AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2004) que titulaire d'une pension d'invalidité depuis le 3 novembre 1991, M. X..., ressortissant marocain résidant en France, bénéficiait également de l'allocation supplémentaire du Fonds spécial d'invalidité en considération de son niveau de ressources inférieur au plafond fixé pour les personnes mariées ; que la Caisse régionale d'assurance maladie lui a notifié le 28 novembre 2001 sa décision de réduire le montant de cette allocation avec effet au 1er novembre 2001, au motif qu'il était séparé de fait de son épouse restée vivre au Maroc, et que, par application de l'article R.815-30 du Code de la sécurité sociale, cette situation était assimilable à celle d'un célibataire pour l'appréciation de ses ressources ;
que la cour d'appel a fait droit au recours de l'intéressé ;
Attendu que la Caisse régionale d'assurance maladie fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :
1 / que les personnes séparées de fait ayant une résidence distincte depuis plus de deux ans sont assimilées aux célibataires pour l'appréciation du plafond des ressources à prendre en considération pour l'allocation supplémentaire ; qu'il n'en va autrement que si l'absence de cohabitation entre les époux résulte de circonstances étrangères à leur volonté ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X..., titulaire d'une pension d'invalidité depuis le 3 novembre 1991et n'exerçant plus, depuis lors, d'activité professionnelle en France, a fait le choix d'y demeurer, séparé de son épouse ; que pour juger que les époux ne pouvaient être considérés comme séparés de fait, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que le seul éloignement géographique n'impliquait pas la séparation de fait, qu'il subsiste des liens affectifs et matériels entre les époux, que M. X... se rend deux fois par an au Maroc et assure les besoins matériels de son épouse et qu'il suit un traitement psychiatrique en France ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme l'y invitait la Caisse, si M. X... n'était pas resté séparé de son épouse pour de pures convenances personnelles résultant d'un libre choix, ni caractériser l'existence de circonstances imposant la séparation des époux et notamment l'impossibilité pour l'assuré soit de recevoir un suivi médical identique au lieu de résidence de son épouse, soit de faire venir celle-ci en France, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.815-4, L.815-8 et R.815-30 du Code de la sécurité sociale ;
2 / que la résidence en France est une condition requise pour l'octroi de l'allocation supplémentaire ; que la majoration accordée à une personne mariée, dépendant des ressources des deux époux, ne peut donc être accordée que lorsque son conjoint réside en France ;
qu'en affirmant que l'inexportabilité de l'allocation supplémentaire ne faisait pas obstacle à l'octroi de la majoration, y compris lorsque le conjoint réside à l'étranger, la cour d'appel a violé les articles L.815-2, L.815-3 et L.815-4 du Code de la sécurité sociale ;
3 / que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'au soutien de sa demande, la CRAMIF faisait valoir que la situation de l'allocataire vivant séparé de son conjoint resté dans son pays d'origine devait être assimilée à celle d'un célibataire dans la mesure où l'impossibilité de contrôler les ressources des personnes résidant à l'étranger conduit à les déclarer systématiquement sans ressources et empêche le recouvrement des allocations sur successions, ce qui crée une discrimination entre les nationaux et les étrangers dont le conjoint réside à l'étranger ; qu'en omettant de répondre même succinctement à ce moyen déterminant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs certains et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la séparation de fait envisagée par l'article R.815-30 du Code de la sécurité sociale ne peut s'entendre du seul fait matériel de la résidence séparée des époux, mais qu'elle doit se manifester par la cessation entre eux de toute communauté de vie, tant matérielle qu'affective ; qu'en outre il résulte de l'article L.815-4 du même Code, alors en vigueur, que la situation matrimoniale du demandeur n'étant prise en compte que pour l'évaluation de l'allocation personnellement attribuée à celui-ci, le versement de la majoration accordée à une personne mariée n'est pas subordonnée à la résidence de son conjoint sur le territoire français ;
Et attendu que les constatations des juges du fond caractérisent entre M. X... et son épouse le maintien, malgré leurs résidences distinctes, d'une communauté de vie excluant leur séparation de fait; que la cour d'appel qui n'était pas tenue de répondre au simple argument tiré des difficultés d'enquête et de recouvrement alléguées, en a exactement déduit que la situation du mari ne relevait pas de l'application du plafond de ressource applicable aux célibataires et que l'allocation supplémentaire litigieuse devait être maintenue au montant initialement fixé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille cinq.