AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2002), que la société en nom collectif Les Presles a acquis en 1993 un terrain à bâtir sous le bénéfice du régime de la TVA immobilière prévu par l'article 257-7 du Code général des impôts en prenant l'engagement de construire dans un délai de quatre ans ; qu'à défaut d'avoir respecté cet engagement, un redressement substituant les droits d'enregistrement au régime fiscal initialement appliqué lui a été notifié ; qu'après sa mise en recouvrement, la société a formé une réclamation en sollicitant que l'intérêt de retard soit calculé au taux légal, et a contesté le rejet de celle-ci devant le tribunal, qui a accueilli sa demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Octogone immobilier (la société), venant aux droits de la société en nom collectif Les Presles, fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement, alors, selon le moyen :
1 / que la loi sur l'usure est un texte de portée générale qui s'applique à l'ensemble des intérêts destinés à compenser le retard subi par le créancier à encaisser sa créance ; qu'en conséquence, l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du Code général des impôts, au taux fixe de 0,75 % par mois, ne saurait y déroger ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 313-3 et L. 313-4 du Code de la consommation ;
2 / qu'en s'abstenant de préciser quel préjudice indépendant du retard, l'intérêt prévu par l'article 1727 du Code général des impôts aurait vocation à compenser, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs constitutive d'un défaut de base légale ;
3 / que le taux de l'intérêt de retard ne saurait différer de celui de l'intérêt légal sans opérer une discrimination entre le contribuable et l'Etat, contraire à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé ledit article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de faire une recherche qui ne lui était pas demandée, n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 313-3 et L. 313-4 du Code de la consommation applicables aux seuls prêts conventionnels et crédits accordés à l'occasion de vente à tempérament et non au taux d'intérêt fixé par la loi pour compenser le préjudice subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif de sa créance ;
Attendu, en second lieu, que le moyen, qui ne précise pas le droit ou la liberté reconnu par la Convention dont la jouissance n'aurait pas été assurée conformément aux dispositions de l'article 14 de celle-ci du fait de l'existence d'une différence entre le taux de l'intérêt de retard et le taux légal, est inopérant ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Et, sur le second moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement, alors, selon le moyen, que l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du Code général des impôts, d'un taux de 9 % par an, par son caractère dissuasif et en raison de l'absence de réciprocité du taux applicable en cas de restitution ou de dégrèvement, n'est pas la réparation d'un préjudice pécuniaire subi par le Trésor mais constitue une véritable pénalité au sens de l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
qu'en affirmant que les règles applicables au présent litige ne méconnaissaient pas ledit article, la cour d'appel a violé l'article 6 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'intérêt de retard, qui a pour objet la réparation du préjudice subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif de sa créance, distinct d'autres préjudices qui peuvent être éprouvés par celui-ci ou par les contribuables à raison de circonstances différentes, et qui, compte tenu de sa finalité réparatrice, ne vise pas à punir même s'il peut être dissuasif, ne constitue pas une sanction susceptible de justifier la mise en oeuvre des garanties résultant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors la cour d'appel a statué, à bon droit, comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Octogone immobilier aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille cinq.