AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 15 avril 2002), que la société Somaf (l'importateur), qui a importé diverses marchandises en Guadeloupe de 1997 à 1999, a fait assigner le receveur principal des Douanes de Pointe-à-Pitre en restitution de l'octroi de mer et du droit additionnel à l'octroi de mer qu'elle avait acquittés à cette occasion ;
Sur le premier et le deuxième moyens, réunis :
Attendu que l'importateur reproche à l'arrêt d'avoir admis l'intervention volontaire du directeur général des Douanes aux lieu et place du receveur principal des Douanes de Pointe-à-Pitre et, en conséquence, d'avoir prononcé la mise hors de cause de ce dernier, ainsi que d'avoir constaté la prescription de l'action en restitution concernant les droits acquittés antérieurement au 17 mars 1997, alors, selon le moyen :
1 / que le remboursement ou la remise des droits à l'importation ou à l'exportation est accordé sur demande déposée auprès du bureau des douanes concerné ; qu'à défaut de suite utile à la demande, l'action en justice doit être dirigée contre le receveur principal à qui les droits indus ont été versés ; que le receveur principal a donc qualité pour représenter l'administration ; qu'en déclarant recevable l'intervention volontaire du directeur général des douanes aux lieu et place du receveur principal des douanes de Pointe-à-Pitre et en mettant celui-ci hors de cause, la cour d'appel a violé l'article 236 2 du Code des douanes communautaires, ensemble les articles 328 et suivants du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'article 236, paragraphe 2, du Code des douanes communautaire fixe le point de départ de la prescription triennale à la date de la formulation de la demande de restitution auprès de l'administration douanière et non pas à la date de l'assignation ; que ces dispositions doivent l'emporter sur celles des articles 352 et 355 du Code des douanes ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 236 paragraphe 2 du Code des douanes communautaires ;
3 / qu'aucune disposition du droit national ne prévoit que l'assignation judiciaire est la seule formalité procédurale utile à retenir pour apprécier la prescription ; qu'il ne résulte nullement de l'article 355 du Code des douanes, que seule l'assignation judiciaire interrompt le cours de la prescription triennale ; que ce texte prévoit simplement la substitution de la prescription trentenaire aux prescriptions de courte durée lorsque, avant l'expiration des prescriptions de courte durée, il y a demande formée en justice ; qu'en retenant que l'assignation judiciaire est la seule formalité procédurale à retenir pour apprécier la prescription, la cour d'appel a violé l'article 355 du Code des douanes ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a décidé à bon droit que le Code des douanes communautaire, qui résulte de la codification des dispositions de droit douanier communautaire, dont le règlement CEE 1430/79 du 2 juillet 1979, qui a été jugé par arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 14 janvier 1997 (Comateb) non applicable aux droits, impôts et taxes nationaux, même s'ils sont perçus en violation du droit communautaire, ne concerne que l'application des mesures tarifaires et autres instaurées sur le plan communautaire dans le cadre des mouvements de marchandises entre la Communauté et les pays tiers, de sorte que l'article 236 du Code des douanes communautaire devait être écarté ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'a pas dit que l'assignation judiciaire est la seule formalité procédurale à retenir pour apprécier la prescription mais que la prescription triennale ne saurait être intervertie en prescription trentenaire que par l'action en justice visée à l'article 355 du Code des douanes ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que l'importateur reproche enfin à l'arrêt d'avoir rejeté le surplus de sa demande en restitution de taxes d'octroi de mer indues et de ses demandes complémentaires, alors, selon le moyen :
1 / que dans le cadre de l'instance préjudicielle Chevassus-Marche ayant conduit à sa décision du 19 février 1998, la Cour de justice des communauté européenne n'a pas été saisie de la question de la compétence institutionnelle de l'auteur de la décision n° 89-688 du 22 décembre 1989 ; que la Cour de justice des communauté européenne n'a été saisie et ne s'est prononcée que sur la question précise de la "conformité de l'article 2 3 de la décision du 22 décembre 1989 au Traité, en ce qu'il autorise l'exonération totale des produits des DOM par rapport à ceux importés ou, à tout le moins, opère une différenciation entre ces deux catégories de produits, en ce qui concerne le taux" ; qu'elle y a répondu en disant que "l'examen de la décision ... en ce qu'elle autorise un système d'exonération ... assorti de conditions strictes qu'elle prévoit, n'a fait apparaître aucun élément de nature à affecter sa validité" ; qu'en écartant la nouvelle saisine préjudicielle suggérée par la requérante, au motif que la CJCE a déjà examiné la compétence institutionnelle du Conseil CEE, en 1989, à édicter la norme communautaire critiquée, la cour d'appel a méconnu les règles de procédure propre au renvoi préjudiciel, et privé sa décision de base légale ;
2 / qu'il résulte de l'article 235 du Traité de Rome, et de la jurisprudence subséquente, que cet article est un texte de compétence subsidiaire, qui ne permet au Conseil de prendre certaines mesures pour atteindre les objectifs de la Communauté, que si le Traité n'a prévu aucun moyen d'action pour ce faire ; qu'en l'espèce, le Traité avait bien prévu des moyens d'action pour ce faire en 1957 et, qu'en réalité, ceux-ci n'ont pas été utilisés dans les délais prévus ; qu'en retenant que la décision du Conseil CEE n° 89-688 a valablement été adoptée sur le double fondement des articles 227 2 et 235 du Traité de Rome, la cour d'appel a par conséquent violé l'article 235 du Traité ;
3 / que la décision n° 89-688 du Conseil CEE du 22 décembre 1989 servant de fondement à la loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 instituant le nouveau régime de taxes en vigueur depuis le 1er janvier 1993, est constitutive d'une dérogation à l'article 95 du Traité de Rome qui, passé le délai de deux ans prévu en 1957 au deuxième alinéa de l'article 227 2 du Traité, et au regard des règles pertinentes du Traité de Rome sur le partage de compétence institutionnelle de chacune des institutions de la Communauté, ne pouvait valablement être prise par le Conseil en 1989 ; qu'en l'espèce l'exposante a développé ce moyen dans ses conclusions depuis la première instance et a fait valoir par ailleurs que la démonstration de cette incompétence institutionnelle en 1989 résulte de l'examen des débats parlementaires ayant conduit à la réforme d'Amsterdam de 1998, entrée en vigueur sans portée rétroactive le 1er mai 1999 ; qu'en répondant comme elle l'a fait à ces conclusions d'appel dirimantes, de nature à justifier au moins une saisine préjudicielle en interprétation de certains points de l'arrêt Chevassus-Marche de la CJCE en date du 19 février 1998, la cour d'appel a méconnu les dispositions du droit communautaire applicables en l'espèce, notamment les articles 4 1, deuxième alinéa, 227 2, deuxième alinéa, et 235 du Traité de Rome, et privé sa décision de base légale ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article 177 du Traité instituant la Communauté européenne devenu article 234 CE ne s'impose au juge national que si la Cour de Justice des communautés européennes n'a pas éclairé les juridictions des Etats membres sur le point en litige, l'arrêt retient que, par deux arrêts successifs, le premier du 19 février 1998 (arrêt Chevassus-Marche), complété par celui du 30 avril 1998 (arrêt Sodiprem), la Cour de justice s'est prononcée sur la validité de la décision du Conseil du 22 décembre 1989 au regard du système d'exonération qu'elle prévoit et sur les critères auxquels devaient se référer les juridictions nationales dans lappréciation de la mise en oeuvre de cette décision par le législateur français le 17 juillet 1992 et a dit pour droit, notamment dans le premier arrêt, après avoir énoncé qu'il convenait d'examiner si le Traité permet au Conseil d'autoriser un système d'exonération de la production locale, puis observé qu'en application des dispositions de l'article 227, paragraphe 2, du Traité devenu, après modification, article 299, paragraphe 2, CE, des dispositions particulières pouvaient être prises pour permettre l'application des principes communautaires dans les départements d'outre-mer, en tenant compte des exigences spécifiques de ces départements, que la décision critiquée était régulière en ce qu'elle assortissait de conditions strictes un système d'exonération de la taxe d'octroi de mer, tel que prévu par la décision du 22 décembre 1989, assortie d'une procédure de contrôle par la Commission ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont elle a déduit que la compétence institutionnelle du Conseil pour adopter cette décision n'avait pas été déniée par la Cour de justice, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de recourir à la procédure du renvoi préjudiciel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'a pas dit que la décision du Conseil CEE n° 89-688 avait été valablement adoptée sur le double fondement des articles 227 2 et 235 du Traité de Rome ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Somaf aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Somaf à payer au Directeur général de l'administration des douanes et droits indirects la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille cinq.