AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., engagé le 1er janvier 1987 par la société Soluc, société Luzienne de comptabilité, en qualité d'assistant confirmé, a été licencié pour faute grave le 3 avril 1998 ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Pau, 23 juillet 2002) d'avoir dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes indemnitaires à ce titre, alors, selon le moyen, que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent le cadre du débat ; que s'il résulte des termes de cette lettre que l'employeur a reproché au salarié des fautes et prononcé un licenciement disciplinaire, les juges du fond doivent se prononcer sur le caractère fautif ou non du comportement du salarié ;
qu'en l'espèce, pour justifier le licenciement disciplinaire, la société Soluc s'était prévalue d'erreurs commises par lui dans le traitement du dossier de deux clients du cabinet ; qu'en retenant, pour dire fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié, la réalité des erreurs qui lui étaient reprochées, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur le caractère fautif ou non de ces erreurs, a violé l'article L. 122-14-2 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, contrairement au moyen, ne s'est pas bornée à constater la matérialité des faits reprochés, mais a relevé que les erreurs commises par le salarié lors d'opérations qui ressortaient de sa compétence et de sa charge étaient susceptibles d'avoir des incidences sur la situation fiscale des clients de l'entreprise, a par là-même caractérisé la faute ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 122-14 du Code du travail, ensemble les articles 641 et 642 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, en l'absence d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié a la faculté de se faire assister par un conseiller de son choix et l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation ou sa remise en main propre ; qu'il résulte du deuxième que lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de la notification qui le fait courir ne compte pas ;
qu'aux termes du troisième, tout délai expire le dernier jour à 24 heures ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la convocation à l'entretien préalable fixé au mercredi 11 mars 1998 a été envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception le jeudi 5 mars et présentée le vendredi 6 mars, que le fait qu'il n'ait pu retirer la lettre recommandée que le samedi 7 mars n'a aucune incidence sur la régularité de la procédure en l'absence de grief ou de volonté délibérée de nuire à ses droits ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de convocation avait été présentée le vendredi 6 mars, en sorte que le délai de cinq jours n'était pas expiré à la date de l'entretien préalable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1134 du Code civil et L. 212-5 du Code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient, qu'il a reçu de manière constante une rémunération supérieure au salaire conventionnel, qui compensait largement les horaires effectués et que la pratique dérivant de l'application de la Convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables aboutissait à un aménagement mensuel du salaire pour tenir compte de la répartition inégale de l'horaire de travail sur l'année ;
Qu'en statuant ainsi, alors que sauf s'il est rémunéré par un forfait incluant des heures supplémentaires, le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires effectuées, et que l'existence d'une telle convention ne peut se déduire ni du fait qu'il perçoive un salaire supérieur au minimum conventionnel, ni de l'absence de réclamation pendant la durée des relations contractuelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité pour irrégularité de la procédure et au titre de rappel d'heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 23 juillet 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Soluc aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille cinq.