AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 février 2004), que Mme X..., salariée de la société Distribution Casino, a adressé le 16 décembre 1999 à la caisse primaire d'assurance maladie une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau n° 98 ; que cet organisme lui a refusé sa prise en charge au motif qu'elle ne justifiait pas avoir occupé un emploi répondant aux exigences de ce tableau ;
Attendu que Mme X... fait grief à la cour d'appel de l'avoir déboutée de son recours, alors, selon les moyens :
1 / que la reconnaissance d'une maladie professionnelle suppose de rapporter la preuve de l'exposition à un risque professionnel ;
que la preuve des faits juridiques est libre ; qu'une lettre est un élément de preuve admissible, même si elle ne revêt pas la forme d'une attestation ;
qu'en écartant néanmoins les lettres de M. Y... et de Mme Z... produites par Mme X... pour justifier de son exposition à un risque professionnel, au motif que celles-ci ne constituaient pas des attestations, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ;
2 / que la lettre de M. Y..., en date du 17 avril 2001, énonçait que "dans certaines périodes assez longues, par manque de personnels, Mme X... prenait des postes plus pénibles ; exemples : enfourner, défourner des échelles de pains, aider les professionnels au façonnage des pains spéciaux et manipuler régulièrement des gros cartons de croissants, pains chocolats ; travaux très pénibles pour une femme" ; qu'en affirmant néanmoins (p. 5, 5) que "cette lettre (...) ne caractérise pas le port de charges lourdes", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre et, partant, a violé l'article 1134 du Code civil ;
3 / que la lettre de Mme Z..., en date du 5 juin 2001, énonçait que "Mme X..., étant souvent avec moi le matin ou le soir, nous recevions des palettes de caisses de fromages et de meules de gruyère, comté, emmental, parmesan ; c'était de nombreuses marchandises à transporter, à soulever à la main pour les placer sur des étagères dans les frigos, à empiler les meules de plus de 80 kilos, à les couper en quartiers ; les efforts qu'il fallait faire pour les sortir des banques réfrigérées pour les couper en morceaux à la demande du client, et cela pendant nos cinq ou six heures de travail" ; qu'en affirmant néanmoins (p. 5, 5) que "cette lettre (...) reste floue sur le rôle précis de Mme X...", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre et, partant, a violé l'article 1134 du Code civil ;
4 / qu'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau ; que la cour d'appel a constaté que le tableau n° 98 prévoyait un délai de prise en charge de six mois sous réserve d'une durée d'exposition de cinq ans et que la déclaration de maladie professionnelle de Mme X... était du 16 décembre 1999 ; qu'elle a constaté que M. Y... ne datait pas les faits qu'il rapportait dans sa lettre du 17 avril 2001 ; qu'en écartant cet élément de preuve sans rechercher si les faits relatés s'étaient produits pendant les cinq années précédant la déclaration de maladie professionnelle effectuée par Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale ;
5 / que lorsque le litige fait apparaître une difficulté d'ordre médical relative à l'état d'une personne atteinte d'une maladie professionnelle, les juges du fond ne peuvent statuer qu'après la mise en oeuvre de la procédure d'expertise médicale ; qu'en décidant néanmoins que l'affection dont souffrait Mme X... ne constituait pas une maladie professionnelle, motif pris de ce qu'il n'était pas établi que cette affection avait été causée par l'accomplissement des fonctions salariées de Mme X..., sans diligenter d'expertise médicale obligatoire, la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 et l'article R. 142-24, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que le premier moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond sur la valeur probante des documents soumis à leur examen ;
Et attendu que le second moyen est inopérant dès lors que Mme X... n'a saisi la Caisse d'aucune demande de prise en charge fondée sur l'article L. 461-1, alinéa 3, du Code de la sécurité sociale ;
D'où il suit que ces moyens ne sauraient être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les demandes formulées de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille cinq.