AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 341-4 du nouveau Code de procédure civile et l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que l'existence d'un procès entre l'expert judiciaire et l'une des parties constitue une cause péremptoire de récusation, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que le procès a été engagé avant ou après le début des opérations d'expertise ou selon qu'il puise sa raison d'être dans des faits étrangers ou non au déroulement des opérations ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'à l'occasion d'un litige opposant M. X... en qualité de bailleur à sa locataire, la société Style coiffure, une expertise judiciaire a été ordonnée et M. de Y...
Z... désigné en qualité d'expert ; que, lors d'une réunion d'expertise, l'expert a été victime d'une agression physique commise par M. X..., qui, sur plainte de la victime, a été condamné pour ces faits par un tribunal correctionnel ; que l'expert ayant poursuivi sa mission, M. X... a saisi le magistrat chargé du contrôle des expertises, à l'effet d'obtenir la récusation de l'expert sur le fondement des articles 234 et 341 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande de récusation, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, qu'il est incontestable que les opérations d'expertise, si elles devaient être poursuivies par M. de Y...
Z..., se dérouleraient dans un climat tendu compte tenu de cet incident ; que cependant il ne peut être considéré qu'il y a "procès" ou même "inimitié notoire " entre l'expert et M. X..., au sens de l'article 341 du nouveau Code de procédure civile, au vu des faits tels qu'ils sont rapportés ; que M. X... n'établit et n'allègue d'ailleurs pas qu'il y ait eu un différend personnel entre l'expert et lui, antérieurement à cet incident, et extérieur aux opérations d'expertise confiée à M. de Y...
Z... ; que les conditions de l'article 341 du nouveau Code de procédure civile, qui énumère de façon limitative les motifs pour lesquelles une mesure de récusation, nécessairement exceptionnelle, peut intervenir, ne sont pas réunies ; que l'interprétation contraire conduirait à permettre à toute partie souhaitant, pour n'importe quel motif, changer de juge ou d'expert, d'obtenir sa récusation en se saisissant de n'importe quel incident, au besoin créé par elle ; qu'ainsi, dès lors que l'agression et les violences, motifs du procès pénal entre l'une des parties et l'expert judiciaire, sont survenues postérieurement au début de l'expertise et à l'occasion de cette expertise, le cas de récusation prévu à ce texte n'est plus ouvert ;
Qu'en statuant ainsi, et à défaut d'avoir caractérisé, de la part de M. X..., une volonté de fraude au travers du dépôt de cette requête en récusation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Style coiffure et M. de Y...
Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille cinq.