AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, selon ce texte, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;
Attendu, selon l'ordonnance infirmative attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les productions, que, se plaignant de la rupture d'un contrat de soutage qu'elle avait conclu avec la société Elf Antar France, la société Coopérative d'armement maritime (la société Copamar) a confié à la société d'avocats Henn et Bentolila la défense de ses intérêts dans les différentes actions, négociations et instances en responsabilité et indemnisation qu'elle a engagées à l'encontre de sa cocontractante et de diverses autres sociétés ; que la société Copamar a conclu le 22 septembre 2000 avec ses avocats une convention d'honoraires prévoyant notamment le règlement d'un honoraire complémentaire de résultat payable, suivant un certain taux, à compter du jour où les encaissements cumulés reçus par la cliente au titre des interventions des avocats dépasseraient un certain montant ;
que par jugement du 2 mars 2001, le tribunal de commerce, accueillant la demande de la société Copamar, a condamné les sociétés Total Fina Elf et Total raffinage distribution à payer à celle-ci une provision indemnitaire de 30 000 000 francs, avec exécution provisoire ; que le 29 mars suivant, la société Henn et Bentolila a émis une facture d'un montant total de 1 088 084,35 euros comprenant un honoraire complémentaire de résultat pour la somme de 878 117,35 euros, prélevée le jour même sur le compte Carsam de la cliente ; que par arrêt du 28 juin 2001, la cour d'appel, infirmant le jugement, a débouté la société Copamar de ses demandes ;
que le 9 octobre 2001, ladite société a saisi d'une contestation d'honoraires le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Marseille, en réclamant notamment la restitution de l'honoraire complémentaire de résultat payé ; qu'est intervenu à l'instance M. X..., ès qualités, de mandataire-liquidateur de la société Copamar, placée en liquidation judiciaire le 11 octobre 2001 ;
Attendu que pour rejeter la demande de restitution partielle des honoraires versés présentée par M. X..., ès qualités, l'ordonnance énonce que M. X... soutient qu'un honoraire de résultat n'est dû que lorsqu'une décision définitive de condamnation est intervenue en faveur du client ; que l'avocat, se fondant sur les dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 1134 du Code civil, fait valoir qu'un accord contractuel est intervenu sur le montant de l'honoraire facturé après service rendu et réglé le 29 mars 2001 ; que la convention passée entre les parties le 22 septembre 2000 prévoit, outre une facturation horaire, un honoraire complémentaire dû "à compter du moment où les encaissements de Copamar liés à l'intervention du cabinet Henn et Bentolila atteignent ou dépassent la somme de 30 000 000 francs (soit 4 573 470,12 euros )" ; que c'est dans ces conditions que le cabinet d'avocats a émis la facture du 29 mars 2001 ;
qu'il n'est pas contesté que le représentant légal de Copamar a apposé sur ladite facture la mention suivante : "facture acceptée, bon pour prélèvement sur compte Carsam de la somme de 1 267 212,50 euros", suivie de sa signature ; qu'il est ainsi établi que le client a considéré, après service rendu, que la facture qui lui était soumise était conforme à la convention et a accepté de la régler ; qu'il n'est pas allégué qu'il ait, à un moment quelconque, agi sous la contrainte ou par erreur; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. X..., ès qualités, ne peut réclamer restitution partielle des sommes versées ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X..., ès qualités, faisant valoir que, selon la convention, l'honoraire complémentaire de résultat n'était dû qu'à la suite d'une condamnation définitive et qu'en l'espèce, l'honoraire de résultat, ayant été réglé le 29 mars 2001 sur la base de l'indemnité provisionnelle de 30 000 000 francs encaissée par la société Copamar au titre de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce infirmé ultérieurement par la cour d'appel, n'était pas fondé sur le service rendu , le premier président, qui n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a rejeté la demande de M. X..., ès qualités, en restitution partielle de l'honoraire complémentaire de résultat, l'ordonnance rendue le 14 janvier 2004, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société d'avocats Henn et Bentolila aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société d'avocats Henn et Bentolila ; la condamne à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille cinq.