AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 13 modifiée de l'ordonnance du 10 septembre 1817 ;
Vu l'avis émis le 7 octobre 2004 par le conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sur une action en dommages-intérêts formée par M. et Mme X... contre Mme Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Attendu que les époux X... ont, le 29 novembre 1989, contracté, auprès du Crédit Foncier de France (le CFF), deux emprunts d'un montant global de l'ordre de 2 millions de francs destinés au financement d'une opération immobilière ; que faisant valoir que la banque avait manqué à son obligation de surveillance des fonds débloqués lors d'une étape de la réalisation des travaux, permettant ainsi le détournement de ces fonds par le maître d'oeuvre, les époux X... ont assigné le CFF en responsabilité ; que leurs demandes ont été rejetées par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 7 septembre 1999 ; que les époux X... ont chargé Mme Y... de former un pourvoi contre cet arrêt ; que ce pourvoi a été déclaré irrecevable (Com., 5 novembre 2002, n° Y 00-17.386) au motif que l'acte de signification n'avait pas été remis au greffe dans le délai de dépôt du mémoire en demande ; que les époux X... ont saisi le conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation d'une requête tendant à mettre en jeu la responsabilité professionnelle de Mme Y... ; que par avis du 7 octobre 2004, le conseil de l'Ordre a rejeté leur requête ;
Attendu, d'abord, que l'article 2.2.2 du contrat, argué de dénaturation, dispose que si le prêt est destiné à financer le coût de la construction d'un immeuble, son montant sera mis à la disposition des emprunteurs pour valoir réalisation au fur et à mesure de l'avancement des constructions et que chaque déblocage de fonds sera en outre subordonné à la présentation d'un mémoire d'architecte ou de factures provisoires établissant l'état d'avancement des travaux et faisant apparaître leur coût ; que cette clause qui ne précisait pas la qualité des personnes à la disposition desquelles les fonds pouvaient être mis, le notaire, mandataire des emprunteurs, ayant, à cet égard, été précédemment destinataire de fonds, présentait une ambiguïté rendant son interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, en ce qui concernait la remise des fonds à l'architecte, dont l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux constatait également de façon expresse la qualité de mandataire ;
Attendu, ensuite, que s'agissant de l'usage, invoqué par les époux X..., de ne procéder au déblocage des fonds qu'entre les mains du notaire, l'arrêt frappé de pourvoi par les époux X... retient qu'il n'était pas établi qu'avant ce déblocage, les époux X... eussent exigé du Crédit Foncier que tous les fonds transitassent par leur notaire, écartant par là même l'existence de l'usage allégué ; que le moyen que les époux X... reprochent à Mme Y... de ne pas avoir proposé se serait donc heurté à une appréciation souveraine des juges du fonds et n'aurait pu qu'être écarté ;
Qu'il s'ensuit que ni le moyen proposé par Mme Y... pris d'une dénaturation de la clause 2.2.2 des conditions générales de prêt, ni celui qu'il lui est reproché de ne pas avoir soulevé, relatif à l'allégation d'un usage, ne présentaient la moindre chance d'être accueillis par la Cour de cassation, de sorte que le manquement reproché à l'avocat n'a privé les époux X... d'aucune chance de succès du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE l'ensemble des demandes formées par les époux X... à l'encontre de Mme Y... au titre du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 7 septembre 1999 ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille cinq.