AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Péchiney-Rhenalu (la société), a été affecté à l'atelier central de réparation en qualité de mécanicien ajusteur de 1968 à 1972, puis de 1974 à 1988 ; qu'ayant été reconnu atteint d'une maladie professionnelle figurant au tableau n° 30 B, avec un taux d'IPP fixé en dernier lieu à 20 %, il a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré non-prescrite l'action en reconnaissance de faute inexcusable, alors, selon le moyen :
1 / que les conclusions de l'exposante faisaient valoir que le délai de prescription devait être calculé à compter du premier acte par lequel était établi le lien entre le l'affection et l'activité professionnelle, soit à partir du compte rendu du scanner du 22 octobre 1998, et que la société concluante faisait sommation de communiquer cette pièce afin "que la Cour puisse déterminer en connaissance de cause le point de départ de la prescription biennale" ; que viole les articles 11 et 16 du nouveau Code de procédure civile ainsi que l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme l'arrêt qui compute le délai de prescription à compter seulement du certificat médical du docteur Y... du 18 décembre 1998 et se contente d'énoncer que "s'il résulte des documents médicaux que M. X... a subi un scanner thoracique le 22 octobre 1998 qui a mis en évidence l'existence d'épaississements pleuraux , il n'est pas établi que cet examen, dont aucun compte rendu n'est produit, ait attribué cette pathologie à l'activité professionnelle du patient" ;
2 / que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui ne répond pas aux conclusions de l'exposante faisant valoir, comme l'établissait le rapport du docteur Z..., que le lien entre l'affection et l'activité professionnelle de M. X... remontait au 22 octobre 1998, date à laquelle avait été délivré le compte rendu du scanner thoracique ;
3 / que le point de départ de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, être reporté à la date de la prise en charge de la maladie professionnelle, une telle solution découlant de la loi du 21 décembre 2001, non-applicable au cas où, comme en l'espèce, la prescription était déjà définitivement acquise lors de la promulgation de ce dernier texte ;
Mais attendu que le délai de prescription ne peut commencer à courir qu'à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ou de l'accident ; que la cour d'appel qui a constaté que M. X... avait saisi la caisse primaire d'assurance maladie d'une demande de mise en oeuvre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur le 26 octobre 2000, après que celle-ci ait, par décision du 15 décembre 1999, reconnu le caractère professionnel de cette affection, a ainsi fait ressortir que la prescription invoquée n'était pas acquise ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle s'était rendue coupable d'une faute inexcusable, et de l'avoir condamnée à rembourser la majoration de rente versée par la CPAM, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que la société exposante n'avait recours aux équipements d'amiante qu'en tant que simple usager, comme matériaux de protection des tôles d'aluminium à l'intérieur des fours de détrempe et qu'elle se bornait à effectuer des travaux d'équipement, d'entretien ou de maintenance sur des matériels ou des locaux revêtus ou contenant des matériaux à base d'amiante ; que ce type d'activité n'a été mentionné au tableau n° 30 des maladies professionnelles qu'à compter du décret n° 96-446 du 22 mai 1996 de sorte que prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale la Cour qui se fonde sur les précautions de sécurité mises en place par l'entreprise et qui anticipaient sur la réglementation pour affirmer qu'elle avait pleine connaissance du danger ;
2 / qu'en énonçant que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie suffirait à "caractériser le manquement de la société Péchiney-Rhenalu à l'obligation de sécurité de résultat pesant sur elle", l'arrêt attaqué, qui perd totalement de vue la nécessité de caractériser une faute pour justifier l'allocation des prestations complémentaires prévues par les articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale et qui institue, en réalité, une présomption de faute inexcusable basée sur la seule existence de la maladie professionnelle, viole ensemble les textes susvisés et l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que le manquement à l'obligation de sécurité de résultat dérivant du contrat de travail a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la seconde branche du moyen, caractérisant le fait que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger, et qu'il n' a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, la cour d'appel a pu en déduire que la société avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir d'avoir dit que la majoration de rente versée à M. X... serait payée par la CPAM qui en récupérerait le montant auprès de la société Péchiney, alors, selon le moyen, que viole les articles L. 461-2, D. 242-6-3 du Code de la sécurité sociale et l'arrêté du 16 octobre 1995 l'arrêt qui condamne la société exposante à rembourser à la sécurité sociale les majorations de rente nonobstant les dispositions du texte susvisé qui reportent sur le compte spécial les majorations versées à l'occasion d'une maladie inscrite au tableau n° 30 des maladies professionnelles postérieurement à la fin de l'exposition du salarié au risque ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt attaqué que la société ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'elle fait valoir au soutien de son moyen ; que celui-ci est par conséquent nouveau, et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;
Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen, qu'en ordonnant à la société Péchiney-Rhenalu de rembourser à la CPAM la majoration de rente versée par celle-ci à M. X..., la Cour s'est immiscée incompétemment dans une question de tarification qui échappe à sa juridiction et viole l'article L. 143-1 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'en énonçant que la majoration de rente serait payée par la Caisse primaire d'assurance maladie qui en récupérerait le montant auprès de l'employeur, la cour d'appel, à qui il n'appartenait pas de le faire, n'a pas statué sur l'existence, le taux et la durée d'une éventuelle cotisation complémentaire ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Péchiney-Rhenalu aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Péchiney-Rhenalu à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille cinq.