AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, le 30 juin 1994, a été conclu entre la direction de la RATP et les organisations syndicales représentatives un protocole d'accord pour la mise en oeuvre du schéma directeur de sécurité des réseaux prévoyant au bénéfice des agents de sécurité une heure quotidienne d'entraînement physique rémunérée dans les locaux de la RATP ; que cet accord ayant été dénoncé par la RATP le 7 mars 2001, sans que les négociations entreprises n'aboutissent à la conclusion d'un nouvel accord, le département environnement et sécurité de la RATP a établi, le 27 septembre 2002, une instruction de direction SEC/D/02-315, supprimant l'heure d'entraînement physique et instituant pour tous les agents GPSR 13 journées de formation prévoyant des rappels d'instruction, des séances de tir, de l'entraînement au tonga et des techniques de police ; que, contestant l'application de cette instruction, le syndicat général des personnels du groupe RATP, CFDT-RATP, a saisi le tribunal de grande instance de Paris ; que le syndicat confédéré CGT des agents d'encadrements techniciens, personnel des bureaux et assimilés de la RATP, l'UGICT-CGT-RATP, et le groupement autonome toute catégorie de la RATP sont intervenus à la procédure ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la RATP :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu sa compétence pour apprécier une instruction de direction constituant un acte administratif du 27 septembre 2002, concernant notamment la formation des agents de sécurité de l'employeur, alors, selon le moyen, qu'une instruction de direction de la RATP, concernant l'organisation du service de sécurité de celle-ci, et notamment les conditions d'emploi de ses agents, constitue un acte administratif dont la légalité ne peut être appréciée par les juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est cependant déclarée compétente pour connaître de l'instruction du 27 septembre 2002, organisant le service public de la RATP, prétexte pris que cet acte portait principalement sur le fonctionnement de ce service, et non sur son organisation, a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'instruction du 27 septembre 2002 concernait les conditions d'emploi des personnels du GPSR et avait pour principal objet de définir les conditions de travail de l'agent de sécurité, a exactement retenu la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du syndicat CFDT des personnels du groupe RATP, CFDT -RATP, et le premier moyen du pourvoi incident des syndicats UGICT-CGT et GATC, réunis :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté les syndicats de leur demande tendant à faire juger qu'une note du 30 septembre 2002 accordant une prime aux agents de maîtrise qui avaient exprimé un vote favorable au projet de l'employeur organise une discrimination entre les salariés et porte atteinte à la liberté du vote, alors selon le moyen du pourvoi incident de la CFDT-RATP :
1 / que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux ; qu'en l'espèce, en se fondant sur le fait que les appelants ne visaient aucune disposition légale au soutien de leur demande, la cour d'appel a refusé de remplir son office et violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'il est constant que la note litigieuse du 30 septembre 2002 attribuait aux seuls agents de maîtrise une prime à raison du vote favorable qu'ils avaient exprimé au projet de la direction de la RATP ; qu'il en résultait nécessairement une violation par l'employeur de son obligation de neutralité et d'égalité de traitement entre les salariés ; que, faute d'avoir tiré cette conséquence nécessaire de ses constatations, la cour d'appel a violé le principe " à travail égal, salaire égal " et les articles L. 133-5 et L. 136-2 du Code du travail ;
3 / qu'en l'état de cette inégalité de salaire, il incombait à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments étrangers à toute discrimination, justifiant cette inégalité ; qu'en affirmant que les syndicats demandeurs ne justifiaient pas du caractère discriminatoire de cette inégalité de salarie, la cour d'appel a encore violé les textes et principes susvisés ;
Et alors, selon le premier moyen du pourvoi incident de l'UGICT-CGT-RATP et du GATC-UNSA :
1 / que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; que les organisations syndicales avaient soutenu, dans leurs conclusions d'appel, que le dispositif de formation nouvellement mis en place par la RATP était discriminatoire dès lors que celle-ci avait attribué une prime destinée à leur formation aux seuls agents de maîtrise, ainsi que cela résultait de la note de la RATP du 30 septembre 2002 ainsi libellée : " Lors de la consultation du personnel sur le nouveau protocole relatif aux conditions d'utilisation des agents de sécurité, les agents d'encadrement avaient exprimé majoritairement un vote favorable au projet. La direction, prenant acte de cette volonté consensuelle, a décidé d'accorder aux agents de maîtrise la compensation financière prévue dans le projet initial pour l'exercice d'une activité physique, à concurrence de 160 euros par an " ; que les organisations avaient, de façon implicite, mais certaine, invoqué l'article L. 122-45 du Code du travail et le principe " à travail égal, salaire égal " énoncé par les articles L. 133-5-4 et L. 136-2-8 du même Code ; qu'en relevant que les organisations syndicales n'avaient invoqué aucune disposition légale et avaient seulement soutenu que la prime était contraire aux règles d'ordre public garantissant la sincérité des scrutins et portait atteinte au principe fondamental de la liberté du vote, et en décidant en conséquence que les résultats du vote n'avaient pu être faussés, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que n'est pas justifiée par un élément objectif étranger à toute discrimination la prime allouée à une catégorie de personnel au titre de la formation en raison uniquement de son vote majoritaire favorable à un projet d'accord collectif de l'employeur destiné à être soumis pour signature aux organisations syndicales représentatives ; qu'en se bornant à relever que les organisations syndicales ne justifiaient d'aucune discrimination, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la prime destinée à la formation n'était pas discriminatoire dès lors qu'elle n'avait été accordée qu'à cette catégorie d'agents et non aux agents de sécurité non cadres, en raison du vote favorable de cette catégorie à un projet d'accord collectif de la RATP relatif aux conditions d'emploi et de travail des agents de sécurité, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 122-45, alinéas 1 et 4, du Code du travail ;
3 / qu'il résulte du principe " à travail égal, salaire égal ", énoncé par les articles L. 133-5-4 et L. 136-2-8 du Code du travail, que l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique ;
que s'il appartient à la partie demanderesse qui invoque une discrimination salariale de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments étrangers à toute discrimination, justifiant l'inégalité de traitement ; qu'en reprochant aux organisations syndicales de n'avoir pas justifié du caractère discriminatoire de la prime litigieuse quand il appartenait à la RATP de rapporter la preuve d'éléments étrangers à toute discrimination, justifiant que les agents de sécurité qui suivaient la même formation n'avaient pas droit à la contrepartie pécuniaire constituée par la prime litigieuse, la cour d'appel a violé ensemble le principe " à travail égal, salaire égal ", énoncé par les articles L. 133-5-4 et L. 136-2-8 du Code du travail et 1315 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, devant laquelle les organisations syndicales s'étaient bornées à invoquer le caractère discriminatoire de la prime litigieuse comme contraire à des règles d'ordre public garantissant la sécurité des scrutins et portant atteinte à la liberté de vote, a constaté, sans encourir les griefs des moyens, que son versement, décidé postérieurement au scrutin de mai 2002, n'avait pu en influencer le résultat ; que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le second moyen du pourvoi incident des syndicats UGICT-CGT-RATP et GATC-UNSA :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les syndicats de leur demande tendant à ce qu'il soit dit que l'instruction de direction du 27 septembre 2002 remettait en question l'horaire à plat dont bénéficiaient 30 agents alors qu'il s'agissait d'un élément de leur contrat de travail, alors, selon le moyen, que le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit ou d'un horaire de nuit à un horaire de jour constitue une modification du contrat de travail, qui doit être acceptée par le salarié ; qu'en relevant que les horaires initiaux, dit à plat, avaient été fixés à titre expérimental sur la base du volontariat, et qu'ils ne constituaient pas un avantage acquis, quand il était constant que la suppression de ces horaires avait pour effet de faire passer les 30 agents concernés, selon les cas, d'un horaire de jour à un horaire de nuit ou d'un horaire de nuit à un horaire de jour, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les horaires dits " à plat " n'avaient été institués qu'à titre expérimental et sur la base du volontariat, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir qu'ils n'avaient pas été contractualisés, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal de la RATP :
Vu l'article L. 132-8 du Code du travail ;
Attendu que pour dire que l'heure quotidienne d'entraînement accordée aux agents de sécurité par l'accord d'entreprise du 30 juin 1994 dénoncé constituait un avantage acquis ne pouvant être remis en question, l'arrêt retient que le bénéfice de cet entraînement entre bien dans la définition de l'avantage acquis dès lors qu'il concerne chaque salarié pris individuellement et peut se réaliser indépendamment de la collectivité des salariés, qu'il ne peut être assimilé au droit à la formation dont bénéficie chaque salarié aux termes des articles L. 900-1 et suivants du Code du travail dans la mesure où ces dispositions instituent pour les salariés un droit à la formation qui a pour but de permettre l'adaptation de ceux-ci au changement des techniques et des conditions de travail et de favoriser leur promotion sociale, alors que la disposition en cause a pour objet de maintenir les agents dans des conditions physiques leur permettant d'exercer leurs fonctions dans des conditions satisfaisantes, comme rappelé par la médecine du Travail et par la RATP elle-même dans une instruction antérieure ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la disposition en cause se rapportait aux conditions de travail de l'ensemble des agents du service de sécurité, ce dont il résultait qu'elle avait une nature collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives aux avantages acquis, l'arrêt rendu le 30 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DEBOUTE les organisations syndicales de leurs demandes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Chagny, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du premier juin deux mille cinq.