La Commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du Code de procédure pénale, a rendu la décision suivante :
Statuant sur le recours formé par :
- M. Laurent X...,
contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Amiens en date du 2 novembre 2004 qui lui a alloué une indemnité de 10.000 au titre de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du Code précité ;
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 24 juin 2005, en l'absence de l'intéressé et de son avocat ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de M. Delarue, avocat au Barreau d'Amiens représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de Cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Gailly, les observations de Mme Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Finielz ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION :
Attendu que par décision du 2 novembre 2004, le premier président de la cour d'appel d'Amiens a alloué à M. X... une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral, à raison d'une détention provisoire de 325 jours, effectuée du 2 décembre 1998 au 16 juin 1999 et du 29 juillet 2003 au 10 décembre 2003 ;
Attendu que M. X... a régulièrement formé un recours contre cette décision pour obtenir la somme de 15.600 euros en indemnisation de son préjudice moral, 3.174 euros en indemnisation de son préjudice économique et 1500 euros au titre des frais engagés pour sa mise en liberté ;
Sur le préjudice matériel :
Attendu que pour rejeter sa demande en indemnisation du préjudice matériel le premier président retient que M. X... ne justifie pas qu'il occupait un emploi rémunéré avant sa première incarcération ; que, postérieurement, il n'a travaillé que jusqu'au 2 avril 2003 et qu'en conséquence sa détention ne lui a pas perdre le bénéfice d'un emploi ;
Attendu que M. X... produit des fiches de salaire attestant qu'il a travaillé régulièrement en intérim avant sa première incarcération et dès sa sortie jusqu'à sa réincarcération ; il explique que ce dernier événement a mis fin au processus d'insertion professionnel engagé et lui a fait perdre une chance d'obtenir une situation professionnelle ; la somme qu'il demande est fixée sur la base d'un indemnité quotidienne de 23 pendant 138 jours travaillés ;
L'agent judiciaire du Trésor s'oppose à sa demande soulignant qu'aucune des pièces produites ne permet d'établir qu'il a perdu un emploi en raison des mises en détention dont il a fait l'objet ;
Attendu que la situation sociale de M. X..., son âge et les pièces produites établissent que sa détention lui a fait perdre une chance de percevoir des ressources, préjudice qui doit être réparé ; qu'il sera fait droit à ce titre à sa demande à hauteur de 3.174 euros ;
Sur le préjudice moral :
Attendu que le premier président a fixé à 2.000 euros l'indemnité réparant le préjudice moral de M. X... en prenant en compte les multiples périodes d'emprisonnement antérieurement effectuées par lui ;
Attendu que le requérant soutient que son passé carcéral n'a pas fait disparaître le préjudice moral découlant de cette détention ; que ses conditions difficiles dues à la nature des faits qui lui étaient reprochés et sa double incarcération sont des éléments qui ont aggravé son préjudice ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor demande la confirmation de la décision du premier président ;
Attendu que, pour apprécier l'importance de ce préjudice, le premier président a pertinemment pris en compte les précédents emprisonnements du demandeur qui ont eu pour effet de réduire, à son égard, les conséquences du choc carcéral ; que toutefois, l'âge de M. X... au moment de ses deux incarcérations (20 ans et 25 ans), et la durée de celle-ci (325 jours) subie au cours de deux périodes entrecoupées d'une période de liberté de plus quatre ans et les conditions difficiles de détention dues à la nature des faits reprochés justifient que l'indemnité assurant la réparation intégrale de son préjudice moral soit fixée à 16.500 euros ;
Sur le remboursement des frais d'avocat :
Attendu que M. X... sollicite le remboursement d'une somme de 1.500 euros au titre des frais d'avocat liés à sa détention et produit une facture, datée du 29 mars 2004, et intitulée " frais et honoraires factures et dûment réglés par M. X... au titre du contentieux de la liberté " ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut au rejet de cette demande au motif que cette pièce a été établie pour les besoins de la procédure ;
Attendu que la facture produite mentionne spécifiquement qu'elle correspond à des actes liés au contentieux de la détention ; que si elle ne répond pas entièrement aux exigences de l'article 245 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 relatif aux factures établies par les avocats , les pièces produites, relatives aux recours introduits pour obtenir sa mise en liberté confirment l'existence des diligences effectuées ; qu'en conséquence la demande M. X... à ce titre doit être acceptée ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours de M. Laurent X... et statuant à nouveau ;
LUI ALLOUE la somme de 16.500 (seize mille cinq cent euros) au titre de son préjudice moral, de 3.174 (trois mille cent soixante quatorze euros) en réparation de son préjudice matériel et 1.500 en remboursement des frais d'avocat engagés ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique par la Commission nationale de réparation des détentions, le 23 septembre 2005 où étaient présents : M.Gueudet, président, Mme Gailly, conseiller rapporteur, M. Breillat, conseiller, M. Finielz, avocat général, Mme Grosjean, greffier. En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier.