AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à MM. X..., Y... et Z... du désistement de leur pourvoi en tant que dirigé contre MM. A..., B..., C..., D..., E..., F..., G... et Mme H... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Banque populaire provençale et corse (la banque) a consenti à la société Carry matériaux (la société) un prêt de 1 400 000 francs dont le remboursement était garanti, à concurrence de ce montant, par le cautionnement solidaire de MM. X..., Y... et Z... ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a déclaré sa créance et a assigné les cautions en exécution de leurs engagements ; qu'en défense, les cautions ont invoqué la nullité de leurs engagements pour dol et, subsidiairement, ont formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts en reprochant à la banque d'avoir abusivement soutenu la société ;
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la banque, alors, selon le moyen :
1 / que le principe de non-ingérence n'exclut pas le devoir de conseil du banquier à l'égard des cautions sur les risques d'un prêt inconsidéré ; qu'en ayant exclu le comportement dolosif de la banque lors de l'octroi du prêt en raison de l'absence de preuve par les cautions d'une incitation imputable à la banque et d'une immixtion par elle dans les affaires de la société emprunteuse au moment de l'engagement des cautions, sans rechercher si elle n'avait pas failli à son devoir de conseil, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
2 / qu'en ayant énoncé qu'il n'était pas établi qu'au jour de l'engagement des cautions, la société se trouvait dans une situation financière compromise, après avoir constaté que lors des assemblées générales de mars 1986, avaient été évoquées les graves difficultés de trésorerie pouvant rapidement conduire la société à une liquidation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1116 du Code civil ;
3 / qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si la connivence entre M. A... et M. I..., directeur d'agence de la banque, ne résultait pas des contacts que le premier, associé majoritaire, se vantait d'avoir obtenu avec des partenaires financiers parmi lesquels la banque, lors des assemblées générales de mars 1986, pour inciter les associés à se porter caution en dépit des graves difficultés financières de la société, à l'origine d'une procédure de licenciement contre M. I... pour faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
Mais attendu, que sous couvert des griefs non fondés de violation de la loi et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation des éléments de fait et de preuve par la cour d'appel qui a relevé qu'il n'était pas établi que la banque disposait d'informations sur la situation financière de la société débitrice principale dont les cautions n'auraient pas eu connaissance ; que cette société ne se trouvait pas dans une situation irrémédiablement compromise nonobstant ses difficultés financières et que la preuve d'une connivence entre MM. A... et I... n'était pas rapportée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la banque qui maintient un concours financier et laisse aggraver une situation déjà obérée engage sa responsabilité ;
qu'en n'ayant pas recherché, comme elle y était invitée, si le maintien du crédit après le 2 mars 1987, date à laquelle M. I..., directeur d'agence de la banque, avait annoncé que la société enregistrait une perte de 4 000 000 francs, n'était pas fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que les cautions n'avaient produit aucun élément sur la situation financière de la société débitrice principale et qu'elles ne justifiaient pas du caractère ruineux du crédit accordé par la banque, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt condamne solidairement les cautions à payer une certaine somme à la banque en exécution de leurs engagements, avec intérêts légaux à compter du 20 juillet 1995, sans répondre au moyen des conclusions par lesquelles l'une d'entre elles, M. Y..., faisait valoir que son engagement de caution ne s'étendait pas à la garantie des intérêts, commissions, frais et accessoires ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition qui, infirmant le jugement, condamne M. Y..., solidairement avec les autres cautions, à payer à la banque BPPC la somme de 213 428,62 euros outre intérêts légaux à compter du 20 juillet 1995, l'arrêt rendu le 10 janvier 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la Banque populaire provençale et corse aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille cinq.