AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 octobre 2003), que l'URSSAF de Paris a fait signifier à la société Arts Litho un commandement de payer portant sur une somme de 23 251,68 euros aux fins de saisie-vente, que ledit commandement visait la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 1998, que le 21 octobre 2002, Mme X..., représentant des créanciers de la société Arts Litho en redressement judiciaire, a contesté la créance aux motifs que la somme visée au commandement comprenait des créances antérieures au 19 mai 1998, date du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société débitrice, laquelle a saisi le juge de l'exécution à l'effet d'obtenir la nullité du commandement de payer ;
Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'annulation du commandement et ordonné la mainlevée de la procédure de saisie-vente alors, selon le moyen :
1 / que le juge chargé de l'examen d'une procédure d'exécution forcée ne peut se prononcer que sur la validité du titre exécutoire excipé par le créancier et non pas sur l'origine de la créance visée par ledit titre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, pour lui dénier le droit d'obtenir le recouvrement de la créance visée par la contrainte par elle délivrée à l'encontre de la société Arts Litho le 28 mai 2002, soit postérieurement à sa mise en redressement judiciaire intervenue le 19 mai 1998, s'est prononcée sur le fait générateur de ladite créance, a violé ensemble les articles L. 311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire, L. 621-24 du Code de commerce, L. 244-9 et R. 133-3 du Code de la sécurité sociale ;
2 / que les cotisations dues au titre de la régularisation annuelle ne se rattachent à aucune période de travail spécifique ; qu'elles résultent du différentiel constaté, le cas échéant, entre la somme des cotisations calculées par anticipation et versées pendant l'année par l'employeur et la somme des cotisations calculées en fin d'année civile sur la base des salaires effectivement versés par l'employeur pendant l'année, de sorte que le montant desdites cotisations ne peut être connu qu'à l'expiration de l'année civile ; qu'en l'espèce, ayant procédé, à la fin de l'année 1998, à la régularisation annuelle des cotisations de la société Arts Litho conformément à l'article R. 243-10 du Code de la sécurité sociale, elle a réclamé à ladite société un supplément de cotisations ;
qu'en considérant que ces cotisations se rapportaient à des salaires perçus antérieurement au 19 mai 1998, date du prononcé du jugement d'ouverture du redressement judiciaire dont a fait l'objet la société Arts Litho, pour conclure à la mainlevée de la procédure de saisie-vente incriminée, quand ces cotisations ne pouvaient être rattachées à aucune période spécifique de travail et ne naissaient qu'à la fin de l'année civile 1998, la cour d'appel a violé ensemble l'article R.243-10 du Code de la sécurité sociale et l'article L. 621-24 du Code de commerce ;
3 / qu'en tout état de cause, le juge, qui admet dans son principe l'existence d'une créance mais ne reconnaît au créancier le droit d'en poursuivre le recouvrement que pour une partie seulement, ne peut rejeter la demande tendant au paiement de la partie recouvrable de cette créance en se fondant sur la seule circonstance que le créancier n'avait procédé qu'à un calcul global de sa créance ; qu'il lui appartient, dans cette hypothèse, de procéder lui-même au calcul de la partie de la créance pour laquelle il reconnaît au créancier un droit de poursuite, en recueillant, si besoin, des informations complémentaires auprès des parties ; qu'en prononçant la nullité du commandement de saisie-vente délivré à la société Arts Litho et en ordonnant la mainlevée de la procédure de saisie-vente incriminée en se fondant sur la circonstance qu'elle n'avait pas chiffré la part des sommes par elle réclamées se rapportant à des salaires dus pour un travail accompli après le prononcé du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Arts Litho, la cour d'appel, qui a refusé d'exercer son pouvoir d'appréciation, a violé ensemble les articles R.243-10 du Code de la sécurité sociale et L.621-24 du Code de commerce ;
Mais attendu que, d'une part, il appartient au juge de l'exécution de vérifier, dans le respect des dispositions des articles L. 621-24 et L. 621-40 du Code de commerce, la validité du titre exécutoire au regard de la possibilité pour l'URSSAF de recouvrer sa créance contre un débiteur en redressement judiciaire, et notamment de constater si la créance, sous-tendant le commandement litigieux, n'a pas son origine antérieurement au jugement d'ouverture ; que, d'autre part, la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments soumis à son examen, a relevé que l'organisme de recouvrement n'avait pas chiffré la part de sommes réclamées à titre de régularisation des cotisations dues pour l'année 1998, de telle sorte qu'une partie des sommes visées par le commandement portait sur une période antérieure au jugement d'ouverture ; que l'arrêt attaqué en a déduit, sans encourir les griefs du moyen, que le commandement, fondé sur une créance non exigible, était nul et qu'il devait être donné mainlevée de la saisie-vente ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'URSSAF de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de l'URSSAF de Paris et la demande de Mmes X... et Y..., ès qualités ; condamne l'URSSAF de Paris à payer à la société Arts Litho la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille cinq.