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12/07/2005 | FRANCE | N°01-17753

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 juillet 2005, 01-17753


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Poitiers, 6 novembre 2001), que, le 20 juin 1994, le receveur principal des douanes de La Rochelle-Pallice a émis à l'encontre de la Coopérative des vignerons de l'Ile-de-Ré, de M. Denis X... et de l'EARL Guy Videau (les exploitants agricoles) des avis de mise en recouvrement des droits de consommation sur le Pineau des Charentes ; qu'après le rejet de leurs

réclamations présentées contre ces avis de mise en recouvrement, ces dern...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier et le second moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Poitiers, 6 novembre 2001), que, le 20 juin 1994, le receveur principal des douanes de La Rochelle-Pallice a émis à l'encontre de la Coopérative des vignerons de l'Ile-de-Ré, de M. Denis X... et de l'EARL Guy Videau (les exploitants agricoles) des avis de mise en recouvrement des droits de consommation sur le Pineau des Charentes ; qu'après le rejet de leurs réclamations présentées contre ces avis de mise en recouvrement, ces derniers ont saisi le tribunal de grande instance en annulation des décisions de rejet en soutenant que les droits de consommation quatre fois plus élevés sur le Pineau des Charentes que sur les vins doux naturels, institués par l'article 402 bis du Code général des impôts, étaient discriminatoires et contraires aux droits fondamentaux de l'ordre juridique communautaire ; que, par jugement du 4 juin 1996, devenu irrévocable à la suite du rejet du pourvoi en cassation dont il a été frappé, le tribunal a dit que les droits de consommation litigieux étaient soumis aux principes du droit communautaire et a ordonné une expertise ; qu'au vu du rapport d'expertise, le tribunal a, par jugement du 22 juin 1999, rejeté les demandes ;

Attendu que les demandeurs reprochent à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement alors, selon le moyen :

1 / que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'ils demandaient à la cour d'appel d'analyser l'application d'un tarif préférentiel au détriment du Pineau des Charentes au regard des distorsions de concurrence dans le cadre du marché intérieur, consécutives à l'application de taux réduits en faveur d'autres productions ; que la cour d'appel s'est bornée à justifier le système fiscal préférentiel appliqué aux vins doux naturels par leurs conditions de production, pour en déduire que le système de taxation incriminé était compatible avec les exigences du droit communautaire d'égalité et de proportionnalité ; qu'en statuant ainsi quand l'objet du litige était de déterminer si le système de taxation incriminé conduisait à des distorsions de concurrence dans le cadre du marché intérieur, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que, par application de l'article 93 - ex 99 - du Traité CE, la directive 92/83 du Conseil du 19 octobre 1992 énonce que "dans le cas où les Etats membres sont autorisés à appliquer des taux réduits, ces taux ne doivent pas conduire à des distorsions de concurrence dans le cadre du marché intérieur" ; que le tribunal de grande instance de La Rochelle s'est borné à énoncer qu'"il ne résultait par ailleurs d'aucune des données objectives du rapport que le privilège reconnu comme approprié et nécessaire serait démesuré par rapport aux objectifs visés et qu'il entraînerait une distorsion de concurrence entre les deux produits en cause" ; qu'en confirmant cette décision, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à expliquer en quoi un différentiel de taxation de un à quatre entre les vins doux naturels et le Pineau des Charentes, produits considérés comme similaires, ne pouvait conduire à des distorsions de concurrence dans le cadre du marché intérieur ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 93 - ex 99 - du Traité CEE et de la directive 92/83 du Conseil du 19 octobre 1992 ;

3 / qu'en confirmant cette décision, la cour d'appel n'a pas examiné, comme il lui était demandé, si un écart de prix de vente au consommateur de 37% au détriment du Pineau des Charentes dû à la fiscalité imposée ne rendait pas l'accès au marché de ce fait plus difficile et si les effets de cette différence de taxation manifestement dommageables au niveau de la consommation n'étaient pas constitutifs de distorsions de concurrence sur le marché intérieur, distorsions prohibées par la directive 92/83 du Conseil du 19 octobre 1992 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 93 - ex 99 - du Traité CEE et de la directive 92/83 du Conseil du 19 octobre 1992 ;

4 / qu'ils énonçaient dans leurs conclusions d'appel que la progression des ventes du Pineau des Charentes tenait essentiellement à l'exportation ; les produits luttant à armes égales sur le plan fiscal dans les autres Etats membres, permettant ainsi sa diffusion normale ; qu'ils ajoutaient que la situation aurait évolué de façon plus favorable en France si le développement du Pineau n'était pas entravé par la différence de taxation litigieuse ; qu'en se bornant à énoncer que la taxation incriminée n'avait pas empêché une progression certaine des ventes de Pineau sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / que l'expert Edmond s'est interdit, dans son rapport, d'opposer les deux fiscalités, celle des VDN et celle des VDL "Pineau des Charentes" ; qu'il a énoncé que "pour nous le différentiel de 1 à 4 nous apparaît comme insupportable" et que pour les vins doux naturels "la taxation préférentielle du régime fiscal, si justifiée soit-elle, n'apparaît pas comme le vecteur essentiel du développement souhaité d'une rentabilité plus grande" ; que dès lors en énonçant qu'"il ne résulte par ailleurs d'aucune des données objectives du rapport que le privilège reconnu comme approprié et nécessaire serait démesuré par rapport aux objectifs visés et qu'il entraînerait une distorsion de concurrence entre les deux produits en cause", la cour d'appel a dénaturé le rapport de l'expert et violé l'article 1134 du Code civil ;

6 / que si l'article 18 4 de la directive 92-83 permet aux Etats membres de prévoir un taux réduit pour les vins doux naturels, les principes fondamentaux d'égalité de traitement et de proportionnalité sont applicables entre producteurs d'un même Etat membre ; que les demandeurs faisaient valoir que la différence de taxation était contraire au principe de proportionnalité en ce qu'elle n'était ni appropriée, ni nécessaire, et qu'elle était démesurée par rapport aux objectifs visés par la directive ; qu'en justifiant la compatibilité du système de taxation incriminé avec les exigences du droit communautaire d'égalité et de proportionnalité par les conditions générales d'exploitation des vins doux naturels, sans expliquer en quoi ce différentiel de taxation était approprié et nécessaire et n'était pas démesuré par rapport aux objectifs visés par la directive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 4 de la directive n° 92-83 du Conseil du 19 octobre 1992 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en application de son article 18 4, la directive 1992/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques, autorise les Etats membres à appliquer un taux réduit unique d'accises à certains produits intermédiaires ;

Attendu que, statuant sur le moyen des exploitants agricoles qui soutenaient que la différence de taxation entre le Pineau des Charentes et les vins doux naturels, instituée par l'article 402 bis du Code général des impôts, entraînait entre ces produits substituables une distorsion de concurrence contraire au principe communautaire d'égalité de traitement, l'arrêt constate, par motifs propres et adoptés, que si le Pineau des Charentes et les vins doux naturels sont similaires, en ce sens que, comme ces derniers, le Pineau des Charentes entre aux yeux du consommateur dans une même catégorie de produits d'excellence, celle des apéritifs au taux d'alcool de niveau moyen, distincte à la fois du vin et des apéritifs à fort taux d'alcool, ayant une même origine agricole et résultant de procédés de fabrication séculaires, il se distingue des vins doux naturels par cela qu'il est issu d'une économie de polyculture au sein de laquelle il représente un complément, alors que les vins doux naturels proviennent d'un système de monoculture imposé par l'aridité des sols interdisant toute mutation végétale, dont dépend fortement l'économie locale, laquelle a un intérêt particulier au maintien de productions de qualité présentant pour les régions concernées un intérêt économique particulier ; qu'ayant ainsi relevé une absence de similitude des deux produits tant en ce qui concerne les caractéristiques du terroir et de l'économie locale que de la situation économique des deux régions, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du débat et n'a pas statué hors des limites du litige, a pu en déduire, justifiant ainsi légalement sa décision au regard tant de la directive du 19 octobre 1992, précitée, que du principe de proportionnalité, sans être tenue de répondre aux conclusions invoquées par la quatrième branche, qui n'étaient pas susceptibles d'influer sur la solution du litige, qu'il était vain de se référer au caractère substituable des deux produits au regard des relations de concurrence existant entre eux, dès lors que la différence de taxation fixée par l'article 402 bis du code général des impôts conformément à la directive du 19 octobre 1992, précitée, était justifiée par ces facteurs d'ordre géographique et économique et poursuivait des objectifs de politique économique compatibles avec les principes du droit communautaire dont, notamment, le principe d'égalité, ce dont il résultait que, visant à compenser les sujétions particulières auxquelles sont soumis les vins doux naturels, elle n'entraînait pas de distorsion de concurrence ;

Attendu, en second lieu, que les deuxième, troisième et cinquième branches du moyen critiquent un motif surabondant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Coopérative des vignerons de l'Ile-de-Ré, M. Denis X... et l'EARL Guy Videau aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des Douanes et des Droits indirects ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille cinq.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-17753
Date de la décision : 12/07/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), 06 novembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jui. 2005, pourvoi n°01-17753


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TRICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2005:01.17753
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