AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué partiellement confirmatif (Douai, 22 mai 2003), que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France (la Caisse) a consenti un prêt de 3 700 000 francs à l'EURL Pharmacie X... (l'EURL) destiné à l'acquisition d'une officine de pharmacie, dont le remboursement était garanti par les cautionnements solidaires de M. X... et de sa mère Mme Odette X... (les consorts X...) ; que l'EURL ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la Caisse a déclaré sa créance ; que le prix de vente de la pharmacie n'ayant pas permis de désintéresser totalement la Caisse, celle-ci a mis les consorts X... en demeure d'exécuter leurs engagements de cautions pour le solde restant dû ; que les consorts X... ont assigné la Caisse en paiement de dommages-intérêts en lui reprochant des manquements à ses obligations professionnelles ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande alors, selon le moyen, que, dans leurs conclusions d'appel, ils avaient fait valoir que la Caisse s'était abstenue de faire signer à Mme X... la première page du contrat comportant les caractéristiques du prêt, que la banque lui avait fait rajouter après la signature du contrat une mention l'engageant au-delà de l'obligation souscrite par son fils et que si elle avait été correctement informée, elle n'aurait jamais accepté de prendre de tels engagements ; qu'en confirmant le jugement qui avait considéré que les consorts X... ne prétendaient pas ne pas avoir eu connaissance des caractéristiques du prêt ni du montant exact du cautionnement, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que par motif adopté du jugement, la cour d'appel a retenu que les irrégularités affectant l'engagement de caution de Mme X... étaient sans incidence sur la validité de cet acte ; qu'elle a, par ce seul motif, abstraction faite du motif surabondant critiqué par le moyen, justifié sa décision écartant la responsabilité de la Caisse du chef de ces irrégularités ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts X... font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1 / que le fait que M. X... ait été assisté d'un expert-comptable ne dispensait pas la Caisse de son obligation de conseil ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
2 / que, dans ses conclusions d'appel, M. X... avait fait valoir que le prêt (3 700 000 francs) était supérieur à la valeur du fonds (3 500 000 francs) et qu'en raison du fait que le bénéfice de la pharmacie était seulement de 266 494 francs, il ne pouvait faire face à des mensualités de 45 293,21 francs, soit 543 518,52 francs par an ; qu'il relevait que le tribunal de grande instance en avait déduit à bon droit que la Caisse avait accordé un prêt dépassant largement les possibilités de remboursement ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen pertinent relatif au montant excessif du prêt au regard des possibilités financières de remboursement du débiteur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que M. X... était pharmacien et n'avait à ce titre aucune compétence pour apprécier la rentabilité d'une officine, conseil qui incombait à la Caisse ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que M. X..., pharmacien diplômé depuis douze ans, était parfaitement informé sur l'officine acquise, dans laquelle il travaillait depuis dix ans et dont il connaissait la gestion et les perspectives envisageables, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a relevé que celui-ci avait, à partir d'une étude établie par son expert-comptable, misé sur une progression rapide du chiffre d'affaires ; qu'en l'état de ces constatations desquelles il résultait que M. X... était parfaitement informé des risques qu'il prenait, la cour d'appel a pu décider que la Caisse n'avait pas manqué à son obligation de conseil ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que les consorts X... font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que Mme X... disposait d'un patrimoine d'environ 1 500 000 francs et des revenus mensuels de 12 000 francs ; qu'il est constant que le montant du prêt était de 3 700 000 francs remboursable en échéances mensuelles de 45 293,21 francs et selon le protocole homologué en des échéances mensuelles de 35 980,15 francs ; qu'en estimant que Mme X... était en mesure de faire face à ses engagements de caution pour la débouter de sa demande de dommages-intérêts, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté, d'un côté, que Mme X... disposait d'un patrimoine d'environ 1 500 000 francs et percevait un revenu mensuel de 12 000 francs et de l'autre, que le prêt de 3 700 000 francs était également garanti par un nantissement sur l'officine de pharmacie dont la valeur dépassait le montant du prêt, la cour d'appel a pu décider que l'engagement souscrit par Mme X... n'était pas disproportionné à ses revenus et patrimoine ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la CRCAM Nord de France ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille cinq.