AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon l' arrêt attaqué (Lyon, 19 décembre 2003), le Groupement des industries sidérurgiques et minières (Gésim) et plusieurs syndicats représentatifs de salariés ont conclu le 29 octobre 1990 une convention sur l'emploi du personnel mensualisé, des employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise dans les entreprises sidérurgiques et minières dont l'article 36 prévoit la possibilité d'une mise en congé de longue durée des salariés de plus de 50 ans et de moins de 55 ans dans le cadre d'accords locaux spécifiques conclus avec les partenaires sociaux et en accord avec les pouvoirs publics ; que la société Irsid a signé le 27 juin 1994, avec les mêmes organisations syndicales, un accord spécifique reprenant les dispositions d'un précédent accord local des 23 et 24 juin 1992 qui mettait en oeuvre les dispositions de cet article 36 et déterminait le statut du personnel mis en congés de longue durée, notamment les garanties sociales ; que cet accord a été homologué par arrêté ministériel du 28 juillet 1994 ; que des salariés de la société Irsid qui avaient accepté un congé de longue durée, estimant ne pas avoir été informés de ce que cette période de congé était prise en compte pour le calcul de la durée d'assurance, mais non pour celui du salaire de référence servant à déterminer le montant de la pension, ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de la société susvisée à leur verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la minoration de leur pension de vieillesse ; qu'ils ont en outre sollicité le versement d'une prime d'intéressement aux résultats pour l'année 1994 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les salariés de leur demande en réparation du préjudice résultant de la non prise en compte de leurs périodes de congé de longue durée au titre des années de référence déterminant le salaire moyen servant au calcul de leur pension de retraite, alors, selon le moyen :
1 / que l'employeur, tenu à une exécution de bonne foi du contrat de travail, doit informer le salarié des risques et avantages d'une telle mesure ou acte envisagé, ainsi que sur toute circonstance ayant un rôle déterminant dans la décision de contracter, et doit les éclairer afin que leur choix soit effectué en pleine connaissance de cause dès lors que leur ignorance est légitime ; que la société, à qui il revenait en l'espèce d'informer les salariés de ce que, contrairement à ce que prévoyaient les conventions antérieures, les périodes de congé longue durée ne seraient plus prises en compte pour le calcul de leur pension de retraite, précision déterminante dans la décision de contracter, s'est contentée de leur envoyer une lettre type procédant par renvoi à des dispositions conventionnelles ne comportant aucune indication expresse en ce sens ;
qu'en se contentant des lors, d'affirmer qu'aucune violation par l'employeur de son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail n'était démontrée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2 / que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit apporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; que dès lors, qu'en l'espèce, les salariés invoquaient la violation par leur employeur de son obligation contractuelle de renseignement et de conseil à leur égard, il incombait à la société d'apporter la preuve qu'elle les avait informés des entières conséquences de leur engagement et en particulier de l'absence de prise en compte des périodes de congé de longue durée pour le calcul de leur pension de retraite ; qu'en affirmant, alors que cette dernière n'apportait aucun élément en ce sens, que les salariés ne démontraient pas la violation par l'employeur de son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ;
3 / qu'en se contentant d'affirmer qu'il ressortait uniquement du statut litigieux que seules l'acquisition de points de retraite et les cotisations aux régimes de retraite complémentaires étaient maintenues, alors qu'il était également précisé que les salariés placés en congés de longue durée demeuraient décomptés dans les effectifs de l'entreprise et que les périodes de congés longue durée étaient assimilées à du travail effectif, ce qui en l'absence de mention expresse sur la non prise en compte, pour le calcul de la pension de retraite, des périodes de congés longues durées, avaient permis à ces derniers d'en conclure que, comme pour les conventions antérieures, ces périodes étaient bien valorisées, la cour d'appel, qui n'a eu qu'une lecture partielle dudit document, en a dénaturé les termes en violation de l'article 1134 du Code civil ;
4 / qu'il résulte de l'article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale que les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droits, viennent en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale ; qu'en retenant dès lors, qu'il ressortait des dispositions conventionnelles que les cotisations aux régimes de retraite complémentaires, au taux contractuel en vigueur dans l'entreprise, seraient versées par l'employeur, mais en refusant d'admettre que le maintien de ces régimes impliquaient nécessairement le maintien des cotisations au régime général, la cour d'appel qui n'a pas tiré toutes les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 36 de la convention du 29 octobre 1990 ;
5 / que l'obligation d'information se rattachant à l'exécution même du contrat de travail, l'employeur doit être en mesure d'établir qu'il a informé chacun des salariés concernés des conséquences exactes de la mesure qu'il envisageait ; que dans ces conditions, la seule référence à un statut collectif négocié et signe par les syndicats de salariés ne saurait satisfaire à cette obligation individuelle ; q'en affirmant le contraire, la cour d'appel a encore violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu d'abord que la cour d'appel qui a relevé, par motifs propres et adoptés, et sans dénaturation, que l'article 36 de la convention sur l'emploi du 29 octobre 1990 et le statut du personnel, en ses dispositions relatives aux garanties sociales ne prévoyaient le versement de cotisations que pour les régimes complémentaires, en a exactement déduit qu'aucune cotisation n'était due sur les revenus versés pendant le congé longue durée au titre de l'assurance vieillesse garantie par la sécurité sociale ;
Attendu ensuite que la cour d'appel qui, contrairement à la dernière branche du moyen, ne s'est pas bornée à se référer au statut collectif mais a constaté que le statut du personnel en congé de longue durée avait été remis à chaque salarié concerné, a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation d'information ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les salariés de leurs demandes en paiement de la prime d'intéressement aux résultats pour 1994, alors, selon le moyen, qu'il résultait des dispositions des accords des 23 et 24 juin 1992 que le contrat de travail des salariés placés en congé longue durée était suspendu et non rompu, que les périodes de congé étaient assimilés à du temps de travail effectif et que les salariés étaient maintenus aux effectifs de l'entreprise ; que le relevé de décisions du 28 novembre 1994 reconduisant par décision unilatérale de l'employeur certaines dispositions de l'accord d'intéressement du 6 mars 1991, dont celles concernant le personnel bénéficiaire défini comme les salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail, qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, les exposants étaient en droit d'invoquer le bénéfice de ces dispositions pour l'exercice 1994 ; qu'en affirmant néanmoins, qu'il résultait du relevé de décisions que le personnel bénéficiaire de l'intéressement aux résultats étaient uniquement le personnel "actif" et non le personnel simplement présent à l'effectif pendant l'année, pour les débouter de leur demande à ce titre, la cour d'appel en a dénaturé les dispositions, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'article 4 de l'accord d'intéressement conclu en 1991 définissait le personnel bénéficiaire de l'intéressement aux résultats comme le seul personnel actif, a décidé, sans dénaturer le relevé de décisions du 28 novembre 1994 reconduisant expressément ces dispositions, que les salariés placés en congé longue durée qui étaient simplement maintenus à l'effectif ne pouvaient prétendre au paiement d'une prime à ce titre ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille cinq.