AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Marius X..., employé de la société Everite du 25 octobre 1954 au 30 septembre 1982, a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30, avec un taux d'IPP fixé à 100 % ; qu'après son décès, survenu le 30 juin 2000, ses enfants ont saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Everite fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir reconnu sa faute inexcusable, et fixé au maximum la majoration de la rente, alors, selon le moyen :
1 ) que méconnaît la notion de faute inexcusable et viole l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale l'arrêt qui considère que la responsabilité de l'employeur serait acquise du seul fait que les travaux entrepris se seraient révélés insuffisant et inefficaces pour prévenir les risques découlant de l'usage autorisé à l'époque de l'amiante, substituant ainsi une obligation de sécurité à la notion de faute sans indiquer comment un tel objectif de sécurité pouvait être satisfait à l'époque ;
2 ) que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui se fonde uniquement sur des attestations non circonstanciées de salariés déjà utilisées dans d'autres instances, et ne répond pas aux conclusions de l'appelante selon lesquelles des mesures d'empoussièrement avaient été effectuées révélant des taux constamment inférieurs aux seuls successivement édictés par la réglementation en vigueur aux époques où M. X... avait été exposé aux risques ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait d'une part que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, d'autre part, qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la cour d'appel a pu en déduire que la société Everite avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que la société Everite fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accordé aux demandeurs l'intégralité de leurs demandes au titre de la réparation de la souffrance physique, de la souffrance morale et du préjudice d'agrément de leur auteur, alors, selon le moyen :
1 ) que comme le rappelle l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, par l'indemnisation du prix de la douleur sont indemnisés les souffrances physiques mais aussi les souffrances morales, de sorte qu'en allouant 70 000 euros au titre de l'indemnisation de la souffrance physique et 70 000 euros au titre de l'indemnisation de la souffrance morale, la cour d'appel réalise un cumul d'indemnisation en violation des textes susvisés ;
2 ) que méconnaît à nouveau , en violation de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, le principe selon lequel l'indemnité nécessaire pour compenser le dommage doit être calculé en fonction de la valeur du dommage sans que la gravité de la faute ne puisse avoir d'influence sur le montant de ladite indemnité l'arrêt attaqué qui "prend en considération" le fait que le préjudice ait été engendré par une faute inexcusable ;
Mais attendu que, selon l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, la victime a le droit de demander réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, et de son préjudice d'agrément ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que Marius X... avait enduré des douleurs liées tant aux souffrances engendrées par la maladie que des souffrances morales tenant à l'âge auquel s'est déclaré cette maladie à l'issue fatale, a ainsi énuméré les éléments de fait distincts qui lui ont permis de relever l'existence de chacun des chefs de préjudice qu'elle a réparés ;
Qu'ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, elle a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 452-2, L. 452-3 et R. 441-11 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
Attendu que pour dire que la Caisse primaire d'assurance maladie pourrait récupérer sur la société Everite les indemnités attribuées aux consorts X..., l'arrêt retient que le respect du principe du contradictoire prévu par les dispositions des articles R. 441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale relève uniquement des rapports employeurs-Caisse primaire et n'a pas lieu d'être invoqué dans le cadre d'une action en recherche de faute inexcusable supposant acquis le principe du caractère professionnel de la maladie ;
Attendu cependant que l'inopposabilité à l'égard de l'employeur, du fait du caractère non contradictoire de la procédure, de la décision de la Caisse primaire d'assurance maladie d'admettre le caractère professionnel de la maladie prive cette caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et indemnités versés par elle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si, comme le soutenait la société Everite, la décision de la caisse était inopposable à celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la Caisse primaire d'assurance maladie pourrait récupérer auprès de l'employeur les indemnités attribuées aux consorts X..., l'arrêt rendu le 8 mars 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Everite et la CPAM de Seine-et-Marne, in solidum, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Everite à payer aux consorts X... la somme globale de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille cinq.