AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi à l'égard de Mme Y..., de M. Z... et de la BNP Paribas Lease group ;
Attendu que, selon actes des 12 et 26 janvier 1990, M. A..., notaire, a dressé un état descriptif de division d'un immeuble dit "Vieux Château de Moissac", attribuant à Mme Y... les lots 26, 33 et 37 ; que, selon acte instrumenté par le même notaire le 4 avril 1990, les consorts B... ont cédé un certain nombre de lots de cet immeuble à la société International Property Investment "IPI" ; que, par acte du 11 décembre 1992, M. X..., notaire, a procédé, à la demande des consorts B..., à une rectification de l'état descriptif, ces derniers certifiant dans l'acte que c'était à tort et par erreur que dans l'état descriptif établi les 12-26 janvier 1990, il avait été indiqué que les lots 26, 33 et 37 appartenaient à Mme Y... alors qu'en réalité, ces lots étaient encore à ce jour leur propriété ; que, le même jour, le notaire a instrumenté la vente consentie par les consorts B... à la société IPI de ces trois lots, en complément de la vente du 4 avril 1990 ; que M. C..., notaire, a reçu, quant à lui, le 15 avril 1993, en concours avec M. X..., la vente par la société IPI à la SCI la Florentine, de divers lots de l'immeuble dont les lots 26, 33 et 37 ; que Mme Y... a assigné la SCI la Florentine et M. X... pour faire juger qu'elle était propriétaire des lots 26, 33 et 37 de l'immeuble, juger que l'acte du 11 décembre 1992 lui était inopposable et obtenir diverses sommes en réparation de son préjudice ; que la SCI la Florentine, qui avait acquis le bien litigieux de la société IPI, a appelé son auteur en garantie ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident de M. B..., pris en sa qualité d'hériter de Mme B..., tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu qu'ayant relevé que M. D... déclarait qu'en 1949, il avait loué aux époux E..., parents de Mme Y..., un appartement qu'il avait occupé jusqu'en novembre 1956, dont l'une des deux chambres était située dans le corps du vieux château ; que Mme F... indiquait qu'il était de notoriété publique que Mme G..., grand-mère de Mme Y..., possédait une pièce dans le château faisant partie de son appartement qui jouxtait le château et que, de 1949 à 1956, elle avait rendu visite à une amie dont les parents avaient loué ledit appartement ;
qu'il résultait par ailleurs des opérations expertales qu'en 1979, Mme Y... avait transformé et aménagé les appartements du rez-de-chaussée et du premier étage, qu'un métreur avait dressé les plans de ces transformations, lesquels comportaient les deux pièces litigieuses, alors occupées par Mme Y..., que ces éléments étaient confortés par l'état descriptif de division de 1990 qui retenait la propriété de Mme Y... pour les lots 26, 33 et 37, que la possession de cette dernière était encore confirmée par les baux d'habitation qu'elle avait consentis à titre de propriétaire en 1991 et 1992 et qui s'étaient poursuivis jusqu'à l'expulsion de fait de ses locataires en 1993, la cour d'appel, qui a relevé l'existence d'actes matériels caractérisant une possession exempte de vices, accomplis à titre de propriétaire par Mme Y... ou ses auteurs sur les trois lots pendant plus de 30 ans, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal de M. X... :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour condamner in solidum M. X..., Mme B... et la société IPI à payer à la SCI La Florentine une somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, l'arrêt attaqué retient que le notaire avait commis une faute en dressant l'acte rectificatif du 11 décembre 1992 sans appeler à y participer Mme Y... et au seul vu d'un état cadastral, que les consorts B... avaient également commis une faute en reconnaissant dans un premier temps la propriété de Mme Y... sur les lots litigieux, pour ensuite faire rectifier, hors sa présence, l'acte de division, en prétendant qu'il s'agissait d'une erreur ; que l'arrêt retient ensuite que la responsabilité de la société IPI était incontestable dans la mesure où, informée de la situation, elle avait délogé par la force les locataires de Mme Y... après lui avoir offert d'acheter les biens litigieux et avait participé à l'acte du 11 décembre 1992 ; que l'arrêt retient enfin que les fautes commises par M. X..., les consorts B... et la société IPI étaient en relation directe de cause à effet avec le préjudice subi par la société La Florentine résultant de l'annulation de la vente et de la dépossession des trois lots litigieux et qu'il convenait de condamner in solidum M. X..., Mme B... et la société IPI représentée par son liquidateur amiable au paiement de la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de la dépossession des trois lots litigieux et de son préjudice moral ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la restitution du prix de vente à l'acheteur partiellement évincé ne présente pas un caractère indemnitaire, et sans rechercher si une telle condamnation était justifiée par l'insolvabilité de la société venderesse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande en garantie de Mme B... à l'encontre de M. X... et de la société IPI, l'arrêt retient qu'il apparaît que le notaire avait commis une faute en dressant l'acte rectificatif du 11 décembre 1992 sans appeler à y participer Mme Y... et au seul vu d'un état cadastral, que les consorts B... avaient également commis une faute en reconnaissant dans un premier temps la propriété de Mme Y... sur les lots litigieux, pour ensuite faire rectifier, hors sa présence, l'acte de division, en prétendant qu'il s'agissait d'une erreur ;
que l'arrêt retient ensuite que la responsabilité de la société IPI était incontestable dans la mesure où, informée de la situation, elle avait délogé par la force les locataires de Mme Y... après lui avoir offert d'acheter les biens litigieux et a participé à l'acte du 11 décembre 1992 ;
que l'arrêt retient enfin que les fautes commises par M. X..., les consorts B... et la société IPI étaient en relation directe de cause à effet avec le préjudice subi par la société la Florentine résultant de l'annulation de la vente et de la dépossession des trois lots litigieux ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le notaire avait satisfait à son obligation de conseil en informant Mme B..., au moment de la rédaction de l'acte portant rectification de l'attestation du 2 octobre 1972, des conséquences juridiques liées aux contradictions apparaissant entre les titres de propriété et l'occupation de l'immeuble, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs des pourvois principal et incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant M. X..., in solidum avec Mme B... et la société IPI, à payer à la SCI La Florentine la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts et rejetant la demande en garantie formée par Mme B... à l'encontre de M. X..., l'arrêt rendu le 20 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille cinq.