfin, en retenant, par motifs propres et adoptés, que le grief d'une aide illicite à un réseau de distribution n'apparaissait fondé ni au regard du droit communautaire dès lors que les règles en vigueur s'appliquaient sans discrimination tant aux produits nationaux qu'à ceux importés des autres Etats membres et qu'il n'était pas prouvé qu'elles favorisaient en droit et en fait les premiers au détriment des seconds, ni au regard du droit interne qui ne lui apparaissait pas manifestement contraire, la cour d'appel a motivé sa décision du chef critiqué par la dernière branche du moyen ; qu'il s'ensuit que le moyen, partiellement irrecevable, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jikaf aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Jikaf et la condamne à payer à l'Union des opticiens-France la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille cinq.